Les cinéastes Joel et Ethan Coen ont leurs habitudes à Cannes où ils ont déjà reçu une litanie de prix mais ce mois-ci c'est dans le rôle de présidents du jury qu'ils reviennent poser sur la Croisette leur regard décalé.

C'est la première fois que le prestigieux jury de la sélection des films en course pour la Palme d'or est coprésidé par deux personnes.

«Nous sommes très heureux de revenir à Cannes (....) être présidents du jury cette année est d'autant plus un honneur que nous n'avions jamais été présidents de rien du tout avant», ont déclaré les cinéastes, parmi les plus innovants et brillants au monde.

Les plus récompensés aussi, avec 120 prix remportés au total, dont quatre Oscars, incluant celui du meilleur film pour No Country for Old Men en 2007.

Ils font partie des réalisateurs chéris sur la Croisette, où ils ont remporté la Palme d'or en 1991 pour Barton Fink, le prix de la mise en scène pour Fargo en 1996 et pour The Barber, et le Grand prix du jury pour Inside Llewyn Davis en 2013.

Joel (60 ans) et Ethan (57 ans) qui bénéficieront d'une voix chacun siégeront aux côtés de quatre femmes - l'Espagnole Rossy de Palma, la Française Sophie Marceau, la Britannique Sienna Miller, la Malienne Rokia Traoré - et trois hommes - le Canadien Xavier Dolan, l'Américain Jake Gyllenhaal et le Mexicain Guillermo del Toro

Humour acide, atmosphères macabres

Le choix de ceux qui sont souvent qualifiés de «réalisateur à deux têtes» peut sembler paradoxal puisque Ethan Coen avait jadis exprimé son scepticisme à propos des palmarès de festivals.

«Les prix mettent un film sur le radar des gens», et en cela «les festivals sont une bonne chose, même si l'idée de mettre des films en concurrence, celui-là est le meilleur-ci, celui-là est le meilleur-çà, c'est ridicule», avait-il alors déclaré.

Alors qu'ils vont se prêter à leur tour à cet exercice autrefois décrié, Tim Gray, l'un des journalistes spécialistes des prix du cinéma au magazine Variety, la bible du secteur, estime que leur présence à la tête du jury pourrait favoriser les films européens.

Il juge que leur noirceur est peut-être plus proche de la sensibilité du duo connu pour son humour acide, ses anti-héros sombres et souvent violents, et ses atmosphères macabres.

C'est la cinquième fois que des cinéastes américains président le jury de Cannes ces dix dernières années, après Sean Penn en 2008, Tim Burton en 2010, Robert De Niro en 2011 et Steven Spielberg en 2013.

Durant ces années, un seul Américain, Terrence Malick pour The Tree of Life, a remporté la Palme d'or.

«À la tête du jury les frères Coen ne vont pas prendre des décisions unilatérales, bien entendu. Ils vont toutefois aider à lancer la discussion. Et leurs films montrent qu'ils aiment approcher les choses sous un angle inhabituel», souligne Tim Gray.

Depuis leurs débuts en 1984 avec leur thriller Blood Simple, le duo a sorti une douzaine de films, beaucoup avec leurs acteurs fétiche, John Turturro et Frances McDormand, l'épouse de Joel.

Ils coréalisent, coproduisent et coécrivent la plupart de leurs films, qui font la part belle aux psychopathes (Fargo, No Country for Old Men), à l'Amérique profonde, aux destins qui basculent dans la folie (A Serious Man), à l'absurde (The Barber)...

Leur cinéma à l'univers si personnel attire les plus grandes stars depuis leurs débuts: Nicolas Cage, Holly Hunter (Raising Arizona), Paul Newman (Le grand saut), Catherine Zeta-Jones (Intolerable Cruelty), Matt Damon (True Grit), Brad Pitt (Burn After Reading), etc.

Depuis quinze ans, ils ont noué une collaboration très fructueuse avec George Clooney, vedette de trois de leurs films: O Brother, Where Art Thou? (2000), Intolerable Cruelty (2003) et Burn After Reading (2008).

Il est une nouvelle fois à l'affiche de leur prochain film, Hail, Caesar!, avec Josh Brolin, Tilda Swinton, Channing Tatum et Scarlett Johansson, dont la sortie est prévue en France l'an prochain.