Le frère Marie-Victorin s’est intéressé à la flore, mais aussi aux plaisirs sexuels. Ils étaient même au cœur de son échange épistolaire avec Marcelle Gauvreau. La cinéaste Lyne Charlebois a adapté leurs lettres pour le cinéma dans un film qui se déroule d’hier à aujourd’hui. La Presse a visité le plateau de tournage mercredi pour s’entretenir avec les acteurs Alexandre Goyette et Mylène Mackay.

Quand le producteur Roger Frappier a lu Les lettres biologiques du frère Marie-Victorin et ensuite celles de son élève et assistante Marcelle Gauvreau, il a imaginé un film dans l’échange épistolaire où l’érotisme côtoyait la science. « Mais il fallait le développer », raconte-t-il.

L’éminent producteur québécois a alors sollicité Lyne Charlebois avec qui il avait fait Borderline, il y a 15 ans déjà. « J’ai dit oui tout de suite, mais je ne voulais pas faire un biopic, souligne la scénariste et réalisatrice. Je voulais faire une réflexion sur l’amour qui fait un parallèle avec ce qu’on vit maintenant. »

C’est ainsi que Dis-moi pourquoi ces choses sont si belles… plonge dans le passé du frère Marie-Victorin et de Marcelle Gauvreau avec des images d’époque, mais par l’entremise d’acteurs contemporains – Roxane et Antoine – qui les incarnent dans un film qu’ils sont en train de tourner.

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Lyne Charlebois et Roger Frappier

« Je trouvais Mylène trop belle, mais en audition, c’était unanime. C’était pour elle », souligne Lyne Charlebois.

« Mon père est jardinier et ma mère est herboriste, nous apprend par ailleurs Mylène Mackay. Ils ont les Jardins du grand portage à Saint-Didace. »

L’actrice avait même déjà tenu le rôle de Marcelle Gauvreau dans le film Les fleurs oubliées, mais c’était « dans un tout autre ton » vu l’univers unique d’André Forcier. C’était aussi avant la publication de ses lettres par les Éditions du Boréal.

C’est là que j’ai vu combien ils allaient loin dans leurs échanges. C’était intime. Il parlait d’orgasmes, de dimensions de pénis et de façons de toucher… En 1930 !

Mylène Mackay

Si c’est de façon scientifique que les deux amoureux – le suspense du film est de savoir s’ils sont passés à l’actedécrivent comment le plaisir s’orchestre et se ressent jusque dans l’épiderme, « il y a une sexualité qui grouille de l’intérieur », fait valoir Mylène MacKay. « Dans les lettres, c’est aussi nommé qu’ils sont amoureux. C’est incroyable ! »

« Tout ce qu’ils ne font pas, ils se le partagent, renchérit Alexandre Goyette. Il y a un grand respect entre eux. »

Une quête scientifique

« Le frère Marie-Victorin croyait en Dieu, mais il disait que si Dieu a mis le plaisir dans l’acte sexuel, c’est sans doute parce que c’est bon », souligne Roger Frappier.

« Comme ça fait partie de lui, il trouve difficile de ne pas en parler au sein de sa congrégation, poursuit Alexandre Goyette. Pour lui, si Dieu nous a donné la capacité de jouir, il faut jouir de la bonne façon donc il faut comprendre les mécanismes de la sexualité. »

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L’acteur Francis Ducharme, la cinéaste Lyne Charlebois, l’actrice Mylène Mackay, son compagnon de jeu Alexandre Goyette et le producteur Roger Frappier

Les gens méconnaissent Marie-Victorin outre le fait qu’il a publié Flore laurentienne, souligne l’acteur. « Nationaliste, il voulait que les gens comprennent la terre sur laquelle ils vivent. »

« Il était avant-gardiste à plusieurs égards. Dans la scène qu’on tournait ce matin, il parle en faveur du mariage des prêtres. »

Deux couples en parallèle

Dis-moi pourquoi ces choses sont si belles… n’est toutefois pas une fresque d’époque, mais un « film dans un film » qui multiplie les allers-retours entre ce que jouent les acteurs et ce qu’ils vivent en privé.

Alors que Marcelle ne s’est pas mariée par choix, car elle voulait rester auprès du frère Marie-Victorin, l’actrice que Mylène Mackay joue plus de 80 ans plus tard a un tout autre caractère qui n’a rien de contenu. « Roxane est émancipée, sans filtre et libérée », indique-t-elle.

  • Le tournage avait lieu au square Saint-Louis mercredi.

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    Le tournage avait lieu au square Saint-Louis mercredi.

  • Lyne Charlebois en pleine action

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    Lyne Charlebois en pleine action

  • Lyne Charlebois avec son équipe de tournage

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    Lyne Charlebois avec son équipe de tournage

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Quant à Antoine, il a multiplié les adultères, il a cessé de boire et il veut revenir dans le droit chemin. « Il ressent vraiment quelque chose pour Roxane. »

Fin de tournage à Cuba

Mercredi, Lyne Charlebois prenait les dernières prises de vues du film au Québec avant trois derniers jours de tournage à Cuba (où le frère Marie-Victorin a observé des prostituées).

Francis Ducharme et Alexandre Goyette avaient tourné en matinée au mont Royal alors que Mylène MacKay a bouclé en après-midi au square Saint-Louis une scène où elle va déposer dans une boîte aux lettres, en pleine tempête, des mots écrits au frère Marie-Victorin.

« Si ce film-là n’est pas bon, il va être beau », lance Lyne Charlebois à la blague, qui a aussi tourné aux îles de Mingan, à Oka et dans les Cantons-de-l’Est.

Elle assure que tous les membres de son équipe – citons le directeur photo André Dufour – sont maintenant plus alertes par rapport à la nature et à la végétation qui les entourent, que ce soit dans leur ruelle ou en pleine forêt.

« Le scénario m’a fait penser à Tree of Life, surtout que la nature est un personnage en reflétant des sentiments », souligne Mylène Mackay.

« Les lettres d’amour me manquent, lance-t-elle. Le film nous fait réfléchir sur la manière dont on consomme aujourd'hui nos relations. »

« Et sur ce qu’on a le droit ou plus le droit de dire », ajoute Lyne Charlebois.

Dis-moi pourquoi ces choses sont si belles… sera en salle à l'automne 2023.