En 2010, YouTube, Sundance et Ridley Scott ont lancé un appel à tous afin que les gens du monde entier filment un bout de leur vie à une date commune. Le 25 juillet dernier, ils ont remis ça avec Life in a Day 2020. Kevin Macdonald s’est de nouveau chargé de la réalisation. Le film a été présenté en première mondiale à Sundance et La Presse en a discuté avec le réalisateur.

La pandémie de coronavirus vous a-t-elle incité à faire ce deuxième opus ?

R. Nous avons beaucoup aimé faire le premier film, une expérience originale et enrichissante. J’ai gardé en tête l’idée de le refaire. Nous avons convenu que le 10e anniversaire du premier film était un moment bien choisi. Si on ne le faisait pas là, on ne le ferait jamais. Au moment de nous lancer, la pandémie n’était pas encore entrée dans une phase majeure.

Il y a néanmoins cette séquence bouleversante d’une mère qui, il y a 10 ans, avait filmé son fils aujourd’hui victime de la maladie…

R. Je crois que la COVID-19 a permis de surligner le thème central du film qui est l’action et les valeurs communes, la vie quotidienne, qui sont semblables peu importe où nous sommes sur la planète. Et je pense qu’en raison du fait que tant de gens étaient pris à la maison, le film est davantage en intériorité. Nous avons reçu plus de clips sur des moments tristes, la perte de proches.

Comment résumer ces valeurs universelles ?

R. Peu importe où nous sommes dans le monde, même si nous sommes différents ou divisés, il est bon de nous rappeler toutes ces choses simples que nous avons en commun. C’est cliché, mais c’est la raison d’être du film. Vous regardez tous ces gens et vous vous sentez au diapason avec eux.

Beaucoup de choses changent en 10 ans. Dans le premier film, des gens lisent des journaux en papier. Mais pas dans celui de 2020. Vous l’aviez remarqué ?

Je ne l’avais pas réalisé [rires], mais c’est évident que le statut actuel comme l’avenir du journalisme m’interpellent. Cette préoccupation était au cœur de mon film State of Play [2009] dans lequel une blogueuse avec une opinion sur tout [Rachel McAdams] se fait dire qu’elle ne fait pas du vrai journalisme par un collègue de la vieille école [Russell Crowe]. Or, c’est lui qui perd son job.

PHOTO FOURNIE PAR LE FESTIVAL SUNDANCE

« Peu importe où nous sommes dans le monde, même si nous sommes différents ou divisés, il est bon de se rappeler toutes ces choses simples que nous avons en commun », dit Kevin Macdonald.

Et, dans le sens contraire, les drones, absents du film de 2010, apparaissent dans le nouveau…

Oui, c’est 100 % neuf. Un de mes moments favoris est celui de cet homme qui vit dans sa voiture et dont le loisir est de faire voler des drones en chaussant un casque de réalité virtuelle. C’est sa façon de s’échapper. Idem avec l’application Zoom qui, durant la COVID-19, a permis de communiquer, de survivre.

L’autre grande histoire de 2020, c’est le mouvement Black Lives Matter…

Nous avons reçu beaucoup de séquences filmées durant les marches de BLM. Il fallait l’inclure tout en respectant notre désir d’universalité et de diversité. Je voulais éviter le piège de tomber dans ce vortex qu’est l’Amérique. Les Américains ont été plus nombreux que quiconque à nous envoyer des clips durant ces marches. Ils ont beaucoup le sens de la caméra.

Votre prochain film, The Mauritarian, concerne l’histoire d’un homme emprisonné à Guantánamo durant 14 ans et libéré sans avoir été accusé. Pouvez-vous en dire un mot ?

Cet homme, Mohamedou Ould Slahi [qui a vécu quelques mois à Montréal avant d’être arrêté], a écrit un livre de mémoires remarquable à Guantánamo. Un témoignage de l’intérieur de cet horrible endroit. Au départ, je croyais trop difficile, trop noir de porter cela à l’écran. Mais je l’ai rencontré et j’ai découvert une personne agréable, intelligente, chaleureuse, et qui ne cherche pas la vengeance. L’autre thème de ce film est de montrer ce qui survient lorsque les lois d’un pays sont ignorées et poussées dans la marge.

Life in a Day 2020 sort le 6 février sur YouTube, où l’on peut aussi visionner Life in a Day 2010.

La démarche

Comme pour le premier film, les gens étaient invités à capter quelques instants de leur vie le 25 juillet 2020 en répondant à quatre questions simples : Qu’aimez-vous le plus ? Qu’est-ce qui vous fait le plus peur ? Que souhaitez-vous changer ? Qu’avez-vous dans vos poches ? En 2010, les organisateurs avaient reçu 4500 heures de clips tournés dans 192 pays. Cette fois, ils en avaient 15 000. Une cinquantaine d’assistants ont fait une première sélection et Kevin Macdonald a fait son montage à partir des 300 à 400 heures restantes. Des clips de 500 personnes ont été retenus.