La bataille de Farador, petit film autoproduit d’Édouard A. Tremblay, fera le saut au grand écran le 21 avril avec Farador. Une quête semée d’embûches qui aura duré presque 15 ans, métamorphosée grâce à la contribution du scénariste Éric K. Boulianne, qui tient aussi dans le film son premier rôle principal. Rencontre entre geeks.

Tom et ses chums – La bataille de Farador, c’est l’un des premiers succès viraux du Québec. Lancé dans une soirée Kino à Québec en 2005, le court métrage racontant les aventures déjantées d’adulescents restés accrochés à leur interminable partie de Donjons et Dragons est devenu un succès culte en atterrissant sur le web, générant rapidement plus d’un million de visionnements sur la défunte plateforme Google Video. À ce jour, ce nombre a presque triplé grâce aux plateformes de diffusion contemporaines.

D’abord embauché pour tenir le rôle de Charles, maître de jeu aspirant à devenir auteur de fantasy, Éric K. Boulianne n’avait aucune idée de la réelle portée de Farador quand il s’est mis à retravailler le scénario original d’Édouard A. Tremblay. « La pression est arrivée à la fin, quand le film a été accepté puis que la nouvelle est sortie ; là j’ai vu des gens me dire à quel point c’était malade que je puisse tourner ça, nous dit le scénariste qui a notamment travaillé sur les films Menteur, De père en flic, Viking et plus récemment Le plongeur. Les gens me citaient des passages du court métrage. »

Mon voisin, que je ne connaissais pas vraiment, m’a dit qu’il jouait à Donjons avec des amis, et c’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à être stressé. Là je me suis demandé si j’avais fait la bonne job.

Éric K. Boulianne

PHOTO YAN DOUBLET, LE SOLEIL

Éric K. Boulianne

Les éléments marquants du court métrage original sont encore présents, mais après avoir vu les institutions refuser à quelques reprises les demandes de financement formulées par Édouard A. Tremblay, il fallait trouver le moyen de remanier le scénario. « Quand Éric a passé le casting, je ne savais même pas qu’il était scénariste, avoue en riant le réalisateur, qui a surtout évolué dans le milieu de la publicité. En allant chercher son aide et celle de Marc-Antoine [Rioux], j’ai pu compter sur des gens plus expérimentés qui pouvaient amener mon projet plus loin. Je me suis donc servi de leur talent pour étoffer le scénario. »

Comédie fantastique

Éric K. Boulianne a essentiellement renforcé l’arc narratif de quelques personnages clés, principalement le sien et celui de Catherine Brunet, qui joue Kim, la sœur de Charles. C’est par elle qu’arrive le changement dans l’univers sclérosé dans lequel évoluent son frère et ses amis Guillaume/Gardakan (Lucien Ratio) et Louis/Mordak (Benoit Drouin-Germain) – paladin niveau 66 et archimage niveau 57 de leur état. Kim fait réaliser à son frère qu’il est temps pour lui de s’extraire de son marasme, mais pas avant que ce dernier ait réussi à la convaincre de partager sa propre passion en participant à l’assaut final contre la forteresse de Farador – bataille qui transformera aussi la relation entre Guillaume et Louis.

« Oui, on veut plaire aux fans, mais ça reste un peu weird de faire un long métrage juste pour plaire à un culte, soutient Éric K. Boulianne. Au final, je pense que ça a été une bonne affaire, parce qu’on a pu couper des affaires sans penser commettre de sacrilège et sans se soucier de savoir si on faisait du “fan service”. Ce qu’on voulait faire, c’est une bonne histoire. »

PHOTO YAN DOUBLET, LE SOLEIL

« J’aurais dû partir d’autres projets, mais c’est celui-là qui me tenait le plus à cœur, c’est mon bébé, soutient le réalisateur Édouard A. Tremblay. J’ai vécu des remises en question, mais d’un autre côté, j’avais le goût de vivre l’aventure d’un film professionnel, et mes producteurs m’ont toujours encouragé à continuer. »

Le scénariste estime donc que le film a tout ce qu’il faut pour plaire à un grand public, malgré sa thématique fantastique qui pourrait tendre à envoyer la comédie dans la niche des films de genre. Une catégorisation qui, manifestement, irrite Éric K. Boulianne. « On est envahi par la culture américaine, et tout ce qui performe au box-office, ça reste des mondes fantastiques, du monde costumé, des superhéros, ça reste Le seigneur des anneaux, martèle avec passion le comédien originaire de Baie-Saint-Paul. Le film Donjons et Dragons a fait 600 000 $ au box-office québécois à sa première fin de semaine ; si le monde n’est pas tanné de voir des magiciens puis des paladins pendant deux heures au cinéma, pourquoi ce serait différent parce que c’est un film québécois ? »

On dirait que quand ça vient du Québec, on n’est tellement pas habitué de toucher à la culture geek que tout à coup, c’est considéré comme bizarre, c’est niché. Mais ce n’est pas niché, c’est ce que le monde va voir constamment au cinéma !

Éric K. Boulianne

Bien sûr, Farador dispose d’un budget qui n’a rien à voir avec les films tournés à Hollywood, mais il a néanmoins profité d’une collaboration avec des producteurs belges pour aller notamment tourner les dernières séquences en Europe dans des décors médiévaux authentiques. Il s’agissait pour l’équipe du dernier bloc d’un tournage qui s’est avéré magique, bien qu’il se soit étiré en raison de la pandémie. « Le fait d’avoir tourné en trois blocs a aussi aidé parce que ça nous a permis de devenir de bons amis hors plateau, souligne Édouard A. Tremblay. Aussi, les comédiens étaient super prêts parce qu’on en avait déjà tellement parlé entre nous, on avait tellement fait de répétitions. Arrivés sur le plateau, c’était rare que je dépasse les trois prises parce que tout le monde était déjà sur la coche. »

PHOTO STÉPHANE BOURGEOIS, FOURNIE PAR PARALLAXES

Catherine Brunet interprète Kim dans Farador.

Le courant semble en effet passer à merveille entre les comédiens ; la relation entre Charles et sa sœur Kim est notamment criante de vérité. « Pour moi, Charles, ce n’est pas vraiment un rôle de composition, parce que je me reconnaissais énormément dans sa passion pour l’écriture, dans sa passion pour les univers fantastiques, raconte Éric K. Boulianne, qui a lui-même eu sa période geek à l’adolescence. En fait, je l’ai joué un peu comme si le Éric du secondaire n’avait pas vraiment maturé, comme si j’étais resté avec mes chums du secondaire toute ma vie. »

On nous dit toutefois qu’Éric K. Boulianne aurait repris goût à la chose et serait en train de préparer à temps perdu une quête qu’il ferait jouer à deux ou trois amis… Avoir l’un des meilleurs scénaristes du Québec comme maître de jeu, ça vous dirait ?

Farador sera en salle le 21 avril.