La traversée, premier court métrage d’Ève Saint-Louis, est inscrit à l’édition 2021 du festival South by Southwest, qui commence ce mardi. Le film aborde le tabou des relations familiales toxiques, phénomène à la fois répandu et méconnu, nous explique en entrevue la réalisatrice québécoise.

La traversée aurait pu se limiter à un road movie qui se transforme en cauchemar pour le personnage principal de Chantale. Mais cette traversée sera surtout un passage capital pour la jeune femme, dont la vie est depuis trop longtemps minée par une relation toxique avec son père.

Un titre à double sens, donc, qui, aux yeux de la réalisatrice et comédienne (elle incarne Chantale dans le film), renvoie aussi à la délicate question des relations familiales, sujet encore tabou s’il en est un.

Les thèmes du non-dit, du rapport de force, de la violence psychologique sont ici exploités. Chantale est incapable de se sortir d’une relation toxique. C’est quelque chose qu’on trouve souvent tout en demeurant tabou. Or, quand on prend un risque comme le fait ici Chantale, ça peut être très salvateur.

Ève Saint-Louis, réalisatrice

En 20 petites minutes, l’histoire nous plonge dans l’univers de Chantale qui, après avoir étudié un an à Paris, est de retour au Québec pour les vacances de fin d’année. Contre toute attente, son père (Claude Laroche) vient la chercher de l’aéroport.

PHOTO FOURNIE PAR FILMOPTION INTERNATIONAL

Scène du film La traversée

Il passe à peine une minute avant que la jeune femme renoue avec la personnalité cassante, manipulatrice et colérique de cet homme incapable de composer avec l’imperfection du quotidien et des individus.

Dans un geste d’affirmation qui ne lui est pas naturel, Chantale brisera le silence et exprimera son dégoût de la personnalité du paternel. Sa rencontre, éphémère mais essentielle, avec la serveuse d’un restaurant (Catherine Chabot) à la personnalité solaire, marquera un point de bascule.

Curieusement, la question d’une relation toxique père-fille est aussi au cœur du prochain long métrage de la cinéaste Chloé Robichaud, Les jours heureux, dont nous avons parlé le 11 mars. Or, le sujet, avons-nous fait observer aux deux réalisatrices, nous semble peu présent dans la cinématographie, du moins québécoise.

« Je suis d’accord, répond Ève Saint-Louis. C’est quelque chose que j’ai très peu vu dans mes inspirations et mes recherches. Pourtant, c’est quelque chose de très intéressant. Car les liens qui se tissent dans les relations familiales sont très importants dans la construction d’une vie adulte. »

Réaliser plus que jouer

Ce passage à la réalisation pourrait être un tournant dans la carrière d’Ève Saint-Louis, qui s’est sentie à la bonne place derrière la caméra.

PHOTO MATHILDE ANQUEZ, FOURNIE PAR ÈVE SAINT-LOUIS

La comédienne et réalisatrice Ève Saint-Louis

Après avoir étudié la mise en scène au théâtre en Europe, elle a travaillé deux ans là-bas avant de revenir au Québec. Elle-même comédienne, elle dit adorer travailler avec les acteurs. « En fait, j’ai plus hésité à jouer dans mon film qu’à le réaliser, confie-t-elle. Maintenant que j’ai touché à la réalisation, j’ai envie que ça prenne toute la place ! J’ai tellement aimé ça. J’aime jouer, mais le fait de travailler avec une équipe, je trouve cela exceptionnel. Et j’aime beaucoup l’écriture. »

Celle qui compte de nombreuses influences, dont Atom Egoyan, Christopher Nolan, Céline Sciamma, Podz et Miloš Forman, affirme ne pas en avoir fini avec l’exploration des liens familiaux. « Cette thématique m’intéresse encore. Je n’en ai pas fait le tour. Je veux continuer sur cette voie à toute vitesse. »

Le festival South by Southwest a lieu en ligne du 16 au 20 mars. D’autres œuvres québécoises font partie de la programmation. Le court métrage La traversée sera vraisemblablement projeté en festival au Québec dans les prochains mois.