C’est un projet bien spécial qui a réuni Karine Vanasse et Rémy Girard à l’écran, 20 ans après Séraphin : un homme et son péché. Dans L’ombre des corbeaux, de Marie Clements, les deux comédiens interprètent des membres du clergé impliqués dans le système des pensionnats pour Autochtones. Une expérience enrichissante sur un plateau imprégné de bienveillance.

« Quand on a appris cette histoire-là à l’école, on était assez d’accord avec nos curés et on trouvait que c’était correct, sous prétexte que c’était mieux pour eux et pour leur avenir. Mais on avait tout faux », lance d’entrée de jeu Rémy Girard.

L’histoire dont il est question, c’est celle du racisme systémique subi par les Autochtones au Canada pendant des décennies. À travers le personnage d’Aline Spears – qui a survécu à son enfance dans le système des pensionnats pour ensuite devenir transmetteuse en code cri pendant la Seconde Guerre mondiale, et finalement aller dénoncer les sévices au Vatican –, on raconte dans L’ombre des corbeaux le traitement de ces peuples, qui a laissé des traces de génération en génération.

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Rémy Girard dans la peau de Father Jacobs dans L’ombre des corbeaux

À la lecture du scénario, celui qui s’est mis dans la peau de Father Jacobs a tout de suite voulu participer au projet porté essentiellement par des artisans autochtones. Une belle occasion de participer à cette grande entreprise de bien raconter, explique-t-il. « Nos personnages ne sont pas les bons, disons. Mais ces rôles-là sont importants à jouer pour bien comprendre ce qui s’est passé », dit Rémy Girard.

Rééquilibrer les rôles

C’est une équipe presque entièrement autochtone qui entourait la réalisatrice métisse Marie Clements pendant le tournage. Une bonne leçon d’humilité pour des acteurs, nous raconte Karine Vanasse. « Je me souviens, la première journée sur le plateau, l’assistant à la réalisation qui me dirigeait, c’était un Autochtone. C’est bête, mais juste ça, on n’est pas habitués. »

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Karine Vanasse

On sentait la charge pour chacune des personnes présentes sur le plateau. La fierté qu’elles avaient de voir cette histoire-là enfin être racontée avec ces moyens-là. Pas comme une histoire parallèle qu’on dissimule, mais en lui donnant toute l’importance qu’elle a.

Karine Vanasse

Le film relate des horreurs, mais réussit aussi à mettre en relief la culture autochtone, ses rituels et ses traditions. « Toute la richesse spirituelle de laquelle on s’est coupés, le film lui redonne tellement de valeur », ajoute la comédienne. Rémy Girard, que les scènes chargées de symboles ont beaucoup touché, abonde dans le même sens. « C’est d’une beauté ! Leur façon d’être si proches de leur environnement et d’être aussi enclins à s’entraider, c’est magnifique de voir ça. »

Des lieux chargés 

La portion du film dans laquelle les deux acteurs québécois jouent a été tournée au pensionnat de Kamloops, en Colombie-Britannique. L’ancien établissement fait la manchette depuis 2021, année où des sépultures anonymes y ont été trouvées. Il va donc sans dire que cet espace est habité par son passé. « Il y a beaucoup de sagesse dans le fait de se réapproprier les lieux », note Karine Vanasse.

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Karine Vanasse dans L’ombre des corbeaux

Des soins étaient offerts au cas où des membres de l’équipe ressentiraient les contrecoups des scènes difficiles. En plus de psychologues disponibles sur place, des aînés autochtones faisaient des cérémonies de purification chaque matin, chaque soir, et parfois même entre les prises.

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Rémy Girard

On sentait que Marie [Clements] était habitée par une mission et par l’esprit des lieux. Elle a amené beaucoup de douceur sur le plateau, on aurait dit parfois qu’elle venait d’en haut.

Rémy Girard

« C’est vrai, ça, intervient Karine Vanasse. Il n’y avait pas de peur de l’histoire dans laquelle on plongeait parce qu’il y avait une confiance qu’elle était bien portée, bien racontée. C’est une histoire sombre, mais sur le plateau de tournage, c’était lumineux. La lumière jaillissait de tout. »

Ce souci du bien-être devrait-il inspirer les artisans allochtones du septième art ? Ce qui est certain, c’est que l’intention derrière ce film en a fait une expérience enrichissante à tous les niveaux pour ceux qui y ont participé.

L’ombre des corbeaux sera à l’affiche dès le 2 juin.