Pour la première fois depuis 30 ans, une réalisatrice lance les festivités du Festival de Cannes mercredi avec La tête haute, un film sans paillettes sur un jeune délinquant, avec Catherine Deneuve en tête d'affiche, qui sort le même jour dans toute la France.

La monumentale affiche de Cannes 2015 a été hissée lundi sur le fronton du Palais du Festival. Ingrid Bergman, immortalisée en noir et blanc, attend désormais les festivaliers qui monteront mercredi soir les célèbres 24 marches tapissées de rouge.

Vent de changement après le glamour de Gatsby le magnifique il y a deux ans ou de Grace de Monaco l'an dernier: avec La tête haute d'Emmanuelle Bercot (Backstage, Elle s'en va), le festival s'ouvrira sur un film d'auteur à tonalité sociale.

«Je suis à la fois très honorée, très intriguée parce que c'est un choix qui est totalement inattendu et assez insolite. Et je suis assez émue qu'un film comme celui-là soit justement mis en lumière de façon aussi prestigieuse qu'en ouverture du Festival», a confié à l'AFP la réalisatrice française de 47 ans, qui sera là aussi comme actrice pour Mon roi de Maïwenn.

Ce sera la deuxième fois dans l'histoire de Cannes qu'une réalisatrice fera l'ouverture du festival, après Diane Kurys en 1987.

Emmanuelle Bercot sera aussi l'une des Françaises en sélection officielle, aux côtés de Maïwenn et Valérie Donzelli même si, contrairement aux deux autres, son film ne sera pas en course pour la Palme d'or.

«On est toutes les trois des réalisatrices-actrices. On fait partie de cette vague de réalisatrices qui commence à émerger assez fortement», souligne la cinéaste, dont le premier film, Clément, avait été sélectionné en 2001 à Cannes dans la section Un certain regard.

Elle avait aussi été la coscénariste de Polisse de Maïwenn (Prix du jury à Cannes en 2011).

Le mythe Deneuve

Dans La tête haute, Emmanuelle Bercot suit au plus près l'itinéraire de 6 à 18 ans de Malony, enfant difficile puis délinquant plein de rage mais fragile, interprété par le jeune Rod Paradot, dont c'est le premier rôle.

Ce film, à la fois dur et plein d'espoir, s'attache à montrer les efforts d'une juge des enfants (Catherine Deneuve) et d'un éducateur (Benoît Magimel) pour aider ce jeune garçon, dont la mère (Sara Forestier) est dépassée.

Emmanuelle Bercot dit avoir voulu «parler de l'enfance perdue» et «rendre hommage» aux «héros» que sont à ses yeux les juges des enfants ou les éducateurs.

«La justice, c'est quelque chose qui me préoccupe depuis mon plus jeune âge, et aussi l'enfance, notamment la protection de l'enfance. Tout cela m'a amenée vers la justice des mineurs», explique la réalisatrice, dont l'oncle, éducateur, «a été déclencheur de ce film».

Après Elle s'en va, dans lequel Catherine Deneuve incarnait une femme qui partait à l'aventure sur les routes - un rôle pour lequel elle avait été nommée aux César en 2014 -, c'est la deuxième collaboration entre l'actrice, convaincante dans ce rôle, et Emmanuelle Bercot, qui dit ne pas se sentir «embarrassée par le mythe Catherine Deneuve».

«C'est elle, sa personne qui m'intéresse. Et là, elle m'intéressait particulièrement pour cette juge, parce qu'elle a en elle cette dualité entre une autorité naturelle très forte, qu'elle ne fabrique pas, et un côté extrêmement maternel et protecteur», dit-elle.

Pour Catherine Deneuve, qui a souvent monté les marches depuis la Palme d'or des Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy en 1964, «Cannes reste toujours une épreuve pour les acteurs». Même si, a-t-elle déploré dans Le Journal du Dimanche, le festival est «beaucoup moins» glamour qu'avant.

«Il n'y a plus de stars en France. Une star est quelqu'un qui doit se montrer peu et rester dans la réserve», ajoute-t-elle.