Deux signatures originales se sont illustrées hier dans la compétition. Le film Toni Erdmann, réalisé par Maren Ade, a suscité une salve d'applaudissements nourris de la part des journalistes, et la nouvelle offrande de Park Chan-wook n'a pas déçu les admirateurs de son cinéma.

Toni Erdmann: Tel père, telle fille...

Lors d'une projection destinée à la presse festivalière, il est assez rare d'entendre, au beau milieu d'une projection, une salve d'applaudissements spontanée et bien nourrie à la fin d'une scène. Cela était survenu il y a deux ans quand Antoine Olivier Pilon élargit de ses mains le cadre étouffant de Mommy. Cette fois, la réalisatrice allemande Maren Ade, dont les films précédents sont encore peu connus sur le circuit international (Everyone Else lui a valu le Grand Prix du jury à Berlin en 2009, cela dit), a eu droit à ce même élan d'enthousiasme. La dernière heure de Toni Erdmann est totalement jubilatoire. Et ponctuée d'au moins deux scènes d'anthologie. Pour en arriver là, la montée aura été un peu longue (le film dure 172 minutes), mais la patience du spectateur est ici bien récompensée.

Sandra Hüller (lauréate d'un prix d'interprétation à Berlin en 2006 grâce au Requiem de Hans-Christian Schmid) incarne une femme de carrière, installée à Bucarest à titre de consultante dans une grande entreprise. Son père, délicieusement interprété par l'acteur autrichien Peter Simonichek, est un vieil excentrique, farceur et un peu délinquant, qui débarque à l'improviste dans la capitale roumaine pour mettre un peu de piquant dans la vie de sa fille, devenue trop sérieuse à son goût. Qu'importe si, pour ce faire, il doit s'inventer un personnage fictif - le Toni Erdmann du titre - et se placer dans des situations un peu gênantes, surtout pour elle. La cinéaste allemande expose ainsi la complexité d'une relation père-fille de façon originale, en utilisant l'humour et la tendresse, sans toutefois tomber dans les excès de sentimentalisme. Ce film attachant pourrait bien attirer l'attention du jury d'une façon ou d'une autre.

The Handsmaiden (Mademoiselle): Un thriller d'époque bon, mais trop long...

Les admirateurs du cinéma de Park Chan-wook attendaient impatiemment sa nouvelle offrande. Même si le réalisateur d'Oldboy (Grand Prix à Cannes en 2004), de Thirst, ceci est mon sang (Grand Prix à Cannes en 2009) et de Stoker (son premier film en anglais) arpente ici de nouveaux territoires, il est clair que The Handsmaiden (Mademoiselle) se démarque grâce au style singulier du cinéaste. Fait étonnant, ce film est l'adaptation d'un roman de l'auteure galloise Sarah Waters, dont l'intrigue est à l'origine campée dans l'Angleterre de l'ère victorienne, que le chef de file du cinéma coréen a transposé dans la Corée et le Japon des années 30. Et ça fonctionne. Park Chan-wook met cette fois sa grande maîtrise technique au service d'un thriller érotique, plus esthétisant que charnel, dans lequel on retrouve aussi ses thèmes de prédilection, notamment sur le plan de la violence et de la perversité. Il s'agit d'une histoire d'amour et de trahison, dans laquelle sont engagées deux jeunes femmes. L'une veut mettre de côté son passé de pickpocket en se faisant embaucher comme servante au service d'une riche héritière, l'autre est la jeune héritière en question. Et elle succombera aux charmes de la nouvelle servante...

On a ici droit à des cadrages glorieux, à des images savamment composées, et à une approche franche quant à la nature érotique du récit. Malheureusement, comme bien d'autres productions présentées ici jusqu'à maintenant, The Handsmaiden souffre d'une durée excessive, laquelle donne parfois l'impression que l'histoire tourne en rond.

PHOTO JEAN-PAUL PELISSIER, REUTERS

Le réalisateur Park Chan-wook, qui présente le film The Handsmaiden, donne une conférence de presse.