(Paris) Habitué de porter à l’écran des scénarios dont il est le premier auteur, Christian Carion a fait une exception pour Une belle course, un film spécifiquement écrit pour Line Renaud. La grande dame du music-hall français y incarne une nonagénaire évoquant son passé auprès d’un inconnu, chauffeur de taxi. Joie et émotion furent au rendez-vous. Entretien.

Alors qu’il faisait la liaison Paris–Lyon en train, Christian Carion (L’affaire Farewell, Mon garçon) a lu le scénario de Cyril Gely (Diplomatie, Chocolat) que des producteurs lui ont fait parvenir. Écrit spécifiquement pour Line Renaud, icône du showbiz français aussi reconnue pour son implication sociale, notamment dans la cause du sida, Une belle course relate ce moment de la vie où une vieille personne n’a pratiquement plus d’autre choix que d’aller finir ses jours dans une maison de retraite en n’emportant plus que ses souvenirs pour meubler le petit espace qu’on lui accorde.

Au chauffeur de taxi qui la conduit vers son nouveau lieu de résidence, interprété par Dany Boon, Madeleine, la protagoniste, insiste toutefois pour faire de nombreux détours afin de voir pour la dernière fois les lieux qui ont beaucoup compté dans sa vie. Et se rappeler les évènements, parfois dramatiques, qui s’y sont déroulés.

« À l’arrivée, j’étais en larmes ! », confie le cinéaste au cours d’un entretien accordé à La Presse dans le cadre des Rendez-vous du cinéma français d’Unifrance, tenus cette semaine à Paris.

Comme j’avais perdu ma mère peu de temps auparavant, j’ai été d’autant plus sensible à cette histoire.

Chrsitian Carion, cinéaste

« J’ai alors contacté le scénariste en lui disant qu’il y avait quand même certaines choses qui me plaisaient moins et qu’il me faudrait mettre son scénario à ma main, ce avec quoi il était tout à fait d’accord », ajoute-t-il.

Dany Boon en mode dramatique

L’une des premières décisions de Christian Carion, un homme du Nord né à Cambrai, a été de proposer le rôle du chauffeur de taxi à son « compatriote » Dany Boon, dont il avait déjà révélé le potentiel plus dramatique dans Joyeux Noël. Partageant avec Line Renaud, une autre femme du Nord, une amitié profonde depuis plus de 30 ans, la considérant même comme sa deuxième mère, l’acteur, reconnu surtout pour ses comédies, s’est entièrement mis au service de son amie et du bon déroulement du tournage.

PHOTO FOURNIE PAR A-Z FILMS

Amis dans la vie, Line Renaud et Dany Boon ont pris plaisir à se donner la réplique dans Une belle course.

« En plus d’être un grand acteur, Dany a été un magnifique soldat, précise le cinéaste. Je lui ai toujours dit qu’il était comme Bourvil et qu’il pouvait jouer aussi bien le drame que la comédie, même si, à l’époque de Joyeux Noël, il avait fallu le convaincre. Là, il s’est vraiment lâché. Il a été d’une sincérité absolue en mettant ses émotions complètement à nu. Il y a souvent eu des moments où nous n’avons fait qu’une seule prise avec lui parce qu’il se sentait incapable de replonger dans cette forte émotion une deuxième fois. De toute façon, nul besoin n’était de le faire, car ce qu’il a donné était tout de suite parfait. »

Un film testament ?

Bien que l’histoire d’Une belle course ne soit pas du tout inspirée de la vie même de celle qui, dans les années 1950 et 1960, a fait les beaux jours des revues musicales, aussi bien en France qu’aux États-Unis (il existe une Line Renaud Road à Las Vegas !), l’effet miroir entre la fiction et la réalité fut si fort que l’actrice, aujourd’hui âgée de 94 ans, a confié au cinéaste ne pas pouvoir rêver d’un plus beau « film testament ».

« Je n’ai pas très bien réagi quand elle m’a dit ça, révèle Christian Carion. Je lui ai demandé de garder pour elle cette idée de film testament parce qu’elle était vraiment trop lourde à porter pour moi. C’est une trop grande responsabilité. Et puis, je lui ai fait valoir que les gens allaient la découvrir autrement à travers ce personnage et que d’autres cinéastes viendraient peut-être ensuite lui proposer des rôles. Aujourd’hui, Line est dans la nostalgie de ce film et me demande maintenant quand je compte lui envoyer un nouveau scénario ! »

PHOTO JEAN-CLAUDE LOTHER, FOURNIE PAR A-Z FILMS

Sur le tournage d’Une belle course, Christian Carion s’entretient avec Line Renaud et Dany Boon, les deux têtes d’affiche de son nouveau film.

Coïncidence ou pas, beaucoup de choses dans l’histoire de Madeleine recoupent celle de son interprète. Line Renaud a en outre tenu à assister au tournage de la scène où la jeune Madeleine (jouée par Alice Isaaz) embrasse un soldat américain, même si sa présence n’était pas requise.

« À la fin de la scène, Line est rentrée dans le bal, a félicité les acteurs en disant que c’était exactement comme ça que ça s’était passé, raconte le cinéaste. Elle nous a alors appris qu’à l’âge de 15 ans, elle avait, tout comme son personnage, embrassé un G.I. américain. Elle n’avait encore jamais raconté cette histoire. Plein de choses de cette nature se croisent. »

Line n’a jamais été elle-même victime de violence conjugale, mais quelques femmes dans sa famille, si. Elle nous a dit que c’était aussi pour ça qu’elle souhaitait faire ce film.

Chrsitian Carion, cinéaste

Un tournage joyeux

Lumineuse, visiblement ravie de pouvoir jouer une aussi belle partition, Line Renaud a pu bénéficier des conditions particulières que lui a réservées le cinéaste, bien conscient de l’âge vénérable qu’a son actrice principale. Toutes les scènes à l’intérieur de la voiture taxi ont en outre été tournées en studio, alors que les rues de Paris, filmées au préalable, défilent sur d’immenses écrans installés tout autour. Et puis, le fait d’avoir également misé sur l’amitié profonde que partagent Line Renaud et Dany Boon a rendu joyeux ce tournage mené par trois personnes issues du pays des Ch’tis.

« Line est une femme qui a aimé et aime toujours beaucoup la vie. Dans le film, Madeleine affirme qu’un sourire est un coup de jeune et une colère un coup de vieux. Cette formule indique parfaitement qui est Line Renaud », dit le cinéaste.

Une belle course prend l’affiche le 20 janvier.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.