Gérard Depardieu n'a pas monté les célèbres marches du palais des festivals et le film a dû se contenter d'un cinéma de quartier. Pourtant, la sortie mondiale samedi soir de Welcome to New York, inspiré de l'affaire DSK, a fait courir tout Cannes.

C'est en plein centre-ville, derrière la barrière de palaces et de boutiques de luxe de la Croisette, que les producteurs de Wild Bunch ont présenté à la presse et au public le film d'Abel Ferrara inspiré du scandale qui a fait chuter il y a trois ans presque jour pour jour le patron du Fonds monétaire international et favori des sondages pour la présidentielle française de 2012.

Jusqu'ici, Dominique Strauss-Kahn ne s'est pas exprimé, ce qui ne veut pas dire que ses avocats ne sont pas à l'affût. Il a été prompt à assigner en diffamation l'écrivain français Régis Jauffret, auteur de La Ballade de Rikers Island et les éditions du Seuil pour un roman qui met en scène le dirigeant d'une institution internationale accusé de viol.

Même s'il colle au plus près à l'affaire DSK, qui a obtenu un non lieu au pénal aux États-Unis, le film prévient au début qu'il s'agit d'une version fictionnalisée.

«C'est une production américaine tombant sous le coup de la loi américaine. Nos avocats ont vu le film et le scénario», a dit à la presse le coproducteur Vincent Maraval à l'issue d'une projection privée sous une tente. Il assure n'avoir eu jusqu'ici «aucune réaction» de DSK ou de ses avocats: «Ils n'ont pas vu le film. Ils sont sûrement en train de le voir pour 7 euros», allusion au prix à la sortie du film en «vidéo à la demande» dès samedi soir sur internet.

«C'est une aventure unique parce que tirée d'un fait divers que tout le monde a lu», a expliqué Gérard Depardieu.

«Je n'ai pas cherché à donner tort ou raison à mon personnage», a-t-il ajouté, disant qu'il pouvait «comprendre les pulsions» qui l'animent. «Je plains les gens qui sont comme ça».

Quant aux relations entre DSK et sa femme Anne Sinclair, «il existe un mystère au sein de ce couple... Qu'est-ce qu'ils pouvaient bien se dire ? On était obligés d'improviser».

Tragédie shakespearienne

Et le film? Pas une Palme d'or s'il avait été sélectionné. Selon Depardieu, les organisateurs du Festival «souhaitaient quelques coupures», ce qu'Abel Ferrara a refusé.

«Pouvoir, argent, sexe il y a tout d'une tragédie shakespearienne», disait Depardieu, au physique particulièrement lourd et la chair triste à l'écran.

La chute du puissant, malade de ses pulsions sexuelles (le film n'épargne ni les scènes de sexe tarifé, ni les tentatives brutales de mettre une femme dans son lit), a bien lieu, l'affaire elle-même et ses suites judiciaires sont peu développés.

Abel Ferrara s'intéresse surtout aux conversations du couple Devereaux (Depardieu et Jacqueline Bisset), dans le fameux appartement new-yorkais où il a été assigné à résidence, celles que tout le monde a imaginé mais n'a jamais pu entendre.

Simone Devereaux, qui reste envers et contre tout à ses côtés, est accusée finalement par son mari d'être une femme de pouvoir - c'est elle qui voulait être présidente -, c'est elle la femme riche, celle qui aide l'État d'Israël et a hérité d'une fortune amassée pendant la guerre, comme s'il la rendait responsable de tout.

Déjà, le quotidien Le Monde accuse le film de «donner dans le fantasme antisémite» dans sa description de Simone.

«Je trouve que la performance de Depardieu est extraordinaire. Et le film, très intéressant», a lancé le cinéaste français Claude Lelouch, à la sortie de la projection.

«Abel Ferrara fait là son meilleur film. Et surtout, il y a le courage de Gérard en tant qu'acteur. Je pense qu'il a plus de courage qu'aucun autre acteur en vie aujourd'hui», a estimé l'acteur américain Mickey Rourke.

Les voix des anonymes à la sortie de la projection sont plus mitigées: «c'est au-delà du navet, c'est embarrassant, c'est d'un mauvais goût, c'est presque putassier comme film», dit l'un d'eux.

«Le viol, c'est dur, ils ne cachent pas, ils montrent clairement ce que c'est, et franchement, c'est dur», dit une spectatrice.