«Pourquoi l'Afrique est-elle à la fois si riche mais si pauvre?»: partant de ce constat pour construire le scénario de son projet de premier long métrage, le réalisateur malgache Haminiaina Ratovoarivony, 38 ans, a décroché une invitation au Festival de Cannes qu'il vit «comme un rêve».

Avec son producteur Nantenaina Lova, ils ont débarqué sur la Croisette tous frais payés parmi les lauréats de la sélection 2015 de la Fabrique des Cinémas du monde qui favorise l'émergence de la jeune création des pays du Sud, à l'initiative de l'Institut français et de France Médias Monde (groupe qui chapeaute RFI et France 24).

En partenariat avec le Festival de Cannes et le Marché du film, la Fabrique des cinémas a sélectionné dix réalisateurs qui développent leur premier ou deuxième long métrage.

«On a souvent un a priori sur le Festival de Cannes avec ses paillettes et son tapis rouge... Mais, en regardant mieux, on se rend compte que c'est un lieu hallucinant très professionnel pour le cinéma», confie à l'AFP Haminiaina Ratovoarivony.

«C'est une opportunité formidable. On rencontre chaque jour des producteurs qui recherchent des projets, des acheteurs de chaînes de télévision, des sélectionneurs d'autres grands festivals dans le monde», ajoute le cinéaste qui a besoin de 700 000 euros pour démarrer le tournage de son film.

Le scénario est bouclé, le casting très avancé. Reste le nerf de la guerre: l'argent. Après des études de sociologie à Antananarivo et un master en documentaire en France, Haminiaina Ratovoarivony a signé un premier film remarqué en 2005, Madame le Pasteur, coproduit par France Télévisions.

«Mon premier long métrage fait partie d'une trilogie, après deux documentaires. La grande question que je veux aborder est comprendre ce que l'Afrique fait ou plutôt ne fait pas, en étudiant les rapports Nord-Sud, sur le plan économique et sur le plan culturel», explique-t-il.

Inspiré d'un fait divers, le film racontera le périple d'un humanitaire à Madagascar. L'île et ses maux auront raison de cet étranger qui croyait être arrivé en terrain conquis.

Deux salles de cinéma à Antananarivo

L'Institut français de Madagascar a soutenu sa candidature pour la Fabrique des Cinémas qui en 2012 avait déjà accompagné un cinéaste malgache. En 1986, le cinéaste le plus connu de Madagascar, Raymond Rajaonarivelo, avait présenté un long métrage, Tabataba à la Semaine de la critique de Cannes.

«Dans les années 60, il y avait plusieurs dizaines de cinémas à Madagascar. Il ne reste que deux salles dans la capitale Antananarivo, souvent occupée par des cérémonies des églises évangéliques. Il faut négocier des créneaux pour diffuser des films», raconte Haminiaina Ratovoarivony. L'Institut français projette régulièrement des films mais le grand public n'y a pas vraiment accès.

Sur la côte Est de Madagascar, à Toamasina, se déroulent chaque année les Rencontres documentaires de l'Océan indien. La capitale accueille en mai les Rencontres du film court, avec des projections et des ateliers.

Grande amoureuse de l'Afrique, la cinéaste Claire Denis est la marraine 2015 de la Fabrique des Cinémas du monde de Cannes: «un futur ou une future cinéaste ressemble un peu à une grande prairie drue et fleurie, une prairie qui n'est pas encore rentable, sans maïs, sans patates, avec ici ou là de la caillasse, mais qui sent bon et qui promet».