François Ozon a lancé ce matin la compétition avec Jeune et jolie, le portrait d'une adolescente qui s'adonne à la prostitution. Si le film n'est pas à classer dans la frange supérieure de l'oeuvre du réalisateur de Dans la maison, il révèle quand même Marine Vacht, une jeune actrice épatante.

Depuis Sous le sable, François Ozon ne s'est pratiquement intéressé qu'à des histoires de personnages adultes, souvent même plus âgés que lui. Son excellent film Dans la maison, toujours à l'affiche au Québec, a toutefois redonné au réalisateur de Potiche l'envie de travailler avec de jeunes acteurs, chose qu'il avait faite très souvent à l'époque de ses courts métrages. Filmer la jeunesse d'aujourd'hui, mais à travers un personnage féminin cette fois.

«L'adolescence est très souvent idéalisée dans le cinéma français me semble-t-il, a déclaré François Ozon au cours d'une conférence de presse tenue aujourd'hui. De mon côté, je garde un souvenir plutôt douloureux de cette étape de ma vie. Je voulais parler de l'adolescence de façon différente.»

Ozon a choisi d'aborder la question par le biais de la prostitution. Issue d'une famille sans histoires, Isabelle (Marine Vacht, une révélation), une jeune fille de 17 ans, se laisse peu à peu entraîner dans le jeu du sexe anonyme tarifé quand elle découvre que plusieurs clients potentiels - des hommes mûrs - sont prêts à faire appel à ses services. Étendu sur le cours de quatre saisons, et ponctué d'autant de chansons de Françoise Hardy, le récit - plutôt linéaire - décrit cette période de «crise» pendant laquelle Isabelle anesthésiera ses questions existentielles et son mal-être en se détachant psychologiquement de son corps.

Marine Vacht, dont il s'agit d'un premier rôle important au cinéma, a d'abord gagné sa vie en tant que mannequin. Elle fut choisie par Ozon à la suite d'un grand casting parce que, dit-il, la jeune femme charriait déjà avec elle «un monde intérieur».

L'actrice, très timide, a confié avoir été attirée par l'aspect plus mystérieux du personnage, par ses silences aussi. «Isabelle ne s'excuse pas, elle vit.» De son côté, l'auteur cinéaste a loué la générosité de sa comédienne, notamment pour des scènes plus intimes. «Peut-être est-ce dû à son expérience de mannequin, mais Marine n'a pratiquement aucune inhibition quand vient le moment de tourner les scènes de nudité.»

Préserver le mystère

C'est dire qu'on retrouve ici - c'est assez récurrent dans le cinéma français - une vision de la prostitution dont on a du mal à croire qu'elle puisse correspondre à la réalité. Filmée sous toutes ses coutures, Marina Vacht (dont les traits évoquent ceux de Latitia Casta) donne toutefois au personnage un caractère mystérieux, voire insaisissable.

François Ozon, qui a écrit seul ce scénario entièrement original, a justement tenu à accentuer cet aspect du personnage.

«Pour moi, l'écriture est un travail permanent, dit-il. Elle se fait même encore à l'étape du montage. J'ai toujours tendance à mettre un peu de distance. Le spectateur est intelligent. Je n'ai pas à souligner les choses, ni à lui donner toutes les clés. L'idée du mystère était importante à mes yeux. C'est la raison pour laquelle l'aspect financier a très vite été retiré de l'équation. Isabelle ne se livre pas à la prostitution pour l'argent.»

Jeune et jolie touche aux questions d'identité et de sexualité mais Ozon précise que le moteur du récit aurait tout aussi bien pu être lié à la toxicomanie, à des troubles alimentaires, ou à tout autre condition vécue de façon plus clandestine, souvent à l'insu des proches. À la différence qu'en choisissant une jeune «belle de jour» pour décrire une histoire de nature sexuelle, il est parfois difficile d'éviter un traitement racoleur. Ozon n'y parvient d'ailleurs pas toujours. La finesse d'esprit de Dans la maison n'est pas reconduite ici. Jeune et jolie restera sans doute un film mineur dans la filmographie du cinéaste.

Surpris de sa sélection

N'ayant pas été invité à la compétition cannoise depuis Swimming Pool en 2003, François Ozon a dit avoir été surpris d'être de la fête cette année.

«C'est une pression mais c'est aussi un jeu, a-t-il déclaré. Je ressens surtout une très grande joie à l'idée que des cinéphiles venus du monde entier pourront voir le film. Je suis très surpris de me retrouver à Cannes à vrai dire. Ce film a été fait très simplement. Je me présente ici assez serein car Jeune et jolie est déjà vendu dans plusieurs territoires. Le simple fait d'être inscrit en compétition constitue déjà une récompense à mes yeux.»