Les RIDM (Rencontres internationales du documentaire de Montréal) célèbrent leurs 15 ans. En entrevue à La Presse pour parler de cet anniversaire, la directrice générale Roxanne Sayegh se félicite de la présence constante du festival sur la scène culturelle montréalaise.

Désengagement des institutions oblige, les Rencontres internationales du documentaire de Montréal voient leur 15e anniversaire marqué par une baisse de financement de... 15%.

Cela n'empêche nullement la directrice générale Roxanne Sayegh de croire plus que jamais au festival qu'elle pilote et à ce genre cinématographique. D'ailleurs, en cette présentation anniversaire, pas question de sombrer dans une forme d'«autocélébration».

«C'est de cette façon qu'est née l'idée des cartes blanches où nous avons demandé à 15 personnes du milieu du cinéma [Agnès Varda, Philippe Falardeau, Gilles Jacob, etc.] de proposer un documentaire coup de coeur que nous pourrions diffuser. On découvre ainsi des documentaires de tous les âges. La sélection de films diffusés va des années 1920 à 2011. C'est une façon de célébrer tout le documentaire, sa variété de formes et de langages.»

Plus qu'un festival

Cela dit, en 15 ans, les RIDM ont trouvé le moyen de faire leur place toute l'année. «Nous sommes devenus plus qu'un festival, dit Mme Sayegh. C'est un organisme qui vit toute l'année et qui voit à la diffusion du documentaire. C'est un pas énorme que nous avons réussi à faire.»

Un exemple? De janvier à juin, les organisateurs ont visité une quinzaine d'établissements scolaires, secondaires et collégiaux, publics et privés, francophones comme anglophones. «On veut toucher les jeunes dans différents milieux, dit Mme Sayegh. Mon ambition, en arrivant aux RIDM [en 2010], était de toucher de nouveaux publics.»

Autre exemple: l'été dernier, les RIDM ont présenté des oeuvres dans six parcs de différents quartiers de Montréal. Au cinéma Excentris, l'événement DOCVILLE revient tous les mois avec des premières québécoises. «Ces initiatives nous permettent de rester alertes toute l'année en matière de programmation, dit Mme Sayegh. C'est passionnant et ça nous permet d'agrandir notre public.»

Grandes tendances

À quoi s'attendre de cette 15e présentation? Roxanne Sayegh énumère quelques sujets qui seront soulignés par les nombreux films à l'affiche. Des films comme Carbon Rush (sur la Bourse du carbone) et Le prix des mots (sur les poursuites bâillons) touchent les questions politiques. D'autres tels Herman's House, Être là et Nos jours absolument doivent être illuminés permettront de se mettre au parfum de la réalité des prisons.

Avec une centaine de films provenant de 35 pays et une soixantaine d'invités, les RIDM peuvent aisément se qualifier d'«internationales». Mais le Québec y est aussi très bien représenté.

«Les cinéastes québécois continuent de s'intéresser à des questions politiques urgentes, dit la directrice générale. Par exemple, L'état du monde, du groupe Épopée, évoque des problématiques qui se déroulent au coin de la rue. Il y a aussi des cinéastes québécois qui nous amènent dans d'autres coins du monde, dont Hélène Choquette avec Les poings de la fierté, sur de jeunes boxeurs birmans en Thaïlande, ou The Fruit Hunters, qui nous fait faire le tour du monde avec des chasseurs passionnés de fruits exotiques.»

Les RIDM ont lieu du 7 au 18 novembre. Info: ridm.qc.ca

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La sélection des directrices

Les choix de Roxanne Sayegh

Charles Bradley: Soul of America, de Poull Brien (section Présentations spéciales)

Le magnifique portrait d'un chanteur soul de Brooklyn, attachant et incroyablement talentueux, qui connaît un succès inespéré à 62 ans avec son premier disque, encensé par la presse musicale l'année dernière. Impossible de ne pas en sortir enchanté.

Far From Afghanistan, de John Gianvito, Travis Wilkerson, Jon Jost, Minda Martin et Soon-Mi Yoo (section Horizons)

Projet collectif de cinq cinéastes américains, inspiré de Loin du Vietnam, sorti en 1967, sur la guerre la plus longue et la plus coûteuse pour le gouvernement américain (et celui du Canada). Ces approches très variées et ces regards pluriels sur un même sujet toujours d'actualité enrichissent le questionnement sur la pertinence de l'occupation.

The Girl From the South, d José Luis García (section Horizons)

Un film original sur le rêve de réunification de la Corée du Nord et de la Corée du Sud. L'idée du film est née d'un séjour du cinéaste argentin en Corée du Nord à la fin des années 80, et surtout de sa rencontre avec une femme inoubliable, qu'il tente de retrouver 20 ans plus tard.

Songs d'Eduardo Coutinho (section Présentations spéciales)

Un dispositif tout simple: la scène d'un théâtre, une chaise, des gens qui défilent pour chanter une chanson liée à une histoire (souvent une peine) d'amour qu'ils ont vécue. Des récits dans lesquels on se reconnaît tous.

The Great Northwest, de Matt McCormick (section Territoires)

Pour les amateurs de road trips, ce film est une sorte de journal de voyage revisité qui nous transporte dans le Nord-Ouest américain des années 50. Inspiré d'un scrapbook trouvé par hasard, qui détaille avec minutie le voyage qu'ont fait quatre Américaines, le cinéaste nous fait faire le même trajet et visiter les lieux explorés par les voyageuses. Il en résulte une fascinante réflexion autour des notions de modernité et de développement des territoires.

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Les choix de Charlotte Selb

Room 237, de Rodney Ascher (section Présentations spéciales)

Ce génial essai documentaire explore avec humour les différentes théories, sagaces ou abracadabrantes, qui ont été élaborées sur les messages cachés et la véritable signification du film culte de Stanley Kubrick, The Shining. Acclamé à Sundance, Cannes, Locarno et au Festival de Toronto.

¡Vivan Las Antipodas!, de Victor Kossakovsky (section Présentations spéciales)

Cette expérience de cinéma époustouflante, à la découverte des antipodes de la planète et de leurs habitants, est offerte par le maître russe Victor Kossakovsky. Caméra prodigieuse, montage et effets visuels stupéfiants, musique sublime: un moment de pur plaisir à vivre absolument en salle!

The Law in These Parts, de Ra'anan Alexandrowicz (section Présentations spéciales)

Prix du jury international à Sundance et à Hot Docs, ce film coup-de-poing déconstruit implacablement le système juridique militaire appliqué depuis 40 ans par Israël dans les territoires occupés, en affrontant directement les juristes de l'armée israélienne. Un grand film politique, douloureux et nécessaire.

The Punk Syndrome, de Jukka Kärkkäinen et J.-P. Passi (section Contre-courant)

Animé par une énergie, une rage et un humour irrésistibles, ce documentaire finlandais fait le portrait intime d'un groupe punk composé de handicapés mentaux. Un film plus profond qu'il n'y paraît sur la marginalité, dont la présentation sera accompagnée d'un concert en direct du groupe!

Le Khmer rouge et le non-violent, de Bernard Mangiante (section Horizons)

À la fois document historique rare et suspense éthico-juridique à couper le souffle, ce film relate le premier procès international du criminel khmer rouge Duch. Au coeur du récit réside le travail fascinant de son avocat, le grand humaniste François Roux, paradoxalement habituel défenseur de la désobéissance civile.