Dans le plus récent long métrage de Denis Côté, qui nous arrive de la Berlinale auréolé du prix de la mise en scène de la section Encounters, Maxim Gaudette incarne un dandy bon vivant, philosophe et délinquant, qui s’enlise progressivement auprès des cinq femmes qui gravitent autour de lui. En plus d’une aventure de tournage hors du commun, Hygiène sociale a permis au comédien de relever un énorme défi d’acteur.

Il est pratiquement de tous les plans de ce film composé de longs plans séquences. Maxim Gaudette est le protagoniste d’Hygiène sociale, un long métrage tourné rapidement en pleine pandémie, de façon complètement indépendante, sans moyens, « limite pour le fun », comme dit le cinéaste Denis Côté. Il est d’ailleurs à noter que l’existence de cette première véritable comédie dans l’œuvre du réalisateur de Curling est en partie due à Larissa Corriveau, l’une des interprètes de Répertoire des villes disparues. L’actrice, compagne de Maxim Gaudette à la ville, a spontanément demandé au cinéaste s’il n’avait pas dans ses tiroirs un scénario qu’il aurait écrit et qu’il aurait envie de tourner.

Trouver le ton

Même si, dans l’esprit de Denis Côté, les textes qu’il avait écrits lors d’un séjour à Sarajevo il y a quelques années n’avaient rien d’un projet de film, l’enthousiasme du couple à la lecture a fait en sorte que les longs dialogues que le cinéaste avait couchés sur papier ont finalement pris une forme cinématographique.

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Maxim Gaudette dans Hygiène sociale, un film de Denis Côté

« Denis a indiqué qu’il avait peut-être quelque chose à proposer, mais qu’il s’agissait d’un truc où tous les acteurs étaient maintenus à deux mètres de distance pendant toute la durée du film, raconte Maxim Gaudette. C’était écrit et conçu comme ça, sous forme de tableaux, bien avant la pandémie. À partir du moment où on s’est dit qu’il fallait absolument tourner ça, parce que nous en avions très envie, Denis a réuni une distribution et le projet s’est mis en branle très rapidement. »

Nous nous sommes rencontrés chez nous pour lire les textes et, surtout, pour trouver le ton, ce qui n’avait rien d’évident au départ.

Maxim Gaudette

Quand, dans la première scène, Solveig (Larissa Corriveau), mains constamment sur les hanches, commence à enguirlander son frère Antonin (Maxim Gaudette) en déclamant les reproches qu’elle lui adresse, le spectateur sait d’emblée que cet essai cinématographique ne ressemblera à rien d’autre. Les dialogues – souvent brillants – sont prononcés sur un ton très théâtral par des personnages toujours filmés de loin.

Divisé en six longs plans séquences, que viendront ponctuer quelques scènes de transition, le récit est construit de telle sorte que cinq femmes viennent tour à tour discuter avec Antonin, un apprenti cinéaste qui gagne sa croûte en faisant des vols, chacune tentant de faire entendre « raison » à un homme dont l’esprit n’a que faire des conventions. En plus de la sœur, il y a l’épouse, Églantine (Évelyne Rompré), qu’Antonin « aime encore, comme une bonne tasse de lait chaud », Cassiopée (Eve Duranceau), la femme convoitée qui se refuse à lui, Rose (Kathleen Fortin), dépêchée par le ministère du Revenu, et Aurore (Éléonore Loiselle), victime de l’un des larcins d’Antonin, venue récupérer son bien.

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Évelyne Rompré, Eve Duranceau et Maxim Gaudette dans Hygiène sociale, film de Denis Côté

« Le fait d’être toujours éloigné des partenaires exige un certain tonus et un support vocal inhabituel en cinéma, explique celui qui a été des deux derniers longs métrages francophones de Denis Villeneuve, Polytechnique et Incendies. Nous avions des micros épinglés sur nous, mais il fallait quand même trouver le bon niveau de voix. Heureusement, Denis [Côté] avait une idée très précise de ce qu’il souhaitait entendre. Nous étions entre les mains d’un réalisateur dont la vision était déjà très claire. Il savait d’emblée qu’un ton plus naturaliste ne pouvait pas fonctionner dans un exercice comme celui-là. »

Une expérience périlleuse et inoubliable

Les six interprètes ont ainsi appris leurs textes chacun de leur côté, à la manière d’une pièce de théâtre, pour arriver sur le lieu de tournage – une clairière à Bromont – avec la meilleure maîtrise possible. L’atmosphère était faite de légèreté et d’indépendance, avec ce sentiment de participer à l’élaboration d’une œuvre créée sans moyens, du genre de celles où l’on change son costume dans sa voiture, avec l’enthousiasme pour principal carburant.

Maxim Gaudette a en outre apprécié l’originalité de la proposition, sa radicalité aussi. Il conçoit très bien que le style de cet essai peut d’abord déconcerter le public, mais il estime que les démarches artistiques hors normes enrichissent le paysage culturel.

« J’ai eu beaucoup de plaisir à jouer dans ce film, même s’il était très stressant à faire, dit celui qu’on peut aussi voir à la télé dans la série 5rang. Quand on tourne de longs plans séquences, avec beaucoup de dialogues, il est impossible d’arrêter au milieu. Il est certain que mon expérience au théâtre m’a beaucoup aidé, ne serait-ce que pour gérer la tension que peut générer l’idée de jouer face à une caméra pendant 15 minutes sans interruption, sans avoir beaucoup répété avant non plus. Se retrouver dans des situations plus inhabituelles fait aussi partie du fun d’être acteur. Ce genre de production à petit budget, inclassable, tournée avec une équipe réduite, nous pousse à être plus téméraires. Et j’aime ça. Ce fut une expérience périlleuse, inoubliable. »

Très apprécié par la critique internationale lors de sa présentation au Festival de Berlin, Hygiène sociale prendra l’affiche en salle le 14 mai. Une exposition de Lou Scamble, constituée de photos de tournage, est par ailleurs présentée dans le Foyer de la Cinémathèque québécoise.