Fini l'âge d'or, quand la capitale cubaine se paralysait dix jours pour projeter 500 films dans près d'une centaine de salles: le Festival de cinéma latino-américain de La Havane s'ouvre jeudi pour une 40e édition au budget réduit, crise économique oblige.

Les Américains Matt Dillon, Michael Moore et Geraldine Chaplin, le Portoricain Benicio del Toro et le Serbe Emir Kusturica figurent parmi les invités de prestige de ce rendez-vous, organisé jusqu'au 16 décembre.

Kusturica présentera en ouverture El Pepe, una vida suprema (Pepe, une vie suprême), documentaire et portrait affectueux de l'ex-président uruguayen José Mujica.

«Le Festival avait beaucoup grandi, surtout à la fin des années 1980», explique son directeur, Ivan Giroud, soucieux de revenir à un format plus raisonnable.

À l'époque, quelque 500 films étaient projetés dans 88 salles de La Havane, dans lesquelles se pressaient un demi-million de spectateurs.

Beaucoup de Cubains en profitaient pour poser des jours de vacances. Et dans les rues de cette ville si photogénique, acteurs et réalisateurs du monde entier se promenaient tranquillement, échangeant avec le public.

Le Festival était alors porté par son fondateur Alfredo Guevara, le père de la révolution cubaine Fidel Castro, et l'écrivain colombien Gabriel Garcia Marquez, président de la Fondation du nouveau cinéma latino-américain.

Public toujours là

Puis est arrivée la crise économique des années 1990, après l'effondrement de l'Union soviétique.

Les salles de quartier ont tout simplement disparu. Dans la capitale, il ne reste plus que 21 cinémas, pour la plupart vétustes, non climatisés et non équipés de la technologie numérique, faute de budget.

Les spectateurs ont fini par se lasser: en 2017 ils n'étaient que 2,3 millions, contre 4,4 millions en 2012.

Mais ils continuent d'affluer au festival, alléchés par le prix dérisoire du «passeport» pour sept films vendu 10 pesos cubains (environ 0,50 $) ... même si cette année, les projections auront lieu dans à peine une dizaine de salles.

L'événement «avait une programmation démesurée pour une infrastructure incapable d'y faire face», reconnaît Ivan Giroud, dont la tâche a été de «réajuster le programme, qui est maintenant plus cohérent avec ce dont on dispose».

Pour Fernando Pérez, 74 ans, considéré comme le plus important réalisateur cubain actuellement, ce redimensionnement n'est pas synonyme de fin de vie.

«S'il y a bien quelque chose qui me fait sentir que le Festival de La Havane reste vivant, c'est justement car il n'est plus le même», confie-t-il à l'AFP. «Certains peuvent en ressentir de la nostalgie d'une autre époque, mais ce qui est important est de s'adapter aux années».

Lauréat du Festival avec Hello, Hemingway (1990), La vida es silbar (La vie c'est siffler, 1998) et Suite Habana (2003), le cinéaste y présente cette année Insumisas, sur la vie de la première chirurgienne d'Amérique latine.

Vingt films en compétition

Sur dix jours, quelque 300 films seront présentés, dont 20 en compétition pour le prix Coral, majoritairement d'Argentine (cinq), du Mexique (quatre), du Brésil (deux) et d'Uruguay (deux).

Les deux favoris sont Pajaros de verano (Les oiseaux de passage), des Colombiens Ciro Guerra et Cristina Gallego, sur une famille d'indigènes Wayuu au coeur de la vente florissante de marijuana, et El Angel (L'ange), de l'Argentin Luis Ortega, inspirée de la vie d'un tueur en série qui a tué 11 personnes avant d'avoir 20 ans.

Après quelques couacs techniques l'an dernier pour projeter des longs métrages en format numérique, cette année une équipe de techniciens espagnols du Festival de Saint-Sébastien (Espagne) a été recrutée spécialement à cet effet.

Distribué par Netflix et couronné du Lion d'or à la Mostra de Venise, Roma, du Mexicain Alfonso Cuaron, portrait de deux femmes dans le Mexico des années 1970, sera présenté hors compétition, de même que Yuli, de l'Espagnole Iciar Bollain, sur le célèbre danseur cubain Carlos Acosta.

Enfin, deux films français, Doubles vies, d'Olivier Assayas avec Juliette Binoche et Guillaume Canet, et La dernière folie de Claire Darling, de Julie Bertuccelli avec Catherine Deneuve et Chiara Mastroianni, feront l'objet d'une présentation spéciale.