Même si on lui a plus rarement confié des personnages antipathiques au cours de sa carrière, Nathalie Baye n’a pas hésité à se glisser dans la peau d’une femme au cœur plus sec, directrice d’atelier au sein de la Maison Dior, qui découvre le désir de transmettre son savoir à une jeune fille ayant pourtant volé son sac dans le métro. Entretien.

Elle n’aime pas le mot « composition ». Le rôle que Nathalie Baye défend dans Haute couture, deuxième long métrage de Sylvie Ohayon, procède quand même de cette approche. La femme qu’elle y incarne ne pourrait probablement pas être plus éloignée d’elle. La couturière d’exception au cœur de l’histoire, que les doigts de fées ont menée à diriger les « petites mains » qui travaillent aux robes que la Maison Dior présente dans les grands défilés, a quelque chose de « rêche », de très dur dans le cœur.

« On sent que cette femme a été blessée dans sa vie et qu’elle ne se fait pas de cadeau, précise l’actrice au cours d’un entretien en visioconférence accordé à La Presse dans le cadre des Rendez-vous du cinéma français d’Unifrance. J’ai été attirée par le sujet, particulièrement celui de la transmission, plus rarement traité au cinéma. »

En lisant le scénario, je suis entrée assez vite dans la peau de ce personnage très loin de moi. Ce rôle est assez dur à porter, mais il est très beau.

Nathalie Baye

Le passé de danseuse classique de l’actrice fut aussi utile dans les circonstances.

« Dans ma jeunesse, j’ai travaillé avec des professeures qui étaient exactement comme cette femme. Très exigeantes et rêches avec les autres, mais tout aussi dures, sinon plus, envers elles-mêmes. J’ai tellement été habituée à ça que ça ne m’a pas posé de problèmes ! »

Apprendre les rudiments du métier

Le récit de Haute couture est construit autour de la rencontre inattendue entre Esther (Nathalie Baye) et Jade (Lyna Khoudri, révélée grâce à Papicha), une jeune femme de 20 ans. Cette dernière, prise de remords, est venue rendre à la directrice d’atelier le sac qu’elle lui avait piqué plus tôt dans le métro. Cette audace aura valu à Jade une invitation à faire un stage à l’atelier, Esther ayant détecté chez elle un beau talent.

Se disant elle-même « complètement nulle » en couture, Nathalie Baye a dû se familiariser avec les rudiments du métier, du moins, apprendre à faire semblant.

PHOTO FOURNIE PAR TVA FILMS

Se disant « nulle » en couture, Nathalie Baye a dû apprendre à faire semblant…

Quand le personnage qu’on doit jouer exerce un métier manuel, c’est non seulement un beau point de départ, mais c’est aussi très attirant. Je suis allée dans les ateliers de Dior et j’ai pu bien observer les femmes qui y travaillent.

Nathalie Baye

« On sent qu’elles aiment ce qu’elles font, même si les conditions sont difficiles. Elles sont toujours debout, ou penchées comme sur une table à dessin, mais on les sent habitées par leur métier. Elles œuvrent constamment dans les menus détails, à confectionner des robes qui, une fois finies, sont des chefs-d’œuvre. »

En plus de plonger dans un monde qu’elle n’avait jamais fréquenté de cette façon, Nathalie Baye a aussi accordé sa confiance à une cinéaste qu’elle ne connaissait pas du tout. Avant Haute couture, Sylvie Ohayon avait réalisé Papa Was Not a Rolling Stone, sorti en France en 2014.

« J’ai regardé son film précédent et je l’ai trouvé très bien, indique l’actrice. On a cependant mis un peu de temps à nous connaître et à développer une relation plutôt agréable. Il a fallu s’apprivoiser. Même si Sylvie ne raconte pas sa propre histoire dans Haute couture, beaucoup de choses proviennent néanmoins de sa vie personnelle. Ça complique toujours un peu les choses parce que nous devions alors réinventer cette vie-là. C’était un peu tendu entre nous au début, mais ça s’est finalement très bien passé. »

Bien dans sa peau

N’étant pas du tout une « toquée de la mode », Nathalie Baye s’intéresse essentiellement aux vêtements pour des raisons professionnelles. Elle aime en outre trouver les vêtements correspondant aux personnages qu’elle doit incarner. Elle apprécie aussi les tenues qu’on lui prête pour les soirées de gala.

C’est très agréable d’avoir l’impression d’être une princesse de temps en temps, mais autrement, je ne suis pas tellement ce qui se passe dans le monde de la mode.

Nathalie Baye

« À mes yeux, on porte bien un habit que si on est bien dans sa peau. À partir du moment où je me sens un peu déguisée, ça ne fonctionne plus pour moi. »

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Une scène tirée de Haute couture, un film de Sylvie Ohayon dont Nathalie Baye est la tête d’affiche.

Le premier grand couturier ayant eu l’honneur d’habiller Nathalie Baye dans ses plus jeunes années est le regretté Azzedine Alaïa. L’actrice précise avoir ensuite eu la chance de porter notamment du Chanel et du Dior lors de grandes occasions.

« Dans ces cas-là, on nous propose des tenues et on essaie celles qui semblent nous convenir. Il n’y a rien de plus horrible que de mal porter une robe splendide qui ne vous convient pas. Mais c’est comme pour Cendrillon, tout disparaît une fois la soirée passée ! »

Haute couture est présenté en salle.