Comment rendre hommage à un alpiniste canado-ukrainien accompli, disparu à l’issue d’un combat avec une terrible maladie ? La famille de Boris Kaschenko n’a pas hésité longtemps : pourquoi ne pas partir tous ensemble en expédition, en Patagonie, pour disperser les cendres sur un des montagnes qu’il affectionnait tant ?

« Nous avons ressenti fortement que c’était la chose à faire », se rappelle l’une de ses filles, Veronika Kaschenko, en entrevue sur Zoom.

Puis, l’idée est venue de documenter l’aventure, d’en faire un film. Une connaissance a mis l’épouse de Boris Kaschenko, Margarita, en contact avec Iphigénie Marcoux-Fortier, une documentariste québécoise qui a notamment développé un intérêt au sujet des rituels funéraires.

Le résultat, Boris, est à l’affiche aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM). « C’est une histoire magique, extraordinaire, de rencontre par personne interposée », commente Mme Marcoux-Fortier.

CRÉDIT-PHOTO : ANASTASIA KASCHENKO

Boris Kaschenko était un alpiniste accompli.

Des défis

Dès la première rencontre, les deux femmes connectent, le projet se met en branle. Iphigénie Marcoux-Fortier invite une autre jeune documentariste, Chloë Saint-Denis, à se joindre à l’aventure. « Pour moi, la coréalisation, c’est quelque chose de naturel, explique Mme Marcoux-Fortier. Ça fait partie de la façon dont j’ai grandi dans le cinéma documentaire. »

Chloë Saint-Denis a accepté l’invitation avec plaisir. « Je suis plus jeune, j’ai moins d’expérience, dit-elle. Je trouve que le métier de réalisatrice de documentaires est très solitaire : on écrit seul, on pitche seul, j’étais tannée de ça. Ici, chacune vient avec des compétences différentes. Ça donne de la joie parce qu’à quelque part, quand tu es seule devant un projet, c’est lourd. »

Or, le projet impliquait des difficultés particulières : marcher et filmer dans une nature grandiose, mais aussi très capricieuse.

Il pouvait pleuvoir, grêler, faire soleil, un double arc-en-ciel pouvait apparaître, et tout ça dans la même journée.

Chloë Saint-Denis

De son côté, Iphigénie Marcoux-Fortier adorait la randonnée, mais elle n’avait pas « une expérience faramineuse dans de tels lieux, des paysages, des montagnes si grandes ».

Connaître l’alpiniste

Le film rend justice à cette nature : des pics enneigés, des lacs, des rivières, des forêts. Mais aussi de la pluie et du vent. Parfois, les réalisatrices insèrent des images d’archives qui mettent Boris Kaschenko en vedette, la plupart du temps en montagne ou près d’une paroi d’escalade.

« Ni Choë ni moi n’avons connu Boris de son vivant, rappelle Mme Marcoux-Fortier. C’est une particularité que d’aller de l’avant dans la création d’une œuvre sur un être qu’on connaît à travers ses proches. »

Il n’y a pas de narration dans Boris. On entend quelques témoignages de ses amis de la section torontoise du Club alpin du Canada. On assiste surtout à quelques conversations entre les membres de sa famille, son épouse Margarita et leurs trois enfants, Veronika, Anastasia, Kyryl, ainsi que les conjoints et conjointe de ces derniers. C’est de cette façon qu’on apprend à connaître l’alpiniste.

Si les rires sont au rendez-vous, la tristesse fait aussi parfois son apparition, notamment lors de la dispersion des cendres de Boris.

D’une certaine façon, Iphigénie et Chloë se sont greffées à la famille le temps du documentaire, ce qui pouvait compliquer la distanciation nécessaire à la production d’un documentaire.

« On passait la nuit dans le même refuge, on mangeait les mêmes repas, on se brossait les dents ensemble, se rappelle Veronika Kaschenko. Ma mère, avec son instinct d’Ukrainienne, tenait à ce que tout le monde mange, y compris Iphi et Chloë. Je devais lui dire qu’elles allaient finir par manger, mais qu’elles devaient filmer d’abord. »

Le tournage a eu lieu en décembre 2019. Au retour, la pandémie a frappé. « Après, ç’a été un long processus de communication et de création à distance », commente Iphigénie Marcoux-Fortier.

Pour la famille Kaschenko, le résultat est très émouvant. « Pour nous, c’est un souvenir particulièrement précieux », indique Veronika Kaschenko.

De son côté, Iphigénie Marcoux-Fortier poursuit maintenant un certain nombre de projets, à commencer par un documentaire en collaboration avec un groupe de scientifiques de l’UQTR et la communauté inuite de Kangiqsualujjuaq, ainsi que des projets à Montréal et dans Lanaudière.

Pour sa part, Chloë Saint-Denis jongle avec un bon nombre d’idées, mais « rien qui soit prêt à la cuisson ».

Au Cinéma du Musée, ce samedi 19 novembre à 15 h 30. Film présenté avec sous-titres français. À la Salle Crave de la Cinémathèque québécoise, le 23 novembre à 20 h. Film présenté avec sous-titres anglais.

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