Le film iranien L'escale, le mexicain La jaula de oro, ou Né quelque part sur l'Algérie: l'immigration clandestine et ses drames, rendus plus aigus encore en période de crise économique, inspirent plusieurs oeuvres présentées lors du festival de Cannes.

Premier long métrage de l'Iranien Kaveh Bakhtiari, né à Téhéran, puis arrivé en Suisse à l'âge de 9 ans, L'escale, montré à la Quinzaine des réalisateurs, est un documentaire sur des migrants clandestins iraniens qui transitent par la Grèce.

L'essentiel du film se passe dans un petit appartement à Athènes, lieu de transit pour des migrants. Pour eux, souvent arnaqués par un passeur qui les a abandonnés en Grèce, ce pays est une escale dans l'attente de papiers ou d'un autre passeur grâce auquel ils espèrent rejoindre d'autres pays occidentaux.

Filmé avec une petite caméra numérique, le film suit au jour le jour ces hommes, dont «chaque geste anodin et quotidien peut mettre leur vie en jeu», raconte le réalisateur.

«Je me suis immergé dans la clandestinité», poursuit Kaveh Bakhtari, qui a passé près d'un an à Athènes pour ce film.

«Je me retrouvais face à des miraculés qui avaient tous bravé la mort» et pour qui «le simple fait d'aller acheter une brosse à dents comportait un risque insoupçonné», dit-il.

Avec l'aggravation de la crise grecque et la montée en force de l'extrême droite dans ce pays, «la situation est devenue catastrophique», explique-t-il. «Les migrants, fustigés par l'extrême droite, sont devenus les boucs émissaires des malheurs de la Grèce. Maintenant, ils sont pourchassés, tabassés ou tués par les gros bras d'Aube Dorée, un parti ouvertement xénophobe».

«Donner la parole aux migrants»

La jaula de oro, réalisé par Diego Quemada-Diez et présenté mercredi dans la section Un certain regard, aborde aussi ce thème de l'immigration, brûlant au Mexique, à travers l'épopée de plusieurs adolescents qui tentent de passer clandestinement aux États-Unis.

Le réalisateur espagnol vivant au Mexique, ancien assistant du Britannique Ken Loach notamment sur Land and Freedom, montre la réalité dure de cette immigration pleine de dangers, entre vols, arrestations par la police et enlèvement par des gangs.

Diego Quemada-Diez, qui avait recueilli de nombreux témoignages de migrants, dit avoir voulu «leur donner la parole» après avoir «senti profondément leur drame, avoir senti que c'était des héros qui sacrifiaient leur vie pour leur famille», dans «l'espoir de s'extraire d'une pauvreté terrible».

«J'ai senti leur indignation face à l'injustice globale, face à des gouvernements impassibles», a-t-il indiqué à l'AFP. «J'ai eu le sentiment que ces histoires qu'on me racontait, j'avais le devoir de les raconter à d'autres», pour «faire réfléchir les gens sur cette injustice», a-t-il poursuivi.

Autre pays, mais réalité proche: Né quelque part, premier long métrage de Mohamed Hamidi avec Jamel Debbouze sur le thème des origines et de l'identité, présenté mardi lors d'une séance spéciale, évoque aussi la question de l'immigration clandestine à travers le destin d'Algériens qui cherchent rejoindre la France.

Jamel Debbouze interprète un cousin du «bled» qui rêve de venir en France et va tout faire pour y arriver, tandis que le héros du film, joué par Tewfik Jallab, va se retrouver embarqué avec un groupe de clandestins cachés dans un bateau.

«J'ai surtout tenté d'expliquer pourquoi des hommes et des femmes prennent tant de risques pour quitter leur pays et leur famille», explique Mohamed Hamidi.

«Ce n'est pas pour profiter de la Sécu et des congés payés! C'est juste pour donner un avenir meilleur à leurs enfants», poursuit-il.

«On parle toujours de l'immigration de manière globale mais on oublie que derrière chaque famille, il y a une multitude de petites histoires personnelles, d'itinéraires de vie.»