Le réalisateur français Jacques Doillon, en activité depuis près de 40 ans, qui présente jeudi soir son dernier film Un enfant de toi en première mondiale à Rome, a expliqué chercher à «descendre dans les profondeurs des cerveaux de ses personnages».

Le cinéaste a détaillé devant la presse sa manière particulière de faire des films basés sur des dialogues très écrits mais sans dénouement fixé à l'avance puisqu'il «essaie de faire avancer le scénario en tournant». Ce n'est pas compliqué mais cela donne «quelque chose de complexe et riche».

«C'est comme un tricot, si faire un film c'est seulement exécuter un scénario, je ne sais pas comment font les autres réalisateurs sauf si c'est en échange d'un gros chèque mais moi ça ne m'intéresse pas», a lancé ce cinéaste considéré parfois comme un héritier de François Truffaut, l'un des réalisateurs phares de la Nouvelle Vague.

Son dernier opus, présenté en concours au Festival de cinéma de Rome, raconte l'histoire d'Aya (Lou Doillon) qui revoit après trois ans de séparation Louis (Samuel Benchetrit), père de leur fille Lina (Olga Milshtein), alors qu'elle est sur le point d'avoir un enfant avec son nouveau compagnon Victor (Malik Zidi).

Pour Jacques Doillon, «il y a deux manières de faire du cinéma, soit on cherche à être plus près des classiques, Bergman, Kazan, et on se pose la question de comment faire pour émouvoir? Qu'est-ce qui m'émeut?».

Sinon «l'autre cinéma qui n'est pas du côté de ce «machin sentimental» a tendance à se cacher derrière des idées, des histoires, avec de la poésie bon marché», a-t-il ajouté, en se qualifiant ironiquement «d'assez réac au fond».

Sa fille Lou s'est dite totalement en phase avec la démarche de son père: «c'est comme si on réunissait toutes les couleurs sur une palette, puis il y a un vrai travail, il n'y a pas d'improvisation (de la part des acteurs, ndlr) et la palette est très définie».

«C'est bien d'être guidé par quelqu'un qui a un tel amour pour les acteurs au point de nous laisser voir où ça va. C'est de plus en plus rare que les acteurs aient la possibilité de se mettre au travail», a ajouté Lou Doillon.

«Ce sont les 8 heures ou plus de tournage qui vont faire découvrir ce qu'il y a à garder dans la scène», a confirmé son père, en expliquant «ne faire que des plans séquence» pour lesquels il multiplie les prises différentes, «on allonge les silences, on change le tempo» etc..

Lou Doillon a dit avoir «du mal à se reconnaître dans le cinéma, le théâtre d'aujourd'hui, où les gens ont des sentiments un peu «bateau», alors que la réalité est faite d'ambiguïtés terribles, la vie pleine de sentiments contradictoires». Elle a dit «retrouver tous les mouvements de la vie dans les dialogues des films» de son père.