L'autre film présenté hier dans la compétition est tiré d'un fait divers étonnant, apparemment peu connu, malgré son aspect spectaculaire. Foxcatcher, le nouveau film de Bennet Miller (Capote, Moneyball), revient sur le parcours dramatique de Mark Schultz, un champion américain de lutte olympique, médaillé d'or aux Jeux olympiques de Los Angeles, en 1984.

Deux ans après sa victoire, Mark (Channing Tatum) vit très modestement et compte se préparer pour les prochains Jeux, qui se tiendront à Séoul. Dès le départ, Miller expose le degré d'intimité que partage l'athlète avec son frère David (Mark Ruffalo), aussi champion olympique et maintenant entraîneur, avec une période d'échauffement, suivie d'une scène de combat filmée au plus près des corps.

Le destin de Mark bascule le jour où le milliardaire John du Pont (Steve Carrell), admirateur de cette discipline olympique, l'invite dans son vaste domaine afin qu'il puisse s'entraîner dans les meilleures conditions. Une relation de pouvoir s'installe alors progressivement entre les deux hommes. L'ascendant qu'exerce le nabab sur son poulain commence à prendre une tournure malsaine.

Au retour des Jeux de Séoul, pendant lesquels Mark a offert une contre-performance, tout dérape. Le frère David est assassiné, et le milliardaire paranoïaque et schizophrène est jeté en prison. Mark Schultz, toujours vivant, a servi de consultant pour les besoins du film et a souvent visité le plateau. Le cinéaste expliquait hier qu'il n'a pas toujours été facile pour lui de revivre par procuration cet épisode dramatique de sa vie.

Changement de registre pour Carrell

Moins percutant que Moneyball, le nouveau film de Bennett Miller pourra quand même faire très belle figure aux Oscars l'an prochain. C'est d'ailleurs un peu ce qui agace dans l'approche du cinéaste. Tout y est calibré de façon parfaite pour séduire les membres de l'Académie. Jusqu'à la prothèse nasale de Steve Carrell. Le comédien, qui change ici de registre et propose une excellente composition dans le rôle du milliardaire fêlé, peut d'ailleurs déjà aller choisir les smokings qu'il portera lors de la prochaine saison des récompenses. Il n'est pas dit que le jury cannois sera toutefois séduit de la même manière.

«Lors de notre première rencontre, Bennett m'a simplement raconté quelques scènes, a expliqué l'acteur. Quand j'ai reçu le scénario, j'ai retrouvé exactement ce qu'il m'avait décrit. Je crois que c'est la première fois que je voyais une chose pareille! J'ai abordé ce rôle tragique de la même manière que pour une comédie, car les personnages n'ont jamais conscience d'être dans une comédie ou une tragédie. J'ai abordé ce film comme une histoire.»

De son côté, Bennett Miller a vu dans ce fait divers quelque chose de plus large.

«Quand j'ai commencé à creuser cette histoire, je savais qu'il y avait des thèmes qui vont au-delà, quelque chose qui nous renvoie à nous et à notre pays. Foxcatcher n'est pas un film politique, c'est un film qui tente de comprendre quelques dynamiques, notamment celle du déclin. Nous avons utilisé un microscope pour regarder à l'intérieur de cette histoire. On peut comprendre l'univers en utilisant un télescope, mais aussi, parfois, en faisant l'inverse. L'objectif n'est pas tant de raconter une histoire mais de l'observer.»

La sortie de Foxcatcher est prévue pour le mois de novembre en Amérique du Nord.