La cinéaste Danielle Arbid a choisi Lætitia Dosch pour incarner au grand écran l’héroïne incandescente d’un roman qu’Annie Ernaux a publié il y a trois décennies. Les deux femmes ont partagé une belle communauté d’esprit pour raconter Passion simple, un film dont le récit est orchestré autour d’une liaison charnelle et épidermique.

Danielle Arbid (Un homme perdu, Peur de rien) avait depuis longtemps l’envie de raconter une histoire d’amour au cinéma. Il se trouve que des producteurs, estimant que la cinéaste savait magnifiquement filmer les scènes plus charnelles, lui ont proposé la réalisation d’un long métrage au cœur duquel se trouverait une liaison passionnée entre deux êtres.

« J’aime beaucoup réaliser des scènes de sexe, lance d’entrée de jeu la réalisatrice au cours d’un entretien en visioconférence accordé à La Presse. À mes yeux, c’est comme de la sculpture, de la danse, de la peinture impressionniste, du désir, c’est tout ça à la fois. J’ai plus de difficulté à tourner une scène entre deux personnes qui se parlent dans un café ! »

La pureté d’une histoire d’amour

La réalisatrice a cherché une histoire à raconter en lisant des romans où il y a de l’amour et du sexe. Étonnamment, ils se font plutôt rares. Ou l’amour y est évoqué de façon désincarnée (« c’est comme si les gens ne baisaient pas ! », dit-elle) ou, au contraire, on tombe dans les œuvres où le sexe y est décrit dans toute sa lubricité avec, très souvent, des accents sadiens.

C’est comme si l’amour à deux, plus classique, peu importe l’orientation des amants, n’était pas très raconté. Ou alors, on y ajoute toujours un aspect social. Mais le fait est que la pureté d’une histoire d’amour à deux est rare dans la littérature. Je l’ai trouvée dans le livre d’Annie Ernaux.

Danielle Arbid, réalisatrice

Publié en 1992, Passion simple relate la liaison éperdue qu’entretient une jeune femme, divorcée et mère, dont la vie tournera désormais entièrement autour des rendez-vous que lui donnera – ou pas – un amant marié, venu de l’étranger. Roman autobiographique d’une autrice qui fut récemment au cœur de l’actualité cinématographique grâce à L’évènement, une adaptation d’un autre roman autobiographique (le film d’Audrey Diwan a obtenu le Lion d’or à la Mostra de Venise l’an dernier), Passion simple est le récit d’un vertige amoureux et sexuel.

PHOTO JULIEN ROCHE, FOURNIE PAR FUNFILM DISTRIBUTION

Lætitia Dosch dans Passion simple, un film de Danielle Arbid

« Je ne vois pas cette femme comme étant soumise, pas du tout, prévient la cinéaste. Je n’aurais d’ailleurs jamais supporté de raconter l’histoire d’une femme victime. Annie Ernaux est très courageuse dans son livre parce que personne ne veut avouer ramper devant l’amour. Le féminisme, c’est aussi se tenir la tête haute en assumant avoir été blessée par une relation amoureuse. Cela dit, le livre a été rejeté lors de sa sortie. Annie m’a envoyé la revue de presse de l’époque, comme pour me décourager de faire ce film. Mais ça m’a motivée à le faire encore plus ! »

La plus suprême des élégances

Trouver l’actrice pour incarner l’héroïne n’a toutefois pas été une mince affaire. Après quatre ans de recherches, la cinéaste est d’ailleurs venue bien près d’abandonner le projet. Une rencontre avec Lætitia Dosch, célébrée grâce à sa performance dans Jeune femme (Léonor Serraille), a changé la donne.

« Dix minutes et c’était fait ! rappelle la réalisatrice. Lætitia a une pudeur intérieure qui, selon moi, est la plus suprême des élégances. Les deux l’ont, à vrai dire. »

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Lætitia Dosch et Sergei Polunin dans Passion simple, un film de Danielle Arbid

L’autre acteur à qui Danielle Arbid fait référence est Sergei Polunin. Réputé bad boy du milieu de la danse classique (il a démissionné du Royal Ballet de Londres, où il était danseur principal, à l’âge de 21 ans !), parfois mis dans le pétrin à cause de déclarations intempestives sur les réseaux sociaux, le danseur russe a parfaitement assumé son rôle d’homme objet dans cette histoire.

Sergei est un homme très mystérieux. Un vrai punk. Sa réputation est un peu sulfureuse, mais tout s’est extraordinairement bien passé lors du tournage. Il a été très respectueux et a exécuté à la lettre tout ce que je lui ai demandé.

Danielle Arbid

De son côté, Lætitia Dosch évoque un rôle qu’elle n’aurait voulu rater pour rien au monde. Et se dit ravie de son expérience.

« J’étais déjà une grande lectrice d’Annie Ernaux, indique-t-elle. Quand on s’est rencontrées, Danielle et moi, ça a cliqué tout de suite. Je vois en elle une vraie poète des images et j’ai beaucoup aimé comment elle m’a parlé des scènes de sexe. Je crois qu’elle voulait d’abord me faire peur parce que ce rôle a fait peur à d’autres actrices auparavant, ce que je peux comprendre. Moi, j’ai trouvé ça beau et fantastique ! »

Passion simple prendra l’affiche sur grand écran le 19 août. Ce long métrage est aussi offert sur les plateformes Apple TV+, Google Play et YouTube.