Dans cette comédie dont le point de départ fait écho à une vraie réalité sociale, Eye Haïdara trouve enfin le rôle qu’elle attendait. L’actrice fait merveille dans la peau d’une nounou improvisée qui, apprenant les conditions de travail difficiles de la profession, met ses talents de fonceuse à profit pour améliorer le sort de ses consœurs. Rencontre.

(Paris) Nous l’avions remarquée dans Le sens de la fête, du tandem Éric Toledano et Olivier Nakache. Elle a aussi été l’une des maîtresses de cérémonie lors de la plus récente soirée des Césars du cinéma français. Dans Les femmes du square, un film de Julien Rambaldi (Les meilleurs amis du monde, C’est la vie), Eye Haïdara a l’occasion de moduler une partition dans laquelle elle peut faire valoir son sens de la comédie, tout en mettant ses talents au service d’une histoire comportant de vrais enjeux.

Quand mon agent, qui avait déjà lu le scénario, m’a parlé de ce projet, il m’a regardée en disant : “Je pense qu’on l’attendait, celui-là !”

Eye Haïdara

« Effectivement, quand j’ai lu à mon tour, cette femme m’a émue, m’a fait sourire et j’ai complètement embarqué dans son histoire. Et puis, oui, c’est vrai, j’attendais un rôle comme ça ! », ajoute l’actrice au cours d’un entretien réalisé lors des Rendez-vous du cinéma français d’Unifrance.

Des emplois essentiels, peu valorisés

Eye Haïdara s’est ainsi retrouvée à incarner Angèle, une Ivoirienne résidant sans papiers à Paris, qui espère pouvoir régulariser sa situation afin que son fils de 10 ans, resté dans le pays d’origine, puisse venir la rejoindre. Dotée d’un tempérament de feu et d’un bagout lui permettant de vendre à peu près n’importe quoi à n’importe qui, Angèle accepte, sur les conseils d’une voisine attentionnée, un emploi de nounou auprès d’une famille bourgeoise.

PHOTO FOURNIE PAR K FILMS AMÉRIQUE

Vidal Arzoni et Eye Haïdara dans Les femmes du square

Julien Rambaldi, qui signe ici son quatrième long métrage, a été inspiré par sa situation personnelle pour écrire Les femmes du square.

« Mon fils a eu une relation fusionnelle avec la femme qui l’a gardée, raconte-t-il. Je trouvais intéressant ce triangle formé entre un employeur, une employée et un enfant. J’ai réalisé à quel point ces femmes, souvent sans papiers, étaient importantes dans l’organisation de la vie personnelle et professionnelle de plusieurs familles. Le sujet est riche, car le contraste social est frappant. Il évoque aussi les rapports de domination, même inconscients, qu’on entretient envers ces femmes qui occupent un emploi très peu encadré sur le plan des conditions de travail. »

PHOTO FOURNIE PAR K FILMS AMÉRIQUE

Bwanga Pilipili, Eye Haïdara et Ahmed Sylla dans Les femmes du square, un film de Julien Rambaldi.

Le cinéaste a souhaité aborder cette thématique sans toutefois tomber dans le film social trop lourd. Les femmes du square est avant tout une comédie construite autour d’un personnage haut en couleur. L’ambition de Julien Rambaldi était de mettre également au premier plan le rôle essentiel que tiennent ces femmes souvent invisibles et peu reconnues. Le titre du long métrage fait en outre référence à ces nounous qui, en compagnie des enfants dont elles ont la garde, se retrouvent souvent au parc du coin pour discuter de choses et d’autres, plus particulièrement de leurs relations avec leurs employeurs.

J’ai voulu proposer un film à la fois sympathique et drôle, qui soulève aussi beaucoup de questions, ajoute-t-il. Notamment à propos de l’invisibilité de ces femmes et de leur grande importance dans l’organisation de la société. Ces femmes font des choses cruciales, mais, bizarrement, peu mises en valeur.

Julien Rambaldi, réalisateur

« Quand on parle d’immigration, particulièrement à l’extrême droite, on n’évoque jamais toutes ces personnes venues d’ailleurs qui ont des fonctions aussi fondamentales, qu’elles soient aides-soignantes ou qu’elles gardent nos enfants ! »

Un premier rôle principal

PHOTO FOURNIE PAR K FILMS AMÉRIQUE

Eye Haïdara est la tête d’affiche de Les femmes du square

Pour Eye Haïdara, qui tient ici son premier rôle principal au cinéma, le caractère bien trempé du personnage était attirant, d’autant que le cinéaste voit un peu Angèle comme une sorte d’ange et de trublion qui vient donner un gros coup de pied dans la fourmilière.

« Cette femme exprime des choses que les autres n’oseraient jamais dire, souligne-t-elle. Elles ne pourraient contredire leur employeur de la même manière non plus. Surtout, Angèle parvient à fédérer ces femmes afin qu’elles puissent se défendre. Son caractère et son attitude étaient déjà décrits comme ça dans le scénario, mais j’y ai aussi mis du mien en essayant de donner corps à tout ça. Alors, oui, il y a un peu de moi dans Angèle. »

PHOTO EMMANUEL DUNAND, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

À la récente soirée des Césars du cinéma français, Eye Haïdara était l’une des maîtresses de cérémonie.

Exerçant ce métier depuis près d’une vingtaine d’années, la comédienne fut prise d’émotion quand elle a vu le résultat final, particulièrement lors d’une projection marquée par une longue ovation au Festival du film francophone d’Angoulême.

« Ça ramène évidemment beaucoup de souvenirs, mais on s’aperçoit qu’on oublie aussi bien des choses. J’ai appris à ne plus trop me projeter. Je préfère jouer l’instant présent au tournage et redécouvrir ensuite les choses au moment de la projection. Et là, je dois dire que j’ai tout apprécié de ce film. Et je l’aime ! »

Les femmes du square est actuellement à l’affiche.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.