Le Festival du cinéma d'Istanbul a annoncé lundi l'annulation de ses prix, suite à une polémique provoquée par le retrait d'un documentaire sur les rebelles kurdes, à la demande des autorités turques.

Plus d'une centaine de cinéastes turcs, dont Nuri Bilge Ceylan, Palme d'or à Cannes, s'étaient un peu plus tôt dit prêts à boycotter le festival afin de protester contre la «censure» de ce film.

Ce documentaire, intitulé Bakur (Nord), avait été programmé dimanche après-midi. Mais la projection a été annulée à la dernière minute, les organisateurs du festival, prévu du 4 au 19 avril, ayant reçu un courrier du ministère de la Culture turc selon lequel ce film ne détenait pas les autorisations nécessaires.

Les cinéastes, dont Ceylan distingué l'an dernier au festival de Cannes pour son film Winter Sleep, ont signé une lettre ouverte contre l'«oppression et la censure» exercées par le gouvernement turc. «Nous, cinéastes signataires, nous opposons à l'imposition (de la législation) comme outil de censure», écrivent-ils dans ce texte en dénonçant un «agenda politique».

Ils ont demandé que le festival cesse toute projection, et 23 d'entre eux ont retiré leurs films en signe de solidarité, selon un décompte publié sur le site web du festival.

Lors d'une conférence de presse, les organisateurs du festival ont déclaré soutenir l'initiative des cinéastes et précisé, dans un communiqué, que tous les prix, y compris «le prix international de la Tulipe d'Or, le prix national du documentaire, ainsi que la cérémonie de clôture, ont été annulés». Les projections sont en revanche maintenues.

Le cinéaste néerlando-australien, Rolf de Heer, président du jury du festival, a ajouté que les jurés se retiraient en protestation contre cette «attaque à la liberté d'expression».

Le ministère de la Culture turc a pour sa part estimé lundi dans un communiqué que ces dénonciations étaient «sans fondement» et a qualifié les responsables du festival d'«irresponsables».

«Les allégations selon lesquelles notre institution est un organisme de censure sont pour le moins des «mensonges complets et absolus»», a déclaré le ministère dans un communiqué.

Le documentaire en cause, réalisé par Cayan Demirel et Ertugrul Mavioglu, montre la vie quotidienne de combattants, hommes et femmes, du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et des entrevues de responsables du mouvement rebelle, tel le commandant Cemil Bayik basé en Irak.

Le gouvernement islamo-conservateur d'Ankara est engagé dans des négociations avec le PKK pour en finir avec un conflit qui a débuté en 1984 et fait quelque 40.000 morts. L'annulation de la projection du documentaire est intervenue au lendemain de combats meurtriers dans le sud-est de la Turquie, qui fragilisent ce processus de paix.