La 70e Mostra de Venise a été lancée hier avec la présentation hors concours de Gravity, un film de l'espace en 3D dont les têtes d'affiche sont George Clooney et Sandra Bullock. Réalisé par le cinéaste mexicain Alfonso Cuarón (Y tu Mamá También, Children of Men), cette production américaine, qui prendra l'affiche le 4 octobre en Amérique du Nord, fut en général bien accueillie par les représentants de la presse spécialisée dite «de référence», très présente au Lido. On a en effet pu lire des commentaires très favorables dans Variety, The Telegraph, The Guardian, Indiewire, The Hollywood Reporter, The Independent et Time. Entre autres.

En 80 ans d'existence (quelques années d'absence ont marqué l'histoire du festival), la Mostra internazionale d'arte cinematografica di Venezia a évidemment connu toutes les tourmentes, toutes les polémiques, toutes les pressions. Inaugurée en 1932, la manifestation a même survécu au régime fasciste de Mussolini, lequel, raconte-t-on, aurait même imposé ses choix jusque dans l'élaboration du palmarès!

Dans la réalité d'aujourd'hui, la pression relève d'un autre ordre. La compétition entre les différents événements est féroce, voire parfois sanguinaire, mais le doyen des festivals a repris tout son lustre, particulièrement au cours de la dernière décennie. Avec Cannes, Toronto et Berlin, Venise fait partie du carré d'as des plus importants festivals de cinéma de la planète. Même à une seule semaine de distance du TIFF, qui commencera jeudi prochain, la Mostra parvient toujours à se distinguer du monstre torontois grâce à son volet compétitif, composé uniquement de primeurs mondiales.

Le prestige d'une sélection

Plusieurs artisans du cinéma international estiment en outre que le prestige d'une sélection vénitienne ne peut qu'être bénéfique quand ils arrivent avec leur film sous le bras une semaine plus tard dans la Ville Reine. Vu la quantité astronomique de longs métrages présentés au TIFF, qui relève davantage d'un immense marché du film, il est bon de pouvoir s'appuyer sur une réputation récemment acquise dans la Cité des Doges. Comme le Festival de Cannes, qui fut créé dans les années 40 pour rivaliser avec Venise, la Mostra ne retient qu'une poignée de films. Dans la sélection officielle, on ne compte pas plus d'une cinquantaine de longs métrages, parmi lesquels 20 ont l'honneur de concourir pour le Lion d'or, récompense suprême de l'événement. Même en incluant les titres sélectionnés dans les sections parallèles, on n'atteint pas la centaine.

Plusieurs des oeuvres lancées au Lido de Venise traversent ensuite l'Atlantique pour se retrouver sur la rive du lac Ontario. Le jour de l'annonce du palmarès, l'effet est habituellement saisissant. Les productions honorées à Venise deviennent du coup celles autour desquelles la rumeur s'emballe à Toronto.

Une compétition relevée

Le directeur artistique de la Mostra, Alberto Barbera, qui a repris l'an dernier les mêmes fonctions qu'il avait occupées au début des années 2000, a concocté une sélection alliant à la fois glamour et réflexion. La Mostra s'annonce en effet plutôt sombre du point de vue des thèmes abordés, reflétant les crises "économiques, sociales et familiales» que traverse la planète, a prévenu le directeur. Les actrices Virginie Ledoyen, Carrie Fisher et Martina Gedeck, l'acteur Jiang Wen, les cinéastes Andrea Arnold et Pablo Larrain, le directeur photo Renato Berta et le compositeur Ryuichi Sakamoto font partie du jury, présidé cette année par Bernardo Bertolucci.

Rappelons que Tom à la ferme, que Xavier Dolan a coécrit avec Michel Marc Bouchard, l'auteur de la pièce ayant servi d'inspiration au film, est le premier long métrage québécois sélectionné dans la compétition officielle du Festival de Venise depuis À corps perdu (Léa Pool, 1988).

Le réalisateur de Laurence Anyways sera là-bas en bonne compagnie. Sont notamment en lice les Britanniques Stephen Frears (Philomena) et Terry Gilliam (The Zero Theorem), l'Israélien Amos Gitaï (Ana Arabia) et le Japonais Hayao Miyazaki (Kaze Tachinu), seul Asiatique en compétition avec le cinéaste de Taipei Tsai Ming-Liang (Jiaoyou). Les Américains seront aussi en force là-bas. Parkland (Peter Landesman), The Unknown Known: The Life and Times of Donald Rumsfeld (Errol Morris) et Child of God (James Franco) s'y feront en outre remarquer.

Le réalisateur Philippe Garrel représentera la France en compétition avec La jalousie, une histoire d'amour et de couple avec deux de ses enfants, Louis et Esther Garrel, et l'actrice Anna Mouglalis.

Thierry Ragobert, ancien collaborateur du commandant Cousteau, clôturera le festival, hors compétition aussi, avec Amazonia, une fiction animalière en 3D.

La 70e Mostra de Venise se poursuit jusqu'au 7 septembre.

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Voici la liste des films en compétition à la 70e Mostra de Venise. Pendant le festival, un film "surprise" est habituellement ajouté en cours de route...

- Les terrasses de Merzak Allouache (Algérie-France)

- L'intrépide de Gianni Amelio (Italie)

- Miss Violence d'Alexandros Avranas (Grèce)

- Tracks de John Curran (Royaume-Uni-Australie)

- Via Castellana Bandiera d'Emma Dante (Italie-Suisse-France)

- Tom à la ferme de Xavier Dolan (Canada-France)

- Child of God de James Franco (États-Unis)

- Philomena de Stephen Frears (Royaume-Uni)

- La jalousie de Philippe Garrel (France)

- The Zero Theorem de Terry Gilliam (Royaume-Uni-États-Unis)

- Ana Arabia d'Amos Gitaï (Israël-France)

- Under the Skin de Jonathan Glazer (Royaume-Uni-États-Unis)

- Joe de David Gordon Green (États-Unis)

- Die Frau des Polizisten (The Police Officer's Wife) de Philip Gröning (Allemagne)

- Kaze Tachinu de Hayao Miyazaki (Japon)

- The Unknown Known: The Life and Times of Donald Rumsfeld d'Errol Morris (États-Unis)

- Night Moves de Kelly Reichardt (États-Unis)

- Sacro GRA de Gianfranco Rosi (Italie)

- Jiaoyou (Stray Dogs) de Tsai Ming-Liang (Taïwan-France)

- Parkland de Peter Landesman (États-Unis)