Dev Patel n’avait jamais pensé qu’on lui offrirait un jour l’occasion d’incarner l’un des personnages phares de l’œuvre de Charles Dickens. Dans cette nouvelle adaptation du huitième roman de l’auteur d’Oliver Twist, imaginée par le créateur de la série Veep, la présence de l’acteur relève pourtant de l’évidence.

Avec ce troisième long métrage, le cinéaste britannique Armando Iannucci (In the Loop, The Death of Stalin) a voulu faire partager sa passion pour l’œuvre de Charles Dickens. Figure importante du monde de l’humour au Royaume-Uni, Iannucci a choisi de porter à l’écran David Copperfield, un roman que le célèbre écrivain a publié en 1849. Bien que respectant le cadre dans lequel l’intrigue se déroule — nous sommes en pleine époque victorienne —, The Personal History of David Copperfield n’en comporte pas moins une résonance très contemporaine.

« J’ai toujours adoré Dickens, a déclaré le cinéaste au cours d’une rencontre de presse tenue de façon virtuelle récemment. Déjà dans la vingtaine, il était le plus grand écrivain du monde, le plus populaire aussi. Il profitait justement de sa notoriété pour aborder des sujets sociaux plus sensibles. J’ai relu David Copperfield il y a une dizaine d’années et j’ai été soufflé par la modernité du propos. On y évoque la lutte des classes, la pauvreté, l’anxiété sociale, des thèmes identitaires aussi. En plus, Dickens y célèbre les vertus de l’écriture. »

« Moi ? Vraiment ? »

Ayant le teint un peu plus basané que le personnage, du moins, tel que l’on se l’imagine — à tort — habituellement, Dev Patel, révélé il y a 12 ans grâce à Slumdog Milionaire [Danny Boyle], fut le premier surpris quand Armando Iannucci lui a offert le rôle principal de son adaptation, écrite avec Simon Blackwell (In the Loop, Veep), l’un de ses collaborateurs les plus fidèles. L’acteur n’a d’ailleurs pu s’empêcher de demander au cinéaste s’il était bien certain de vouloir faire appel à lui pour incarner David Copperfield.

PHOTO FOURNIE PAR SEARCHLIGHT PICTURES

Dev Patel dans The Personal History of David Copperfield, film d’Armando Iannucci

Lors de notre rencontre, je me suis assis avec Armando et nous avons discuté. Son approche originale m’a immédiatement séduit, d’autant que je suis l’un de ses admirateurs depuis ma jeunesse, alors que je regardais assidûment son émission [The Armando Iannucci Shows au début des années 2000].

Dev Patel, qui incarne David Copperfield

Armando Iannucci tenait à ce que son adaptation soit fidèle à l’œuvre de Dickens, mais il avait également le souci d’offrir une représentation plus diversifiée de la société, dans la mesure où il a composé une distribution « daltonienne », sans égard à la couleur de peau des interprètes. Autour de Dev Patel gravite une distribution de haut vol, de laquelle font notamment partie Peter Capaldi, Tilda Swinton, Hugh Laurie, Ben Wishaw et Rosalind Eleazar.

« Cela m’est très naturel, dit le cinéaste, né à Glasgow d’un père italien et d’une mère écossaise. Dans mon esprit, Dev était mon unique choix pour interpréter David Copperfield. Je ne pouvais imaginer personne d’autre. Tout le monde sait depuis longtemps que Dev est un acteur exceptionnel, mais dès que je l’ai vu dans Lion [Garth Davis], mon choix était fixé. C’est qu’il a encore les qualités de jeunesse qu’il affichait à l’époque de Slumdog Millionaire et de Skins [une série britannique], mais tout ça s’allie maintenant à une maturité qu’on retrouvait dans Lion. J’avais besoin de ces deux pôles pour un personnage qui s’engage dans un périple à travers lequel il découvre son identité. »

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Tilda Swinton fait partie de la distribution de The Personal History of David Copperfield, un film d’Armando Iannucci.

Un changement notable

Dev Patel estime d’ailleurs que cette approche indique un changement notable dans l’industrie pour les interprètes issus des communautés culturelles. Dans ce cas-ci, il y voit en outre une valeur ajoutée, dans la mesure où l’histoire de David Copperfield, déjà très populaire, risque de ratisser maintenant encore plus large.

En ouvrant sa distribution, Armando a fait en sorte qu’elle soit plus représentative du quartier de Londres dans lequel j’ai grandi. Peut-être un enfant qui ne se sentirait pas concerné a priori pourra s’identifier et ne pas passer à côté de cette histoire.

Dev Patel qui incarne David Copperfield

« Et puis, Dickens est un écrivain avec lequel tout le monde peut s’identifier parce qu’il fait écho dans son œuvre à des thèmes universels. Ses romans étaient destinés au plus grand nombre », continue Dev Patel.

Armando Iannucci s’était déjà frotté à l’œuvre de Dickens en 2012 en réalisant le documentaire Armando’s Tale of Charles Dickens. Il a cette fois voulu mettre en valeur l’aspect plus ludique qu’a aussi mis l’auteur classique dans son roman.

« Les adaptations précédentes y ont rarement fait écho, mais il y a un humour formidable dans The Personal History of David Copperfield, rappelle le cinéaste. J’ai voulu mettre l’accent là-dessus, faire honneur à la fantaisie de cette histoire. »

Lancé l’an dernier au festival de Toronto, le long métrage sort au moment même où le cinéma en salle amorce une relance. Dev Patel et Armando Iannucci rappellent à cet égard le plaisir ressenti lors de la présentation au TIFF dans une salle pleine, à une époque où personne n’aurait pu soupçonner que la planète allait s’arrêter de tourner à cause d’une pandémie.

« Les arts vivants ont été les premiers à s’arrêter et sont les derniers à recommencer, observe Armando Iannucci. Or, ce sont paradoxalement les arts qui nous ont permis de traverser cette période difficile. C’est la raison pour laquelle nous demandons l’appui financier de nos gouvernements, car il serait dommage que les artistes n’aient plus les moyens de créer. Que The Personal History of David Copperfield soit l’un des premiers films que les spectateurs auront l’occasion de voir me ravit, d’autant qu’il s’agit d’une histoire qui fait du bien. Je préfère que ce soit celui-là plutôt que The Death of Stalin ! »

The Personal History of David Copperfield prendra l’affiche le 28 août en version originale et en version originale sous-titrée en français.