Primé à Cannes où il a reçu la Caméra d'or, le film Party Girl, qui clôture le festival Cinemania demain, nous arrive de France auréolé de succès. La Presse s'est entretenue avec l'un des trois réalisateurs, Samuel Theis, et sa mère Angélique Litzenburger, une actrice non professionnelle qui joue ici son propre rôle.

L'histoire familiale à l'origine de ce film à cheval sur la fiction et le documentaire est en soi extraordinaire.

Party Girl est inspiré de la vie de Sonia Litzenburger, native de la Lorraine, danseuse dans les cabarets allemands jusqu'à l'âge de 60 ans. Femme indépendante et séductrice impénitente répondant au nom d'Angélique, friande de soirées bien arrosées et amatrice de colifichets. Mais aussi mère de quatre enfants - de trois pères - élevés par leur grand-mère.

Au tournant de ses 60 ans, Angélique a reçu une demande en mariage de la part d'un de ses fidèles clients, follement amoureux d'elle, qu'elle a fréquenté à l'occasion en dehors du cabaret. Elle a fini par accepter sa proposition et par envisager une vie «bien rangée» où elle renouerait avec ses enfants. Mais Angélique s'est rendu compte qu'elle n'était pas amoureuse. Un an et demi plus tard, elle a rompu avec lui.

C'est ce troisième mariage, qui a quand même mis un terme à sa vie dans les cabarets, qui a donné envie à son fils Samuel Theis de transposer sa vie au grand écran.

«C'est pour moi un film de fiction, même si on emprunte à l'esthétique du documentaire, nous dit Samuel Theis. On s'inspire d'éléments biographiques, mais on romance et on mélange avec des éléments de fiction. On avait envie de donner une envergure héroïque à nos personnages, même s'il s'agit de la vraie famille d'Angélique. On a pris des libertés par rapport à tout ce qui s'est vraiment passé.»

Jouer son propre rôle

N'empêche. Angélique Litzenburger n'a pas tout de suite accepté la proposition de son fils, qui a fait équipe avec Claire Burger et Marie Amachoukeli pour réaliser ce premier film.

«Quand Samuel m'a proposé de faire ce film, j'ai hésité, confie Angélique. Je n'avais pas envie de dévoiler ma vie devant tout le monde, j'avais peur de ce que les gens allaient penser de moi après. Mais quand il m'a dit que je jouerais avec mes propres enfants, là, je me suis dit: «Jouer avec ses enfants, ça n'arrive qu'une seule fois.» Et puis, je me suis dit que ça pourrait me rapprocher d'eux.»

Une fois tout le monde embarqué dans le projet, les trois réalisateurs ont dirigé Angélique et ses quatre enfants - tous des acteurs non professionnels - qui ont joué leurs propres rôles: Séverine Litzenburger, sa demi-soeur Cynthia Litzenburger, confiée à une famille d'accueil quand elle était jeune, ainsi que leurs demi-frères Mario Theis et Samuel Theis.

Aujourd'hui, Angélique ne cache pas le plaisir qu'elle a eu à participer à cette aventure, elle qui continue de se décrire comme une party girl.

«Je vis un conte de fées en ce moment, nous dit-elle. C'est un cadeau du ciel et un cadeau de mon fils, qui a bien voulu faire un film en s'inspirant de ma vie. Ça a quand même changé mes rapports avec mes enfants. Ils m'ont dit: «Je ne savais pas que tu avais galéré comme ça», mais c'était mes enfants, je ne pouvais pas tout leur dire. Je me suis toujours assurée qu'ils ne manquaient de rien.»

Liberté assumée

Même si le film ne révèle pas tous ses secrets, il a quand même forcé les membres de cette famille atypique à se regarder en face.

«J'ai osé, aux fins de ce film, poser à ma mère des questions que je ne lui aurais jamais posées sinon, avoue Samuel Theis. Ce qui m'a le plus surpris à travers ses confidences, c'est cette liberté qu'elle a de s'assumer et d'être ce qu'elle est, même si ça la marginalise. Elle ne s'excuse de rien. Ça peut paraître monstrueux parce que, oui, c'est aussi très égoïste, mais elle n'a jamais caché qui elle était.»

Comment le jeune acteur et réalisateur a-t-il vécu l'expérience de diriger les membres de sa famille?

«Le plus facile, c'est qu'il y a une intimité qui existe et qu'on n'a pas besoin de fabriquer, d'inventer, répond-il. Les rapports d'Angélique avec ses enfants, elle n'a pas besoin d'y penser comme une actrice aurait à le faire. Ça repose sur un vécu et ce sont des choses qui ont permis de nourrir l'écriture du scénario et d'éviter des écueils; par exemple, on aurait pu être tentés d'établir des rapports beaucoup plus durs d'Angélique avec ses enfants, ce qui ne correspond pas à la réalité...»

Finalement, le réalisateur Samuel Theis estime que sa mère est une actrice formidable.

«Moi, si j'ai un autre rôle pour elle, je le lui donne. Il faut dire qu'après toutes ces années à travailler dans un cabaret, elle avait déjà créé son personnage d'Angélique, elle avait une aisance naturelle au jeu, elle avait un rapport à la scène», estime-t-il. Ça tombe bien, car la jeune sexagénaire a bien envie de répéter l'expérience...

«Je ne sais pas si ce film nous a rapprochés, conclut Samuel Theis, parce que je crois que, malgré tout, nous étions déjà assez proches, mais en tout cas, on a vécu une expérience extraordinaire. Au-delà du cinéma, c'est une aventure humaine très forte qu'on a vécue.»

Party Girl, film de clôture de Cinemania, dimanche à 19h15 au cinéma Impérial; sortie en salle le 21 novembre.