Dans Un beau matin, dont le scénario a été écrit pour elle, Léa Seydoux incarne – sans aucun artifice – une femme dont la trajectoire est directement inspirée par celle qu’a récemment vécue Mia Hansen-Løve elle-même. Cette dernière propose ainsi le plus autobiographique de ses films. Entretien.

(Paris) Au cours des dernières années, Léa Seydoux s’est beaucoup transformée à l’écran. Aussi à l’aise dans les films de James Bond (Spectre, No Time to Die) que chez Arnaud Desplechin (Roubaix, une lumière), Bruno Dumont (France) ou David Cronenberg (Crimes of the Future), l’actrice française a souvent été vue dans des rôles où elle a pu exploiter ce côté glamour avec lequel elle aime s’amuser. Dans Un beau matin, Mia Hansen-Løve (L’avenir, Bergman Island) a voulu montrer l’actrice sous un nouveau jour en la « dépouillant de ses attributs de séduction ».

« J’aimais bien cette approche sans artifices, un peu documentaire presque, a confié Léa Seydoux lors d’une rencontre de presse tenue à Paris dans le cadre des Rendez-vous du cinéma français d’Unifrance. J’adore cette approche sur le plan esthétique parce que la beauté peut être dénuée d’artifices. J’aime bien être complètement à nu, avec un visage à nu aussi, au même titre que les émotions. »

Un personnage lumineux

L’actrice s’est glissée avec humilité dans la peau d’une femme élevant seule sa fille, vers laquelle le destin envoie au même moment un deuil à vivre et un nouvel amour à conquérir. Tristesse et joie se rejoignent ainsi dans l’un de ces épisodes contradictoires que réserve parfois l’existence. Le personnage que lui a proposé Mia Hansen-Løve n’a strictement rien de glamour, bien au contraire, mais il comporte sa belle part de lumière.

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Melvil Poupaud, Camille Leban Martins et Léa Seydoux dans Un beau matin, film de Mia Hansen-Løve

« Dans la vie, je reste très simple, car je ne suis pas en représentation, assure l’actrice. C’est dire que l’image qu’on m’accole parfois est essentiellement médiatique, pas réelle. Il y a forcément un décalage entre la réalité et les photos de moi qu’on peut voir dans les magazines. En même temps, ça m’amuse de jouer l’aspect glamour du métier d’actrice. C’est marrant. Je le fais avec humour et légèreté, de manière complètement ludique. »

Écrit à l’automne 2019, au moment où le père de la cinéaste était déjà très malade (il est mort de la COVID-19 au début de la pandémie en 2020), le scénario d’Un beau matin était spécifiquement destiné aux quatre acteurs principaux du film – les trois autres sont Pascal Greggory, Melvil Poupaud et Nicole Garcia –, mais aucun d’entre eux n’en a rien su avant que la cinéaste n’ait mis un point final à sa dernière version.

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Un beau matin est le huitième long métrage de la cinéaste française Mia Hansen-Løve.

« Quand elle m’a parlé de son projet de film la première fois, Mia m’a dit qu’il s’agissait de l’histoire d’une femme qui se révèle à elle-même, se souvient Léa Seydoux. Elle voulait notamment dépeindre une femme qui découvre sa sexualité comme une renaissance, un nouveau départ dans sa vie, alors qu’elle quitte un homme – son père mourant – et qu’elle en rencontre un autre. J’ai rapidement compris qu’il s’agissait d’elle. »

Ouvertement autobiographique

Même si tous ses longs métrages sont très personnels, Mia Hansen-Løve n’en avait encore jamais créé un d’aussi ouvertement autobiographique. Elle ne s’était jamais lancée non plus dans l’écriture d’un scénario en imaginant de façon aussi précise tous les acteurs qui allaient donner chair à son histoire.

« Le fait de voir en imagination des acteurs de cinéma pendant l’étape de l’écriture me permettait de mettre quand même une distance, d’en faire une véritable histoire de fiction, explique la cinéaste. Cela dit, je ne mets pas ces acteurs au courant parce que je n’ai pas en moi ce genre de confiance. Tant que la dernière scène n’est pas écrite, j’ai toujours peur de ne pas me rendre jusqu’au bout. Jamais je n’oserais parler à des comédiens d’un scénario que je suis en train d’écrire ! »

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Pascal Greggory et Léa Seydoux dans Un beau matin, de Mia Hansen-Løve

Quand elle a su qu’Un beau matin comportait une forte teneur autobiographique et qu’elle y jouerait ni plus ni moins l’alter ego de la cinéaste, Léa Seydoux a ressenti une responsabilité supplémentaire.

Quand on incarne à l’écran la personne qui vous filme, l’approche est forcément différente que pour un rôle purement fictif. Je ne voulais surtout pas trahir l’intention de la cinéaste, d’autant que Mia est dans la vie une personne plutôt pudique et réservée, mais très profonde. On sent qu’elle a une intériorité très forte. J’ai eu envie de retranscrire un peu ce que Mia a vécu de sa propre expérience.

Léa Seydoux

Au service des cinéastes

Celle qui, sous la direction d’Audrey Diwan (L’événement), incarnera bientôt la célèbre Emmanuelle, personnage mythique du cinéma érotique des années 1970, aime d’ailleurs s’adapter aux différents univers des cinéastes avec qui elle travaille. Et mettre son talent à leur service.

« Je n’arrive jamais avec une idée préconçue de ce que j’ai à faire, révèle-t-elle. Après le tournage, je demande toujours aux metteurs en scène s’ils ont vraiment fait le film qu’ils voulaient faire au départ. C’est ce qui m’importe avant tout parce que l’acteur est le vecteur de leur pensée. »

Un beau matin prendra l’affiche le 17 février

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance