Cinéaste vénéré ou détesté, Jean-Luc Godard, enfant terrible de la Nouvelle Vague, est devenu un mythe du 7e art en révolutionnant l'histoire du cinéma en tant que génial réalisateur d'À bout de souffle (1959) et du Mépris (1963).

Adieu au langage, présenté mercredi à Cannes, est le dernier film  d'une oeuvre  iconoclaste, souvent marquée par le goût de la provocation - une cinquantaine de films où se mêlent fictions, films militants, vidéos et films grand public - se dégage un combat pour un cinéma qui représente le monde, mais ne cherche pas à l'interpréter.

Né à Paris le 3 décembre 1930 de parents français d'origine suisse, Godard passe son enfance à Nyon, près de Genève, au sein de la bourgeoisie protestante.

Naturalisé suisse durant la Seconde Guerre mondiale, il part à Paris en 1949 pour des études d'ethnologie à La Sorbonne, auxquelles il ne tarde pas à préférer les ciné-clubs et la Cinémathèque.

C'est là qu'il se lance en 1956 dans la critique aux Cahiers du Cinéma et à Art, avec de futurs réalisateurs de la Nouvelle Vague: François Truffaut, Jacques Rivette, Eric Rohmer et Claude Chabrol.

Tous dénoncent un cinéma français sclérosé et mettent en avant des cinéastes selon eux injustement méprisés comme le Britannique Alfred Hitchcock et l'Américain Howard Hawks.

La Nouvelle Vague, disait Godard, «a moins cherché à raconter une histoire qu'à montrer comment on raconte une histoire».

Après quelques courts métrages, il tourne son premier long, À bout de souffle, qui impose Jean-Paul Belmondo en jeune voyou auprès de l'énigmatique Jean Seberg. Le film frappe par son style désinvolte et son refus des règles classiques du cinéma.

Scénariste du film, François Truffaut dit de Godard qu'avec ce film, il a «fichu la pagaille dans le cinéma, ainsi que l'a fait Picasso dans la peinture et, comme lui, il a rendu tout possible».

«Filmer comme il respire»

Puis vient Le Mépris, d'après Alberto Moravia, qui donne à Brigitte Bardot l'occasion d'entrer au panthéon des scènes mythiques avec sa fameuse réplique: «Et mes fesses, tu les aimes, mes fesses?»

Suivent Une femme est une femme, Vivre sa vie et Pierrot le Fou, film à la fois violent, romantique et ironique où il filme sa femme de l'époque, l'actrice Anna Karina, au côté de Jean-Paul Belmondo.

À la fin des années 60, Godard se fait plus sociologue: dans Deux ou trois choses que je sais d'elle (1966), Week-end (1967) et La Chinoise (1967), il se montre résolument critique vis-à-vis de la société de consommation et du système capitaliste.

Après mai 68, il veut rompre avec le système du cinéma. De plus en plus essayiste et pamphlétaire, il tourne le dos à la fiction pour réaliser, dit-il, «des films politiquement politiques».

Au milieu des années 70, ce maître à penser pour les uns, symbole de l'intellectualisme pour les autres, s'installe à Grenoble avec Anne-Marie Mieville pour s'intéresser à la vidéo et entamer une réflexion sur les images et les médias.

Le retour en Suisse de Godard en 1979 correspond à son retour à la fiction et au grand public avec Sauve qui peut (la vie), avec les stars Nathalie Baye, Jacques Dutronc et Isabelle Huppert. En 1983, Prénom Carmen, qui révèle Maruschka Detmers, remporte le Lion d'Or au Festival de Venise.

Viennent ensuite Je vous salue Marie (1983), censuré dans plusieurs pays, puis Détective (1984) avec Johnny Hallyday. En 1987, il sort Soigne ta droite, film mi-tragique mi-burlesque ponctué par des séances de répétition des Rita Mitsouko.

Godard se consacre ensuite à des essais cinématographiques: JLG JLG (1995), For ever Mozart (1996), Éloge de l'amour (2001).

«Jean-Luc Godard n'est pas le seul à filmer comme il respire, mais c'est lui qui respire le mieux», dit Truffaut.

Mais pour le romancier américain Philip Roth: «À l'exception d'A bout de souffle qui a eu une importance indubitable, son travail me semble insupportable».