Christian Duguay a mis trois ans à fignoler Tempête et à faire de cette coproduction franco-québécoise un film digne de déplacement au cinéma, destiné à toute la famille. Mélanie Laurent et Pio Marmaï sont les têtes d’affiche d’un drame construit autour de la passion des chevaux. Rencontre.

Quand des producteurs lui ont soumis l’idée de réaliser l’adaptation cinématographique du roman de Christophe Donner, Christian Duguay ne cache pas avoir hésité, y voyant une similitude avec Jappeloup, le film à succès qu’il a offert en 2013. Mais pour celui qui fut dans sa jeunesse champion junior canadien de sport équestre, l’idée s’est révélée irrésistible, bien qu’il ait tenu à mettre le tout à sa main.

« La trame narrative de Tempête n’est pas très compliquée, mais j’ai voulu la suivre de façon très nuancée, explique le cinéaste au cours d’un entretien accordé à La Presse. Comme nous sortions de deux ans de pandémie, pendant lesquels j’ai vu ma fille adolescente se transformer et être gagnée par une rage intérieure, j’ai transposé cette espèce de manque dans le personnage de Zoé, la jeune héroïne. J’ai vraiment mis la main à la pâte et j’ai retravaillé le scénario scène par scène. Je voulais qu’il y ait du spectacle comme dans mes autres films, mais il m’importait aussi d’entrer dans l’intimité des personnages, faire parler les silences. »

Éviter le pathos

Tempête relate sur une quinzaine d’années le parcours de Zoé, une jeune fille née dans le haras de ses parents, qui grandit au milieu des chevaux en n’entretenant qu’un seul rêve : devenir jockey comme son père. Une pouliche nommée Tempête, née pratiquement en même temps qu’elle, viendra pourtant contrecarrer ses plans en renversant accidentellement la jeune écuyère. Qui en gardera de graves séquelles. On suivra ainsi cette dernière à trois étapes différentes de sa jeune vie.

PHOTO FOURNIE PAR LES FILMS OPALE

Pio Marmaï et Charlie Paulet dans Tempête

Faire jouer ce personnage par trois jeunes comédiennes différentes a aussi été un grand défi. Je ne voulais surtout pas tomber dans le mélodrame et le pathos. À cet égard, la trame musicale, tout en subtilité, qu’a composée Michel Cusson est magnifique et jamais trop appuyée. Michel est un virtuose !

Christian Duguay, réalisateur

Pio Marmaï, qui accompagnait le cinéaste québécois lors de son passage au festival Cinemania, où Tempête fut présenté à la soirée de clôture, a beaucoup apprécié cette occasion, plus rare pour les acteurs français, de se glisser dans un personnage où l’intime côtoie l’aspect physique et sportif. Le comédien a d’ailleurs dû se soumettre à une préparation importante afin d’être crédible en jockey à l’écran. La façon de faire de Christian Duguay, très nord-américaine, l’a également séduit.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Lors de son passage au festival Cinemania de Montréal, Christian Duguay était accompagné de Pio Marmaï, l’une des têtes d’affiche de Tempête.

« Non, mais ce mec, il fait tout. Je n’avais jamais vu ça ! s’exclame-t-il. Le voir travailler est très impressionnant. Je ne connaissais pas le monde équestre du tout, mais on m’a donné la chance de travailler avec les meilleurs. Et puis, sur un film comme celui-là, on passe par plein d’étapes sur le plan émotionnel, car les journées de tournage sont très différentes de l’une à l’autre. On peut tourner une grande scène intime, très émotive, une journée et tourner une scène de course le lendemain. C’était très excitant. »

Avec Mélanie Laurent, qu’il connaissait, mais avec qui il n’avait encore jamais travaillé, Pio Marmaï forme un couple de cinéma qui, aux yeux du cinéaste, relève de l’évidence.

« Je n’ai pas eu à faire lire le scénario à 25 acteurs, souligne Christian Duguay. J’étais déjà très admiratif du travail de Mélanie et elle m’a rapidement donné son accord pour jouer la mère de Zoé. Pour le personnage du père, nous voulions quelqu’un de pudique, de terrien, avec une force intérieure qui se traduit dans le jeu avec subtilité. Pio et Mélanie, c’est venu tout naturellement. J’avais devant moi deux acteurs qui se permettaient de se lâcher, et qui m’ont permis, moi, d’entrer dans ce noyau familial. »

PHOTO FOURNIE PAR LES FILMS OPALE

Pio Marmaï et Mélanie Laurent sont les têtes d’affiche de Tempête.

Une symbiose

Quand il évoque ce moment où une symbiose s’installe entre des acteurs et lui-même pendant le tournage d’une scène, le cinéaste s’emballe et s’émeut.

Le plus beau, c’est quand la magie s’installe et qu’on entre dans une zone extraordinaire. Quand je sens qu’on y a accès, je ne coupe plus, même si on doit reprendre la scène.

Christian Duguay, réalisateur

« Que des comédiens me permettent à moi, metteur en scène, d’entrer dans cette zone, de pouvoir danser avec eux, d’emmener le spectateur dans cette intimité-là, je me dis que mon parcours de 35 ans a pu servir à ça », ajoute-t-il.

Travaillant essentiellement en Europe depuis des années, Christian Duguay insiste toutefois toujours pour que ses projets soient élaborés en coproduction avec le Québec.

« Ça se passe principalement en France pour moi depuis 10 ans parce que l’accueil de Jappeloup a changé la donne un peu là-bas. Ça correspond aussi au cinéma que j’ai le goût de faire et que j’essaie de faire au Québec, mais ce n’est pas facile ici. Là-bas, je suis choyé et j’ai accès à de beaux projets. »

PHOTO JULIEN PANIÉ, FOURNIE PAR LES FILMS OPALE

Scène tirée de Tempête

Avec Tempête, qui sortira simultanément au Québec et en France, Christian Duguay espère aussi redonner aux gens le goût du cinéma sur grand écran.

« On a mis trois ans à faire ce long métrage. Nous l’avons fignolé pour ramener les spectateurs dans les salles. Parce que c’est important. Les gens ont découvert qu’ils pouvaient voir de grands films à la maison pendant la pandémie, mais là, ils redécouvrent, je crois, le plaisir du cinéma en salle. Cette expérience collective ne peut pas être remplacée. »

Tempête prendra l’affiche le 21 décembre.