En 1978, à sa deuxième année d'existence, le Festival des films du monde (FFM) a obtenu le statut de festival compétitif et s'est imposé d'emblée comme le grand festival international de cinéma en Amérique du Nord. La Mostra de Venise étant pratiquement à l'agonie à l'époque, Montréal pouvait avantageusement se positionner sur l'échiquier comme le troisième grand rendez-vous cinématographique de l'année, après la Berlinale (février) et le Festival de Cannes (mai).

Pendant près de 20 ans, le FFM a pu maintenir ce statut enviable, malgré la renaissance de la Mostra de Venise.

En 2014, le FFM fait toujours partie, avec Cannes, Berlin, Venise, Shanghai, Moscou, Locarno, Karlovy Vary et quelques autres, des 14 festivals compétitifs accrédités par la Fédération internationale des associations de producteurs de films (FIAPF). Il reste encore le seul festival d'Amérique du Nord inscrit dans cette catégorie. Le Festival international du film de Toronto bénéficie aussi d'une accréditation de la FIAPF, dans la section des festivals non compétitifs.

Pour faire le point sur le mode de fonctionnement des festivals, prêtons-nous à une petite séance de questions/réponses.

Un film peut-il être sélectionné dans la compétition officielle de plus d'un festival?

Non. Un film sélectionné en compétition officielle de l'un des 14 festivals compétitifs accrédités par la FIAPF ne peut concourir de nouveau dans l'un ou l'autre des 13 autres festivals. En revanche, il peut très bien être présenté hors concours. Aussi, un film lancé dans un festival non accrédité par la FIAPF, Sundance par exemple, peut ensuite être retenu sans problème dans la compétition d'un grand festival. En 1989, le premier long métrage de Steven Soderbergh, Sex, Lies and Videotape, avait d'abord gagné quelques prix à Sundance pour ensuite aller décrocher la Palme d'or à Cannes.

Est-ce que les sélectionneurs d'un festival peuvent solliciter les producteurs ou doivent-ils impérativement attendre qu'on leur propose des films?

Sachant qu'un film qui risquerait de les intéresser est en production et pourrait être prêt à temps pour leur festival, les sélectionneurs peuvent évidemment faire des démarches auprès des producteurs. Il est notoire que certains titres sont très convoités. Le fait que les producteurs d'Inherent Vice (Paul Thomas Anderson) aient choisi de lancer leur film au Festival de New York plutôt qu'à Toronto est considéré comme une grande victoire par les sélectionneurs de l'événement cinématographique de la Grosse Pomme. En revanche, il est vrai que la tâche des comités de sélection des festivals est aussi de regarder et de choisir les centaines de productions qui leur sont soumises.

Un film sélectionné en compétition doit-il obligatoirement être présenté en primeur?

Tous les sélectionneurs visent à offrir le plus grand nombre de primeurs mondiales, mais cela n'est pas une obligation, comme on l'a vu plus haut. L'an dernier, un film de Christian Duguay, Jappeloup, était en lice pour le Grand Prix des Amériques du FFM, même s'il avait pris l'affiche en salle en France cinq mois auparavant.

Pourquoi les vedettes du cinéma international se font-elles maintenant plus rares à Montréal?

Isabelle Huppert, Catherine Deneuve, Liv Ullmann et quelques autres têtes d'affiche ont gratifié le FFM de leur présence au cours des dernières années. Mais il est vrai que les vedettes se font plus rares. Encore une fois, la proximité du TIFF, qui mise beaucoup sur le star-system, est en partie responsable du phénomène. Les vedettes vont à Toronto pour promouvoir leur plus récent film et rencontrer les représentants des médias nord-américains. Leur présence - fortement recommandée par les studios ou les producteurs (pour les films français, par exemple) - est essentiellement de nature professionnelle. Mais vous pouvez quand même dire à Sharon Stone, vedette du film de Pupi Avati Un ragazzo d'oro (sélectionné dans la compétition mondiale du FFM), que si elle décidait spontanément de venir nous rendre visite, nous serions vraiment ravis de l'accueillir!

Quelques dates importantes

1976: Création du Festival of Festivals à Toronto par Bill Marshall, Henk Van der Kolk et Dusty Cohl. L'ambition des fondateurs est de présenter aux cinéphiles torontois les meilleurs films produits dans le monde, pour la plupart anglo-saxons.

1977: Deux nouveaux festivals de cinéma voient le jour à Montréal. Chapeauté par l'Association québécoise des critiques de cinéma, le Festival international du film de la critique québécoise, non compétitif, propose 22 longs métrages. De son côté, Serge Losique fonde le Festival canadien des films du monde de Montréal et sélectionne 180 films. À cette époque, le Festival international du film 16 mm, qui deviendra ensuite le Festival du nouveau cinéma, existe déjà depuis six ans.

1978: Dès sa deuxième année, le FFM devient compétitif et est reconnu comme tel par la Fédération internationale des associations de producteurs de films (FIAPF). Du coup, il abandonne le qualificatif «canadien» dans son appellation. Le Festival international du film de la critique québécoise, aux prises avec des problèmes de financement et des dissensions internes, tient sa deuxième et dernière édition. (Source: Dictionnaire du cinéma québécois)

1979: Le FFM soulève l'ire de certains opposants, parmi lesquels un groupe de cinéastes québécois. Ces derniers estiment que le festival ne met guère leurs films en valeur. Des manifestations ont lieu, mais la popularité du FFM est indéniable.

1983: Ne sachant trop comment mettre son film en marché, le grand studio Columbia présente The Big Chill (Lawrence Kasdan) au Festival of Festivals de Toronto afin de le «tester» auprès du public. L'essai est concluant. Pendant ce temps, le FFM est victime de sa popularité. Les projections dans les salles du cinéma Le Parisien se déroulent souvent à guichets fermés. Les spectateurs munis de billets et les professionnels accrédités se présentent aux mêmes projections, ce qui provoque des embouteillages.

1987: The Kid Brother (Kenny), un film de Claude Gagnon, devient le premier film canadien à obtenir le Grand Prix des Amériques. Aucun autre film d'ici n'a eu l'honneur de recevoir la plus haute distinction du Festival des films du monde depuis.

1994: Le Festival of Festivals de Toronto change son nom pour devenir le Toronto International Film Festival (TIFF).

1998: Le journal spécialisé Variety décrète que le festival de Toronto est désormais le deuxième festival de cinéma en importance après Cannes («en termes de programmation, de présence des vedettes, et d'activités au Marché»).

1999: Le public de Toronto attribue le prix du film le plus populaire à American Beauty. Le film de Sam Mendes triomphera aux Oscars l'année suivante. Les bonzes de Hollywood commencent à faire du TIFF leur festival par excellence. Du coup, l'événement torontois devient un incontournable pour les professionnels du cinéma du monde entier.

2003: En repoussant sa tenue d'une semaine, soit exactement en même temps que la Mostra de Venise, le FFM perd son accréditation de la FIAPF. Il la retrouvera quelques années plus tard.

2004: La firme Sécor publie un rapport dans lequel les organisations de quatre festivals de cinéma canadiens sont étudiées (Toronto, Montréal, Vancouver et le festival de l'Atlantique). On mentionne dans le rapport que les dirigeants du Festival des films du monde de Montréal, ainsi que le président du conseil d'administration, ont refusé de collaborer à l'étude. On précise toutefois qu'un ensemble d'informations a néanmoins pu être colligé et qu'un certain nombre de données ont été validées par le FFM.

2005: Le FFM est privé de tout financement public au profit de la création d'un nouveau festival international de cinéma, organisé par la firme Spectra. Le Festival international de films de Montréal sera un énorme fiasco et ne survivra pas à son édition inaugurale.

2007: Les institutions publiques financent de nouveau le Festival des films du monde. Progressivement, la programmation s'oriente vers les oeuvres de cinéastes émergents. Plus que jamais, on mise sur la notion de diversité culturelle.

2014: Le FFM est de nouveau privé de financement public. La SODEC, Téléfilm, la Ville de Montréal et Tourisme Montréal annoncent au début de l'été qu'ils ne subventionneront pas le festival montréalais. Des commanditaires importants se retirent aussi. Malgré ces coupes, le FFM maintient son festival et propose une sélection de 350 longs et courts métrages en provenance de 74 pays.