La comédie dramatique Au revoir le bonheur de Ken Scott fait le récit de quatre frères qui se rendent aux Îles-de-la-Madeleine pour répandre les cendres de leur père. Un geste de libération hautement symbolique. Du même coup, ils ont la chance unique de se libérer de certains vestiges du passé pour se tourner vers l’avenir. Retour sur le tournage.

Sur une colline balayée par les vents aux Îles-de-la-Madeleine, ils se retrouvent, William, Charles-Alexandre, Nicolas et Thomas, avec leurs conjointes et leurs enfants, pour répandre les cendres du paternel, Philippe.

La scène est spectaculaire, chargée d’émotion. Elle renvoie aussi au titre du film. La mort du père ferme-t-elle la porte à une longue et heureuse histoire familiale au terme de laquelle chacun ira de son côté ? Ou bien répandre les cendres a-t-il quelque chose de libérateur, ouvrant la porte à quelque chose de neuf et de sain ?

Le spectateur tirera ses propres conclusions. Mais bon, c’est Noël après tout, alors on peut imaginer comment le vent des îles va tourner…

« Je pense que ce film donne le goût de se rassembler, indique la comédienne Charlotte Aubin, interprète de Camille dans le film. Les quatre frères vivent beaucoup de conflits, mais ils s’aiment malgré leurs travers. »

« Après deux ans de pandémie, on peut s’attendre à ce que ce genre de réunion, de rituel, nous manque », dit François Arnaud, dont le personnage de Nicolas est en couple avec Camille. « Le film évoque cet effritement des rites de passage… »

« … ce qui en fait un bon film axé sur les traditions pour le temps des Fêtes », complète Charlotte Aubin.

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Une scène du film Au revoir le bonheur tourné aux Îles-de-la-Madeleine

De son côté, le scénariste et réalisateur Ken Scott avait, oui, envie de raconter une histoire de famille, mais sans que le récit soit simplement mignon. Pour lui, l’histoire devait avoir de la profondeur.

« Au revoir le bonheur est une comédie dramatique qui parle de deuil et de la famille dans un angle mélancolique, dit-il en entrevue. Je sais qu’il y a beaucoup de drames familiaux au cinéma. C’est normal : le spectateur s’y reconnaît. Mais pour faire une bonne histoire, il faut se donner la peine de creuser. »

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Le réalisateur Ken Scott

En écrivant son scénario, il lui importait que le spectateur ressente le poids de chaque réplique entre les frères. « Lorsque l’un d’eux refuse par exemple le projet de son frère épicurien pour donner une nouvelle vocation à la maison familiale, on sent que cet échange est chargé d’histoire », défend-il.

Comme Ken Scott aime bien écrire des scénarios où il y a plusieurs personnages (Starbuck, La grande séduction de Jean-François Pouliot, Maurice Richard de Charles Binamé), nous lui demandons jusqu’où il y a une part de lui-même dans celles-ci.

Il sourit…

« J’espère qu’il y a beaucoup de moi dans les histoires que je fais, dit-il. Mais je préfère transposer les choses. Je n’ai pas de frère et mon père est vivant [il touche du bois en le disant]. Je suis le père de trois filles. Je suis donc bien entouré et j’ai des choses à dire sur la famille. Par contre, il m’est plus facile de dire la vérité en transposant mes idées dans des personnages fictifs. »

Une histoire loin de Montréal

Au revoir le bonheur est porté par les comédiens Patrice Robitaille (William), Louis Morissette (Charles-Alexandre), François Arnaud (Nicolas) et Antoine Bertrand (Thomas). Ils incarnent évidemment quatre frères très différents les uns des autres.

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Scène du film Au revoir le bonheur où les quatre frères de l’histoire sont encore des enfants

S’ajoutent plusieurs autres comédiennes et comédiens, dont Charlotte Aubin, Marilyse Bourke, Elizabeth Duperré, Julie Le Breton, Éric Paulhus, Pierre-Yves Cardinal, Geneviève Boivin-Roussy et de nombreux enfants et habitants des Îles retenus pour de petits rôles où de la figuration.

Pour un premier tournage québécois à la reprise des activités sur des plateaux régis par des règles sanitaires strictes, ça fait beaucoup de monde. Il a d’ailleurs fallu un coup de main supplémentaire de la SODEC (voir la capsule) pour boucler le budget.

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Marylise Bourke, Elizabeth Duperré et Charlotte Aubin font partie de la distribution d’Au revoir le bonheur.

Il importait par ailleurs à Ken Scott de camper son histoire loin de Montréal afin que les quatre frères et leurs proches se trouvent dans une sorte de huis clos pour régler leurs différends. À l’origine, le tournage devait avoir lieu en Provence. Puis on a retenu La Havane. Mais, pandémie oblige, l’équipe s’est tournée vers les Îles-de-la-Madeleine.

« Nous n’étions pas perdants, bien au contraire, lance Ken Scott. Lorsqu’on tourne un film, on subit des difficultés au quotidien. Dans un tel cas, il faut que la solution soit meilleure, sinon on va sentir le compromis. C’est ce que nous ont donné les Îles avec des plages et des paysages toujours grandioses et différents. »

Plusieurs scènes ont été tournées à Havre-Aubert. Mais on reconnaît aussi la Dune du Sud, Fatima, la plage de Sandy Hook et le phare du Cap-Alright de Havre-aux-Maisons, qui appartient à Julie Snyder.

Si les paysages donnent envie de prendre le premier avion pour les Îles, la maison familiale de l’histoire n’est pas piquée des vers. Pour Ken Scott, elle se trouve au cœur du film et en constitue un personnage.

« Elle est une métaphore du bonheur, dit le cinéaste. Le père l’a construite. Elle a été agrandie. Les frères doivent décider de ce qu’ils vont faire avec celle-ci. Elle a une grande valeur financière, mais sa valeur sentimentale prend toute son importance. Je voulais que le spectateur se sente de plus en plus engagé par rapport à cet enjeu autour de la maison. »

En salle le 17 décembre

Avec une aide supplémentaire de la SODEC

Au revoir le bonheur a été présenté le 23 novembre aux parlementaires et aux membres du personnel des bureaux des députés de l’Assemblée nationale à Québec. Pour l’occasion, la présidente et chef de la direction de la SODEC, Louise Lantagne, a rappelé que le film de Ken Scott est l’un des 19 longs métrages québécois qui, en 2020-2021, ont reçu une aide financière bonifiée pour permettre le tournage en pandémie. Cette aide a été rendue possible par l’intermédiaire du Plan de relance économique du ministère de la Culture et des Communications. « Nous avions prévu un impact COVID-19 [coûts supplémentaires] pour la production du film. Toutefois, la réalité nous a très vite rattrapés, notamment en tournage extérieur avec beaucoup de comédiens et une grosse équipe, en plus des mesures sanitaires incontournables pour éviter une éclosion. S’il n’y avait pas eu d’aide financière additionnelle de la SODEC pour nous aider, cela aurait été impossible d’entreprendre la production en ces circonstances », a indiqué le producteur Christian Larouche, de Christal Films Productions.