Même s’il est loin d’être un nouveau venu, Austin Butler risque fort de comprendre pour la première fois ce qu’est une vraie frénésie. À quelques jours de la présentation au Festival de Cannes du nouveau long métrage de Baz Luhrmann, simplement intitulé Elvis, nous avons pu nous entretenir avec l’interprète du King.

Quand il a su que Baz Luhrmann préparait un film sur Elvis Presley, Denzel Washington n’a fait ni une ni deux. Il a tout de suite contacté le réalisateur de Moulin rouge.

« Denzel m’a dit que je devrais rencontrer cet acteur avec qui il partageait la scène à Broadway dans The Iceman Cometh [Eugene O’Neill] en précisant qu’il n’avait jamais vu pareille éthique professionnelle, a relaté le cinéaste au cours d’une rencontre de presse tenue virtuellement. Quand j’ai rencontré Austin la première fois, il vivait déjà avec Elvis dans sa tête depuis un bon moment. Au point où j’ai du mal à dire aujourd’hui si c’est vraiment moi qui l’ai choisi. C’est aussi grand que ça. J’ai fait avec lui tous les essais possibles et imaginables ! »

PHOTO FOURNIE PAR WARNER BROS. PICTURES

Austin Butler, alias Elvis Presley

Né 14 ans après la mort de l’interprète de Jailhouse Rock, Austin Butler évoque un alignement « parfait » des astres, même si le simple fait d’enfiler les costumes de l’icône lui foutait une trouille cosmique. Plusieurs mois avant de rencontrer Baz Luhrmann, qu’il n’avait encore jamais croisé de sa vie, l’acteur a fait comme si le rôle lui avait déjà été attribué. Pendant cette période autopréparatoire, il a même refusé toutes les autres auditions qu’on lui offrait.

« J’ai nourri une véritable obsession en cherchant plein de menus détails sur Elvis, car je voulais trouver son humanité, explique Austin Butler. On connaît bien l’image déifiée d’Elvis, mais où est l’être humain ? Une fois le rôle obtenu, je me suis préparé tous les jours pendant six mois. Baz me convoquait une journée en me prévenant la veille qu’il voulait me voir chanter Suspicious Mind. Ou Hound Dog, ou Don’t Be Cruel. Au premier jour du tournage, nous étions déjà très bien préparés. »

L’Amérique en ébullition

L’approche de Baz Luhrmann, qui n’a pas proposé de nouveau long métrage depuis The Great Gatsby, en 2013, est de raconter Elvis Presley à travers le regard du colonel Tom Parker (Tom Hanks), celui qui a veillé sur la carrière du chanteur en pressant souvent le citron au maximum. Presley ayant émergé à une époque – les années 1950 et 1960 – où l’Amérique était en pleine ébullition, le personnage, véritable bête de scène ayant le pouvoir d’électriser les foules, est vite devenu plus grand que nature. Austin Butler a ainsi dû offrir des performances scéniques à la hauteur.

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Austin Butler incarne Elvis Presley, et Tom Hanks interprète le colonel Tom Parker dans Elvis, un film de Baz Luhrmann.

« Pour être honnête, je n’avais rien fait de tel auparavant. Je sentais une très grande responsabilité envers Elvis, sa famille, ses admirateurs du monde entier. J’ai ressenti le poids d’une pression incroyable. Et une immense peur au ventre. Chaque jour, je craignais de ne pas être digne de la confiance qu’on m’avait accordée. »

Je voulais tellement rendre justice à Elvis que j’ai travaillé sans relâche mon chant, puis les intonations de sa voix. Cette expérience fut vraiment marquante. Je ne suis assurément plus la même personne aujourd’hui.

Austin Butler

Assurant l’interprétation des chansons de jeunesse de sa propre voix (elle est mêlée à celle d’Elvis Presley pour la deuxième partie du film), Austin Butler a également travaillé avec plusieurs experts du mouvement afin de traduire avec précision la gestuelle de celui que l’on surnomma un temps Elvis the Pelvis. Et dont on censura même les coups de bassin à la télévision.

« Pour que mes pieds soient agiles, j’ai dû apprendre la claquette, le ballet, la danse contemporaine. J’ai aussi compris pourquoi Elvis a dû prendre des médicaments contre la douleur. À cause des mouvements qu’il a faits pendant si longtemps, son corps lui faisait mal. C’était très exigeant physiquement. »

Ce moment où tout bascule…

À la demande de La Presse, Austin Butler a décrit le moment précis où il a eu le sentiment d’être vraiment en mesure de redonner chair – c’est un immense défi – à un personnage toujours aussi présent dans l’imagination collective. C’était le jour où fut recréée une émission spéciale, diffusée en 1968, ayant marqué le retour du King à la scène après qu’il eut consacré plusieurs années de sa vie au cinéma.

« J’ai enfilé le fameux costume de cuir noir, confie l’acteur. J’étais épouvantablement nerveux. Tout juste avant d’entrer en scène, j’ai eu ce moment avec moi-même où je me suis dit qu’Elvis devait ressentir la même chose. Ce retour à la scène constituait pour lui l’étape du “ça passe ou ça casse”. Je trouvais que cette pression-là avait des similitudes avec la mienne. Il y a la peur de l’échec, mais aussi la volonté de dépasser cette peur. J’ai alors pris toute cette énergie qui circulait à l’intérieur de moi et je me suis lancé. J’ai regardé autour et je me suis aperçu que le rapport que je pouvais créer avec le public – des centaines de figurants – était bien réel. Cette journée de tournage fut complètement exaltante. En entendant les cris et les applaudissements à la fin, du même genre que ceux qu’Elvis suscitait, j’ai fermé les yeux et je me suis alors donné la permission de penser qu’à cet instant, sa vie et la mienne convergeaient.

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Le 2 mai dernier, Austin Butler et Priscilla Presley se sont présentés sur le tapis rouge du Met Gala, tenu par le Metropolitan Museum of Art à New York. La femme d’Elvis Presley ne tarit pas d’éloges envers celui qui incarne son mari dans le film de Baz Luhrmann.

« Après, poursuit-il, je suis revenu seul dans ma loge, en silence. Je me suis regardé dans le miroir, vêtu du costume en cuir, couvert de sueur, droit dans les yeux en pensant qu’Elvis a dû s’offrir ce même moment de silence lui aussi. Et c’est là que je me suis dit : “OK. Je pense que je peux le faire.” »

Rarement un rôle lui aura autant pris et donné à la fois.

Après avoir terminé la toute dernière scène, je suis retourné dans ma roulotte et j’ai commencé à pleurer. Je n’arrêtais pas de me répéter : mais qui suis-je ? C’était comme si, après avoir vécu avec Elvis aussi intimement pendant si longtemps, je me demandais comment on pouvait faire pour se réajuster à la vraie vie ensuite. En même temps, tu penses à la joie d’avoir pu vivre une telle expérience.

Austin Butler

Une première à Cannes

Le premier grand test aura par ailleurs lieu dans quelques jours au Festival de Cannes, où Elvis sera présenté en primeur mondiale, hors compétition. Même s’il était de la distribution de The Dead Don’t Die (Jim Jarmusch) et de Once Upon a Time in Hollywood (Quentin Tarantino), deux films lancés sur la Croisette en 2019, Austin Butler se rendra au bal cannois pour la toute première fois.

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La boucle de ceinture d’Elvis

« J’aurais pu m’y rendre il y a trois ans, mais le festival tombait juste au moment où je préparais mon audition pour Elvis, révèle l’acteur. La décision fut alors très difficile à prendre, mais j’ai préféré ne pas y aller. Cette fois, c’est comme si la boucle se bouclait. Et l’idée d’aller à Cannes avec Elvis m’excite beaucoup ! »

Depuis cet entretien, les médias spécialisés américains – Deadline et Variety en tête – ont affirmé qu’Austin Butler allait tenir le rôle du charismatique Feyd-Rautha dans Dune : Part Two. Le tournage du prochain film de Denis Villeneuve doit commencer cet été, en vue d’une sortie le 20 octobre 2023.

Le 75Festival de Cannes, où se rendra notre envoyé spécial Marc Cassivi, se tiendra du 17 au 28 mai.

Elvis prendra l’affiche le 24 juin.