Nous avons demandé à la cinéaste de commenter les longs métrages qui seront présentés dans le cadre de la rétrospective que lui consacre la Cinémathèque québécoise, à compter du 17 mai.

Strass Café (1980)

PHOTO FOURNIE PAR LA CINÉMATHÈQUE QUÉBÉCOISE

Une scène tirée de Strass Café, le tout premier film de Léa Pool

Scénario et réalisation : Luc Caron et Léa Pool

Un poème cinématographique, réalisé à la sortie de l’UQAM, qui raconte les espoirs et les déceptions d’une femme qui se parle à elle-même. « Je n’ai pas revu ce film depuis très longtemps, parce qu’il est invisible, mais j’ai envie de le revoir. Je vais sans doute être gênée un peu, mais je suis encore très fière des images, de l’atmosphère. En revanche, je trouve que c’est trop bavard, ce qui ne m’étonne pas. L’influence de Marguerite Duras probablement, mais sans son talent [rires]. J’étais jeune, je commençais ! »

La femme de l’hôtel (1984)

Scénario : Robert Gurik, Michel Langlois, Léa Pool

Réalisation : Léa Pool

Tournant un film dans sa ville natale, une cinéaste est inspirée par une inconnue, qui erre dans un hôtel. Avec Paule Baillargeon, Louise Marleau et Marthe Turgeon. « Je suis encore très attachée à ce film, qui garde sa modernité sur le plan du langage cinématographique. J’ai fait La femme de l’hôtel en toute naïveté, avec une liberté extraordinaire, qu’on perd forcément ensuite. Personne ne me connaissait, mais Paule, Louise et Marthe ont accepté de passer une audition. Les trois actrices ont même décidé d’écrire une lettre de soutien aux institutions après avoir lu le scénario. Ça m’a donné confiance. Ce film, c’était comme un cri du cœur. »

Bande-annonce fournie par Éléphant – Mémoire du cinéma québécois

Anne Trister (1986)

Scénario : Léa Pool et Marcel Beaulieu

Réalisation : Léa Pool

Après les funérailles de son père, une jeune femme quitte sa Suisse natale pour emménager à Montréal. C’est dans ce long métrage que fut popularisée l’inoubliable chanson De la main gauche, de Danielle Messia. Avec Albane Guilhe et Louise Marleau. « Anne Trister a été sélectionné en compétition à Berlin, une ville où mon père a vécu. Il comporte des choses très personnelles. Quant à la chanson, j’avais vu par hasard à la télévision une chanteuse qui interprétait Il voyage en solitaire. J’ai eu le réflexe d’enregistrer le générique de l’émission et c’est là que j’ai su que cette chanteuse était Danielle Messia. En faisant une recherche plus poussée, je suis tombée sur De la main gauche avant le tournage. J’ai contacté Danielle et j’ai découvert que nous avions plusieurs points en commun. Elle fut atteinte d’un cancer foudroyant qui l’a emportée toute jeune, à 28 ans. Elle n’a malheureusement pas été en mesure de voir le film. »

Bande-annonce fournie par Éléphant – Mémoire du cinéma québécois

À corps perdu (1988)

PHOTO FOURNIE PAR LA CINÉMATHÈQUE QUÉBÉCOISE

Matthias Habich, Johanne-Marie Tremblay et Michel Voïta dans À corps perdu, un film de Léa Pool

Scénario : Marcel Beaulieu (avec la collaboration de Michel Langlois)

Réalisation : Léa Pool

À son retour à Montréal, un photographe est perturbé par le reportage qu’il vient de faire au Nicaragua, ainsi que par la mouvance du triangle amoureux duquel il fait partie. Avec Matthias Habich, Johanne-Marie Tremblay et Michel Voïta. « Il s’agit d’une adaptation d’une partie du roman Kurwenal. La rencontre avec Yves Navarre, son auteur, fut très belle. Il est mort jeune, mais il a eu le temps de voir le film et l’a beaucoup aimé. Je suis encore très amie avec Matthias Habich. Je sais que les mélanges d’accents en ont dérouté certains, mais je trouve que ça traduit une réalité. Et puis, il y a ce triangle amoureux. On en parle peu, mais il y a plus de bisexualité et de fluidité qu’on le croit dans mes films ! »

La demoiselle sauvage (1991)

PHOTO FOURNIE PAR LA CINÉMATHÈQUE QUÉBÉCOISE

Matthias Habich et Patricia Tulasne dans La demoiselle sauvage, un film de Léa Pool

Scénario : Laurent Gagliardi et Michel Langlois

Réalisation : Léa Pool

Ayant échappé de justesse à la mort, une femme se réfugie dans les montagnes, mais tombe d’épuisement après plusieurs jours d’errance. Avec Patricia Tulasne et Matthias Habich. « J’avais vraiment envie de tourner en Suisse, dans une région où j’ai passé toutes mes vacances. La symbolique du barrage, de l’enfermement, dans un lieu immense, c’était une métaphore forte visuellement pour cette femme qui a dû se défendre et trouver refuge à la montagne. L’accueil fut plus tiède. Évidemment, c’est décevant sur le coup, mais avec le recul, on parvient à comprendre pourquoi un film a moins bien marché qu’un autre. Je reste attachée à La demoiselle sauvage, même si, c’est vrai, ce film est plus éloigné de mon univers et ne porte pas la même charge émotive. »

Emporte-moi (1999)

Scénario : Léa Pool et Monique H. Messier

Réalisation : Léa Pool

Hanna a 13 ans, et 1963 est l’année où tout se décide. Résolument autobiographique, Emporte-moi met en vedette Karine Vanasse et Pascale Bussières. « Après Mouvements du désir, une expérience plus forte que le résultat, Emporte-moi raccorde le lien avec mes premiers films, même si, pendant cette période, j’ai également fait des documentaires très personnels [Hotel Chronicles et Gabrielle Roy]. Le talent de Karine n’était pas difficile à détecter ; c’était évident à l’audition. C’est une surdouée. Emporte-moi fait assurément partie de mes films préférés. »

The Blue Butterfly/Le papillon bleu (2004)

Scénario : Pete McCormack

Réalisation : Léa Pool

Atteint d’un cancer incurable, un enfant convainc un célèbre entomologiste de l’accompagner pour capturer un papillon très rare d’Amérique centrale. Avec William Hurt, Pascale Bussières et Marc Donato. « Réaliser deux films anglophones coup sur coup relève du pur hasard dans la vie. Lost and Delirious, que j’ai réalisé avant, et The Blue Butterfly sont des projets clés en main qu’on m’a offerts, dont j’aimais beaucoup les sujets. J’ai fait Le papillon bleu pour ma fille, que j’élevais seule. J’y ai dirigé pour la première fois une grande vedette, William Hurt, et, étant timide de nature, ça m’intimidait au départ. William était timide aussi, mais parfois caractériel. Et comme mon père l’était aussi, j’ai su comment le gérer. Il a été très généreux, cela dit. »

Maman est chez le coiffeur (2008)

Scénario : Isabelle Hébert

Réalisation : Léa Pool

En 1966, une journaliste quitte sa famille pour se réaliser, laissant derrière elle son mari et ses enfants. Avec Céline Bonnier, Laurent Lucas et Marianne Fortier. « Le scénario est écrit par Isabelle Hébert, qui s’est inspirée de l’histoire de sa propre famille. Ce projet m’est arrivé un peu par la bande. J’aime beaucoup ce film, qui fait aussi partie de mes coups de cœur. Et puis, j’adore tourner avec des enfants. Marianne Fortier était déjà une excellente comédienne. Les deux jeunes garçons [Élie Dupuis et Hugo St-Onge-Paquin] étaient aussi formidables. »

La passion d’Augustine (2015)

Scénario : Marie Vien et Léa Pool

Réalisation : Léa Pool

Dans le Québec rural des années 1960, une religieuse lutte pour sauver de la fermeture son école, où l’on enseigne notamment la musique. Avec Céline Bonnier, Lysandre Ménard et Diane Lavallée. « Pour La passion d’Augustine, le sujet me plaisait. En 1975, quand je suis arrivée, les gens me racontaient le poids qu’a eu la religion au Québec pendant longtemps et je n’en revenais pas. Nous n’avons pas du tout vécu ça en Suisse. N’ayant pas d’idées préconçues, j’ai regardé ces religieuses avec bienveillance. C’est peut-être ce qui a tant plu. Ce genre de succès surprend toujours ! »

Et au pire, on se mariera (2017)

Scénario : Sophie Bienvenu et Léa Pool

Réalisation : Léa Pool

Une adolescente un peu perdue tombe obsessivement amoureuse d’un gars ayant le double de son âge, qui ne veut que l’aider. Avec Sophie Nélisse, Karine Vanasse et Jean-Simon Leduc. « Ma fille m’a fait découvrir le roman de Sophie Bienvenu. J’avoue garder une petite crotte sur le cœur face à la critique envers ce film parce que Sophie Nélisse, qui avait tout juste 15 ans à cette époque, a été injustement attaquée. Elle a pourtant fait exactement ce que je souhaitais. J’ai trouvé ça difficile et j’estime encore aujourd’hui sa performance remarquable, dans un rôle de composition où elle traduit parfaitement les multiples facettes du personnage. À l’extérieur du Québec, l’accueil fut beaucoup plus favorable. Peut-être est-ce dû au fait que le roman était moins connu ailleurs. »