La plus grande fête du cinéma s'est amorcée hier avec un baiser mémorable entre Catherine Deneuve et Laurent Lafitte. Elle s'est poursuivie avec la présentation de Café Society, un film charmant de Woody Allen, son meilleur depuis Blue Jasmine.

Au moins, les dieux du cinéma ont fait en sorte que le ciel soit un peu plus clément qu'il ne l'a été au cours des derniers jours. L'accueil des stars à la soirée d'ouverture du 69Festival de Cannes a ainsi pu se faire avec sa dose habituelle d'ultra glamour. Comme pour conjurer la peur en cette période de tension, la soirée a été placée d'emblée sous le signe du romantisme. Catherine Deneuve a donné le ton en s'avançant sur la scène du Théâtre Lumière pour simplement donner au maître de cérémonie, Laurent Lafitte, un beau et long baiser de cinéma.

On nous disait qu'en raison de la menace terroriste qui sévit en France et en Europe, le Festival de Cannes se déroulerait cette année sous une plus haute surveillance policière et militaire. Force est de constater qu'on y voit presque du feu. Déjà rompu aux imposants systèmes de sécurité établis depuis maintenant plusieurs années (fouilles de sacs, détecteurs d'objets métalliques, etc.), le festivalier moyen ne constate pas vraiment une lourdeur accrue dans les mesures mises en place pour assurer la sécurité aux abords du Palais des festivals.

Cela dit, il est évident qu'en ville, l'effervescence est un peu moins grande qu'à l'accoutumée. Cela n'altère toutefois en rien l'ambiance qui règne sur la Croisette. Les gens sont là pour assister au plus beau happening cinématographique du monde, et les organisateurs tiennent à ce qu'il se déroule dans une atmosphère festive. Les journalistes ont même eu la surprise d'être invités à un «party de bienvenue» organisé expressément pour eux. De mémoire de festivalier, on n'avait jamais vu ça. Manque de pot, on nous a collé une projection de presse d'un film de trois heures auparavant. Écriture ou fête? Écriture, bien sûr.

Du charme en ouverture

Alors, il est comment, ce nouveau film de Woody Allen? Très charmant, sans être grandiose. Café Society est en tout cas beaucoup plus réussi que Magic in the Moonlight et Irrational Man, ses deux films précédents.

Campé dans les années 30, dans une atmosphère fitzgeraldienne à la Great Gatsby, Café Society relate le parcours romantique d'un jeune homme (Jesse Eisenberg) qui, parti de son Brooklyn natal, débarque à Hollywood pour aller travailler dans une agence artistique que dirige son oncle (Steve Carrell). Là-bas, il tombe amoureux de la jeune secrétaire de ce dernier (Kristen Stewart).

L'intrigue étant campée dans le milieu du cinéma à la plus grande époque du système des studios, le cinéaste en profite pour multiplier les clins d'oeil à cette forme d'art qu'il aime tant, telle que pratiquée à l'époque. D'ailleurs, Woody Allen assure lui-même la narration de son 46long métrage. Cela dit, le coeur du film repose sur une intrigue sentimentale que le cinéaste déploie avec son humour habituel. Rien de nouveau dans la manière ou le propos, mais on aime justement le réalisateur de Midnight in Paris pour la maîtrise dont il fait preuve quand il emprunte le ton d'une tragi-comédie.

Des zones d'ombre

Lors d'une conférence de presse très courue, au cours de laquelle il était entouré de son équipe, le cinéaste, maintenant âgé de 80 ans, expliquait que le romantisme comporte aussi toujours sa part de zones d'ombre. Il fait d'ailleurs dire à l'un des personnages du film que «la vie est une comédie écrite par un auteur comique sadique».

«Il est vrai que le romantisme peut être très amusant. Mais il est souvent assorti d'un aspect plus triste. On a tous besoin d'humour pour composer avec une existence marquée par la tristesse et la cruauté.»

Produit au coût de 30 millions, Café Society est le premier titre d'Amazon Studios à être présenté sur la Croisette. Cinq des films de la sélection officielle sont d'ailleurs issus de la filière cinématographique du géant de la distribution en ligne. Une première qui, dans les coulisses, fait beaucoup jaser. Amazon effectue ainsi une entrée remarquée sur le circuit des grands festivals internationaux de cinéma. Son concurrent Netflix n'est pas en reste, mais son entrée cannoise se fait encore attendre.

«Tant que des gens seront prêts à financer mes films, je n'arrêterai pas de tourner!», a promis Woody Allen.

Au Québec, Café Society prendra l'affiche le 29 juillet.

PHOTO AFP

Le réalisateur Woody Allen est entouré de quelques acteurs de Café Society: Jesse Eisenberg, Kristen Stewart et Blake Lively.