Le Festival du film de Londres (LFF) s'est ouvert mercredi avec Suffragette, une plongée dans le mouvement féministe qui s'est battu pour obtenir le droit de vote pour les femmes au début du XXe siècle au Royaume-Uni.

«C'est un film tellement important», a déclaré, en conférence de presse, Meryl Streep. L'actrice américaine triplement oscarisée y incarne Emmeline Pankhurst, qui fonda en 1903 la Women's Social and Political Union, pour revendiquer le droit de vote pour les femmes.

Dans ce long métrage intense - le premier sur le sujet -, son personnage charismatique est devenue une fugitive pour avoir appelé les femmes à la désobéissance civile - jets de pierres dans les vitrines, incendies, manifestations... -, fatiguée d'avoir milité pacifiquement et en vain pendant des années.

Si on ne voit la star que quelques minutes à l'écran, c'est parce que Sarah Gavron, la réalisatrice et Abi Morgan, la scénariste ont fait le choix de raconter l'histoire de ce combat en suivant Maud, incarnée par la Britannique Carey Mulligan, une ouvrière d'une blanchisserie de Londres en 1912, mariée à un collègue et mère d'un petit garçon.

Une héroïne «qui nous ressemble»

«C'est l'une des grandes réussites du film, il ne s'agit pas de femmes d'un milieu aisé, c'est l'histoire d'une fille de la classe ouvrière et c'est pourquoi on peut facilement entrer dans le film, parce qu'elle nous ressemble», a expliqué Meryl Streep.

Maud s'engage d'abord sur la pointe des pieds, au départ aussi choquée que séduite par les pierres lancées dans les vitrines des boutiques du West End de Londres. Mais, très vite, elle réalise qu'elle ne veut plus d'une vie sous le contrôle d'un patron violeur, soumise aux injustices et au silence.

Encouragée par la solidarité des autres suffragettes, elle plonge dans les actions clandestines au côté notamment d'Edith (Helen Bonham Carter), pharmacienne devenue apprentie-artificière.

Maud subira les coups de matraques de la police, les cellules insalubres, le rejet de son mari et du voisinage, et sera privée de son fils. Mais elle devient jour après jour un peu plus convaincue qu'un avenir meilleur ne peut être synonyme que de davantage de droits et en premier lieu, de celui de voter.

Au-delà du combat féministe, le film est aussi une immersion dans la vie des femmes de la classe ouvrière de cette époque. Une vie où «l'âge minimum légal du mariage était de 12 ans», où l'on n'avait aucun droit sur son enfant ou sur ses biens, énonce Meryl Streep.

Suffragette «ne ressemble pas à un documentaire historique, c'est un film sur ce qui se passe aujourd'hui», sur ce que ces «femmes nous ont donné». Il illustre «là où nous en sommes et bien sûr nous vivons encore dans une société sexiste», a déclaré Carey Mulligan.

«Pas dans les livres d'histoire»

L'actrice, la réalisatrice et la scénariste ont regretté que ce moment important de l'histoire des femmes, qui aboutira en 1918 au droit de vote pour les femmes britanniques de plus de 30 ans, avant un élargissement en 1928, «ne figure pas dans les livres d'histoire» à l'exception de «quatre lignes».

Interrogée sur son engagement féministe, Meryl Streep a repris à son compte l'un des mots d'ordre du film, «des actes pas des mots». Avant de dénoncer l'immense sous-représentation des femmes dans les processus de décision et parmi les critiques de cinéma, citant notamment le fait que le très influent site de critiques américain Rotten Tomatoes ne compte que 168 femmes pour 760 hommes.

Le film, qui sort le 12 octobre au Royaume-Uni, le 23 octobre aux États-Unis et le 18 novembre en France, se clôt sur un générique éloquent qui rappelle les dates d'octroi du droit de vote aux femmes dans différents pays du monde: Finlande en 1906, France en 1944, Suisse en 1971 et Arabie saoudite en 2015.