(Lyon) Un bon acteur doit « rechercher l’honnêteté » plutôt qu’avoir un coup dans le nez, estime la star danoise Mads Mikkelsen à l’occasion de la sortie mercredi de Drunk, long métrage provocateur où il passe avec brio par tous les stades de l’ivresse.

« Si j’étais écrivain, peut être que je rechercherais un peu d’inspiration (dans l’alcool), comme Hemingway », connu pour être aussi grand auteur que buveur, a déclaré l’acteur à l’AFP, au Festival Lumière à Lyon.

« Mais avec le jeu d’acteur, ça ne fonctionne pas comme ça », sourit le Danois, de retour dans son pays natal pour ce film signé par l’auteur de Festen, Thomas Vinterberg : « clairement, on ne peut pas courir partout et être ivre tout en jouant des rôles ! »

Crevant l’écran dans ses rôles de mafieux, tueur à gages et autres méchants à Hollywood, Mikkelsen reconnaît que certains acteurs boivent… Et « certains sont fantastiques ! Mais sans qu’on sache s’ils n’auraient pas été meilleurs sans alcool ».

Dans le film, Mikkelsen, chevelure blonde, sourire mélancolique et carrure athlétique, incarne un quadragénaire désabusé qui retrouve goût à la vie en tentant une expérience avec trois amis : ne plus jamais être sobre, et donc boire toute la journée. Avec pour point d’orgue une scène de transe hypnotique, entièrement portée par sa performance.

Profiter de la vie

CAPTURE D’ÉCRAN

Mads Mikkelsen dans Drunk

Même pour un acteur aussi capé, capable de jongler entre un rôle de méchant à James Bond dans Casino Royale et des films d’auteurs européens, jouer les différents stades de l’ébriété est une gageure.

Reproduire « l’ivresse légère », les yeux qui brillent, celle « qu’on essaie de cacher et que tout le monde connaît », jusqu’à des états « bien plus avancés que ça », c’est même « assez difficile », reconnaît-il.

Au final, « nous avons fait beaucoup de répétitions parce que nous devions trouver les équilibres justes pour chaque quantité » d’alcool ingéré. Chacun réagit différemment en buvant et « c’est amusant de jouer avec cela », poursuit-il.

L’équipe s’est aussi inspirée de vidéos de personnes ivres sur l’internet, notant des détails comme le fait qu’une personne éméchée qui tombe n’essaye pas de se protéger et chute comme une pierre.

Finalement, il en va comme de tous les autres rôles : « quand ça ne marche pas, c’est que vous forcez trop… Quand vous forcez trop, ça se voit. Et l’une des choses que les gens ivres ne font pas, c’est de forcer ».

Complice de Vinterberg avec lequel il avait joué dans La chasse (2012) qui lui avait valu un prix d’interprétation à Cannes, Mads Mikkelsen n’a pas hésité à rejoindre ce projet, vu comme « un prétexte pour raconter une histoire sur le fait de profiter de la vie. Et comment on oublie de la vivre, avec ou sans alcool ».

Fromage et dessert

De toute évidence, Mikkelsen, lui, n’a pas oublié de vivre et compte même poursuivre, à 54 ans, sa carrière des deux côtés de l’Atlantique. Des blockbusters au cinéma plus confidentiel, il dit rechercher à chaque fois la même « honnêteté » de jeu.

En attendant, l’industrie du cinéma américain est gelée. Lui-même est « en attente ». « Personnellement, je peux encore payer mon loyer pour quelques mois », ironise-t-il, « mais je suis très préoccupé pour mes collègues qui ne sont pas dans la même situation ».

Mais il est confiant quant à l’avenir du 7e art. « On peut voir un match à la télé, et pourtant les stades restent bondés. Les gens veulent être là et avoir cette expérience ensemble. Je croise les doigts pour qu’il en soit de même avec les cinémas ».

Entre les salles et les plateformes en ligne qui gagnent du terrain, « c’est fromage et dessert, les gars. Ne nous battons pas, inspirons-nous les uns les autres ».