Fille du grand réalisateur français Gérard Oury, Danièle Thompson a écrit avec ce dernier les scénarios de ses plus grands succès tels La grande vadrouille et Les aventures de Rabbi Jacob. À l'occasion de la première édition d'Éléphant ClassiQ, elle est de passage à Montréal pour la présentation de La folie des grandeurs. La Presse l'a jointe à Paris.

La folie des grandeurs occupe une place charnière dans la carrière de Gérard Oury. Parce qu'après les succès du Corniaud et de La grande vadrouille, La folie des grandeurs devait constituer le troisième film de ce dernier avec le tandem Louis de Funès et Bourvil.

Hélas, la maladie emporta Bourvil avant les premiers coups de manivelle. Pendant quelques mois, Oury ne sait plus s'il pourra faire le film. Jusqu'à ce qu'on lui présente Yves Montand.

Nouvel acteur, nouvelle chimie. Le projet est remis sur les rails. Lorsqu'il sort, en 1971, le succès est immense avec 5,5 millions d'entrées en salle, uniquement en France.

Aujourd'hui encore, il s'inscrit dans la mémoire collective. Au point où c'est cette oeuvre qui, ce soir, sera projetée en ouverture de la première édition d'Éléphant ClassiQ, festival montréalais consacré à des films restaurés. Cette première édition rend hommage au cinéma francophone.

Fille du réalisateur, Danièle Thompson sera de passage à Montréal pour présenter l'oeuvre de son père qui nous a quittés en juillet 2006. Et difficile de faire appel à meilleure source pour parler de l'oeuvre puisqu'elle l'a coécrite. Marcel Jullian, qui allait plus tard être l'un des fondateurs d'Antenne 2, planchait aussi sur les textes.

«C'était un travail de collaboration très fusionnel, relate Mme Thompson jointe à Paris. Ce fut aussi le dernier film en collaboration avec Marcel Jullian. Par la suite, mon père et moi avons poursuivi l'écriture des scénarios de ses autres films.»

Ruy Blas

On le sait, La folie des grandeurs est inspiré de la pièce de théâtre Ruy Blas de Victor Hugo. Dans celle-ci, Don Salluste, ministre fourbe et cupide, puise à pleines mains dans les impôts collectés au nom du roi d'Espagne. Lorsqu'il est pris, il est dépouillé de tous ses titres. Recrutant son ancien valet Blaze, il tente de reconquérir ses pouvoirs.

«Ruy Blas est une pièce que mon père avait jouée comme comédien 10 ans auparavant [en 1961] à la Comédie-Française, dit Mme Thompson. Il faisait Don Salluste. Il a eu l'idée d'adapter ce drame au théâtre pour en faire une comédie au grand écran.»

Louis de Funès incarnerait Don Salluste, alors que Bourvil devait interpréter le domestique. Or, dans la pièce d'Hugo, Blaze a le physique du «jeune premier», bel homme séduisant...

«Avec Bourvil à l'interprétation, nous avions transformé un peu ce personnage de Blaze en un homme qui savait toucher les coeurs par son charme, sa bonhomie, son intelligence, sa gentillesse et non pour un côté love at first sight, raconte Mme Thompson. Une fois Yves Montand dans le projet, on a remis les choses dans l'optique de Victor Hugo, car Montand pouvait incarner un personnage dont on pouvait tomber amoureux au premier coup d'oeil.»

Danièle Thompson est fière que le film soit restauré. D'autant plus, dit-elle, que son père a mis un grand soin esthétique à cette oeuvre dont la photographie est signée Henri Decaë.

«Dans La folie des grandeurs, il y a une grande recherche sur la peinture de l'époque, dit-elle. Les décors sont splendides, les costumes, magnifiques et les chapeaux, faits par un grand modiste. Mon père avait aussi choisi de très beaux paysages espagnols. Toutes ces raisons font en sorte que le film vieillit bien.»

Les gens lui parlent encore et toujours des films de son père, ce qui lui fait un immense plaisir. «Ils sont toujours très regardés à la télévision. Et La folie des grandeurs est un film particulièrement apprécié des enfants.»

Elle se réjouit aussi du fait que la France prend très au sérieux la restauration des oeuvres du 7e art. «Il y a un grand climat de restauration du patrimoine du cinéma en Franc e, lance-t-elle. À Paris, Jérôme Seydoux vient d'ouvrir un magnifique cinéma, Les fauvettes, qui ne montre que de grands classiques restaurés. Il y a cinq salles magnifiques. Dans les premiers jours après l'ouverture, ils y ont projeté Le Corniaud

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Le festival Éléphant ClassiQ a lieu jusqu'au 22 novembre.

La folie des grandeurs est présenté ce soir, à 20h, au Cinéma Impérial.