Un homme blanc et une femme noire condamnés pour s'être mariés dans les années 50: avec Loving, lundi à Cannes, l'Américain Jeff Nichols signe une ode sobre à la tolérance, dont il espère qu'elle fasse «réfléchir» sur toutes les discriminations.

Basé sur une histoire vraie emblématique de la lutte des droits civiques aux États-Unis, ce film en compétition pour la Palme, suit la vie de Richard Loving, campé par l'Australien Joel Edgerton, et sa femme Mildred (l'actrice irlando-éthiopienne Ruth Negga), un couple mixte de Virginie.

Mariés en 1958 dans le district voisin de Columbia pour échapper à une loi interdisant les unions interraciales dans leur État, Mildred et Richard sont arrêtés. Ils plaident coupables et voient leur peine de prison suspendue à la condition de quitter la Virginie. Obligés de déménager à Washington, ils décident de contester leur condamnation en justice.

Cette affaire, connue sous le nom de «Loving contre l'État de Virginie», est allée jusqu'à la Cour Suprême des États-Unis. En 1967, celle-ci a rendu un arrêt déclarant anticonstitutionnelle la loi de Virginie, et invalidant toute loi qui apporterait des restrictions au droit au mariage fondées sur la race.

À partir de cette histoire de Richard et Mildred Loving, interprétés tout en retenue par Ruth Negga et Joel Edgerton, Jeffrey Nichols a voulu faire un film «limpide» et «simple», montrant juste «deux personnes qui sont tombées amoureuses», a-t-il expliqué lors d'une conférence de presse.

«Il fallait arriver au coeur du problème, et la façon la plus simple, c'était de montrer les deux personnages (...) Il m'a paru évident qu'il fallait juste s'attacher aux gens» même si «l'histoire judiciaire en elle-même est fascinante», a ajouté le cinéaste né en Arkansas.

«Inciter les gens à réfléchir»

Pour le réalisateur, déjà venu en compétition à Cannes en 2012 avec Mud, après y avoir obtenu en 2011 le Grand Prix de la Semaine de la critique pour Take Shelter, «c'est l'une des histoires d'amour les plus pures dans l'histoire des États-Unis».

Pour ce film de facture classique, qui met la famille au coeur du récit, Jeff Nichols a rencontré la fille de Richard et Mildred Loving.

«J'avais des tas de questions à poser, par exemple: «Est-ce qu'il y avait de la musique à la maison, comment c'était ?». Il y a beaucoup d'informations sur la décision des tribunaux, mais il y en avait peu sur la vie quotidienne», a-t-il dit, soulignant qu'il «espérait avoir montré et résumé l'essence de ces personnages».

Au-delà de l'histoire des Loving, le cinéaste de 37 ans a dit aussi «espérer que ce film incite les gens à réfléchir» sur les discriminations.

«Il s'agit avant tout d'hommes et de femmes et de leur vie, de leurs droits. Je souhaite que le plus grand nombre voie ce film pour en discuter», a-t-il dit, évoquant les «peurs» qui perdurent malgré la décision de la Cour suprême américaine en 2015 de légaliser le mariage gai.

«C'est toujours bien de parler», a renchéri Ruth Negga. «Moi je suis à moitié irlandaise. L'an dernier il y a eu un référendum sur le mariage gai, il y avait une vaste majorité en faveur et j'en étais très fière», a-t-elle ajouté, estimant qu'il «faut montrer au monde qu'il est possible d'évoluer, de mener des discussions sur l'égalité».

«Ce film est magnifique parce qu'il rend très humain ce genre de débats», a-t-elle dit.

«Il ne s'agit pas que de la race, il s'agit également des différences religieuses, culturelles, de genre et sexe. C'est dommage que ce film soit toujours tellement d'actualité aujourd'hui», a estimé de son côté Joel Edgerton, dont le pays, l'Australie, débat encore du mariage gai.