Jamais un film de James Bond n’avait encore ramené un personnage féminin dans l’épisode suivant en lui attribuant une importance accrue. Léa Seydoux, l’interprète de Madeleine Swann, ne s’est pas fait prier pour reprendre du service au côté de Daniel Craig. Nous avons joint l’actrice à New York.

On pourrait presque parler d’un festival Léa Seydoux au Québec. En l’espace d’à peine un mois, l’actrice française sera à l’affiche de trois films bien en vue. En plus de No Time to Die (Mourir peut attendre en version française), qui sort enfin cette semaine, la comédienne est de l’imposante distribution de The French Dispatch, nouvel opus de Wes Anderson (22 octobre), et tient la vedette dans France, une satire des médias signée Bruno Dumont (5 novembre). Nous la verrons également au début de l’année prochaine dans Tromperie, plus récent long métrage d’Arnaud Desplechin. Au Festival de Cannes, tenu exceptionnellement au mois de juillet cette année, celle qui compte à son palmarès une Palme d’or grâce à La vie d’Adèle (obtenue conjointement avec Abdellatif Kechiche et Adèle Exarchopoulos en 2013) était à l’affiche de pas moins de quatre longs métrages, qu’elle n’a cependant pas pu accompagner sur la Croisette, la COVID-19 la forçant à s’isoler chez elle.

Au cours d’un entretien en visioconférence accordé dimanche à La Presse, l’actrice a fait valoir la chance de pouvoir explorer une grande variété de rôles, dans des univers très différents les uns des autres. Elle a aussi profité de l’occasion pour évoquer les bons souvenirs qu’elle garde des deux longs métrages qu’elle a tournés à Montréal.

« Il y a eu Juste la fin du monde, avec Xavier [Dolan], bien sûr. Mais je suis revenue à Montréal deux ans plus tard pour tourner Zoe [Drake Doremus], un film qui est allé directement sur les plateformes, où je jouais un robot au côté d’Ewan McGregor ! »

Un même état d’esprit

Léa Seydoux indique que l’état d’esprit qui l’anime, selon qu’elle se rende sur le plateau d’un film de James Bond ou sur celui d’un drame d’Arnaud Desplechin, reste fondamentalement le même, même si, d’évidence, les tonalités et les contextes ne pourraient être plus différents.

« C’est à la fois la même chose et pas du tout, dit-elle. Des films comme Spectre ou No Time to Die sont complètement régis par la technique. Il faut, donc, essayer de trouver sa liberté de jeu dans cette structure-là. Parfois, ça peut être un peu difficile, mais j’ai envie de m’adapter à cette machine.

En même temps, tourner un film reste toujours un peu pareil, peu importe que ce soit un James Bond ou un autre. C’est le même saut dans le vide. J’aime m’adapter au style du metteur en scène, qu’il s’agisse d’un film d’auteur français ou européen, ou d’une grande production.

Léa Seydoux

L’actrice a vraiment découvert l’univers de James Bond grâce à Casino Royale, qu’elle a vu au cinéma à 20 ans. À ses yeux, il n’existe pratiquement pas d’autre incarnation de James Bond que celle de Daniel Craig. Aussi fut-elle étonnée – et ravie – quand elle fut pressentie par Sam Mendes, réalisateur de Spectre, pour incarner celle de qui le plus célèbre agent secret de Sa Majesté risque de tomber amoureux.

PHOTO TOLGA AKMEN, AGENCE FRANCE-PRESSE

Lashana Lynch, Daniel Craig, Léa Seydoux et Cary Joji Fukunaga lors de la grande première de No Time to Die (Mourir peut attendre), tenue au Royal Albert Hall de Londres la semaine dernière

« J’étais assez intimidée par toute la mythologie qui plane sur cette série, mais aussi d’être entourée par tous ces acteurs talentueux. Cela dit, je n’ai vraiment pas boudé mon plaisir. Tous les matins, en arrivant sur le plateau, malgré un rythme de travail parfois épuisant – c’est quand même très prenant physiquement et émotionnellement –, j’ai toujours eu un plaisir fou à faire ces films, autant Spectre que celui-là. »

Une Madeleine plus incarnée

Dans No Time to Die, le plus émotif des cinq épisodes dans lesquels Daniel Craig aura prêté ses traits à James Bond, Madeleine Swann occupe un espace encore plus grand dans la vie de ce dernier. Dès qu’on lui a demandé de reprendre son rôle, Léa Seydoux a immédiatement donné son accord.

PHOTO HENRY NICHOLLS, REUTERS

Léa Seydoux ne s’est pas fait prier pour reprendre dans No Time to Die (Mourir peut attendre) le rôle de Madeleine Swann, qu’elle avait tenu dans Spectre.

« J’ai été encore plus contente quand j’ai vu que le rôle était cette fois plus consistant. Le personnage est plus émouvant, plus incarné.

Je crois que Cary Fukunaga [le réalisateur] a souhaité que ça fonctionne vraiment entre James Bond et Madeleine. Il a voulu rendre cette relation plus concrète, de sorte que les gens puissent s’identifier à leur histoire.

Léa Seydoux

« Quand on reprend un même personnage sous la direction d’un autre réalisateur, c’est un peu comme s’il s’agissait d’un autre rôle, ajoute-t-elle. Même dans son allure, Madeleine est assez différente dans No Time to Die. Je dirais qu’elle est plus femme, plus mûre. »

Un changement, pour le mieux

Autrement dit, on est ici loin de la Bond Girl traditionnelle. Depuis l’arrivée de Daniel Craig, avec cette nouvelle modernité insufflée à la franchise, les personnages féminins ont d’ailleurs pris plus d’étoffe. Cette évolution la ravit. En 2018, alors membre du jury du Festival de Cannes, Léa Seydoux a d’ailleurs participé à la montée des marches historique des 82 femmes de cinéma, menée par Cate Blanchett et Agnès Varda, visant à réclamer une plus grande parité dans les métiers du cinéma, tout autant que dans la société. Qu’en est-il trois ans plus tard ?

« Il y a encore un long chemin à parcourir, mais, quand même, j’ai l’impression que ça change, reconnaît l’actrice. Je sens que dans l’industrie du cinéma, la place des femmes et le regard qu’on pose sur elles dans les films sont en train de changer, en mieux. Il était temps. Il est temps aussi que les rôles féminins soient plus variés, plus consistants, plus profonds. Parce que c’est important. Je ne crois pas que James Bond devrait maintenant être joué par une femme, mais on pourrait assurément créer un personnage ayant les mêmes atouts. »

À cet égard, comment voit-elle le James Bond du prochain cycle ?

« J’espère qu’il sera différent de Daniel Craig et que l’acteur qui l’incarnera apportera ses propres idées. J’aimerais voir quelque chose de totalement différent et en être surprise. D’une certaine façon, je peux dire que Daniel Craig est le James Bond de ma génération. »

No Time to Die (Mourir peut attendre en version française) est présenté depuis mercredi dans certaines salles. Il prendra l’affiche partout vendredi.

Deux films à suivre

The French Dispatch

22 octobre

Lancé au Festival de Cannes, où il a été présenté en compétition officielle, le nouveau film de Wes Anderson (The Grand Budapest Hotel) met en vedette Bill Murray, acteur fétiche du cinéaste, ainsi qu’une imposante distribution de laquelle font notamment partie Benicio Del Toro, Frances McDormand, Tilda Swinton, Léa Seydoux, Timothée Chalamet, Elisabeth Moss, Denis Ménochet, et une galaxie d’autres étoiles du même calibre.

France

5 novembre

Dans ce drame satirique de Bruno Dumont (Ma Loute), aussi lancé à Cannes (où il était en lice pour la Palme d’or), Léa Seydoux incarne une journaliste célèbre, prénommée France, vedette d’une chaîne d’info continue où elle présente des reportages chocs dans lesquels elle se met beaucoup en scène elle-même. Jusqu’au jour où, prise à son propre jeu, elle se voit forcée de mûrir une réflexion sur son métier.

4

Nombre de citations aux Césars du cinéma français. Meilleur espoir féminin : 2009 (La belle personne) et 2011 (Belle épine). Meilleure actrice : 2013 (Les adieux à la reine) et 2014 (La vie d’Adèle).