Comme pour la plupart des rôles qu’elle choisit de tenir, Marie-Josée Croze s’est fiée à son instinct pour accepter la courte partition qu’on lui a proposée dans Disappearance at Clifton Hill, un thriller canadien réalisé par Albert Shin. Celle que nous verrons aussi bientôt dans la série française Mirage était de passage l’an dernier au festival de Toronto. Rencontre.

Q. Quatre ans après Iqaluit, on vous retrouve dans ce film canadien-anglais, qui relate le parcours d’une jeune femme, interprétée par Tuppence Middleton, ayant hérité d’un motel de Niagara Falls où s’est déroulé pendant son enfance un évènement traumatisant pour elle. Le rôle que vous campez est important dans l’histoire, mais quand même relativement court. Quel en fut l’attrait pour vous ?

R. J’ai toujours l’habitude de prendre mes décisions en trois secondes, sous le coup d’une impulsion. D’ailleurs, le tournage du film était déjà commencé quand j’ai reçu cette proposition. Tout était déjà en place – y compris une participation de David Cronenberg comme acteur – et je trouvais le scénario formidable. Je me suis beaucoup amusée, car le rôle qu’on m’a offert est très différent de ceux que je joue habituellement. J’ai tourné pendant trois jours.

Q. Est-ce plus difficile d’arriver sur un plateau où l’on restera peu de temps que sur celui d’un film où l’on tient un rôle principal ?

R. C’est beaucoup plus difficile. C’est même très dur. Il faut s’intégrer très rapidement et trouver tout de suite la bonne tonalité, tomber pile dessus. On a peur de tout faire rater. C’est en même temps très excitant parce qu’il faut faire évoluer le personnage tout de suite. Il faut aussi savoir rapidement lire les signaux du metteur en scène. Comme il est déjà en pleine action, ce n’est pas vraiment le moment de discuter de la psychologie du personnage en long et en large.

Q. C’est un peu incroyable quand on y pense, mais vous exercez ce métier depuis maintenant 30 ans.

R. Et j’en suis à 70 films ! [rires]

Q. Après toutes ces années de carrière, abordez-vous le métier différemment ?

R. Forcément. Au début, on ne sait pas trop quelle direction tout ça va prendre, ni ce que ça va donner. Cela dit, je me suis très rapidement fixé des règles quant à ma façon de travailler, et je n’en ai jamais dérogé. Au fil des ans, on s’affirme plus et on a de plus en plus confiance en soi. On se fie davantage à son instinct aussi, car on sent mieux les choses. En même temps, on s’assouplit avec le temps, ce qui peut paraître paradoxal. Si j’ai en face de moi une personne de talent qui me fait croire en sa vision, je ne remettrai jamais cette vision en cause et je vais m’y abandonner totalement. 

Q. Vous êtes assez présente sur les réseaux sociaux et vous n’hésitez pas à prendre position à propos d’enjeux politiques et sociaux. Est-ce risqué ?

R. À mes yeux, les réseaux sociaux représentent un fil qui me permet d’être en lien avec des gens que je ne connais pas, que je ne pourrais pas reconnaître si je les croisais dans la rue, mais avec qui j’ai parfois l’impression de partager une certaine communauté d’esprit grâce à ce qu’ils écrivent. C’est un échange avec eux. Après, je ne pense jamais en fonction de la réaction que ces textes peuvent provoquer, ni à la polémique qu’ils peuvent susciter. Je sais que j’écris des choses qui peuvent parfois surprendre, mais j’assume complètement. Je suis aussi bien consciente des limites à ne pas franchir. Il faut faire preuve de prudence dans l’exhibitionnisme de sa parole autant que dans celui de sa personne.

Q. Vous êtes la vedette de Mirage, une série franco-canadienne [diffusée actuellement en France, elle le sera bientôt chez nous sur Crave] réalisée par Louis Choquette. Avez-vous le sentiment que la télévision et le cinéma sont maintenant devenus des vases communicants ?

R. Oui, car il y a de plus en plus de productions de qualité en télévision, réalisées par de bons metteurs en scène, dans lesquelles on trouve des rôles intéressants pour les acteurs. Mais ça, c’est quand on nous donne le temps de bien faire les choses. Je sais que des séries sont parfois tournées très rapidement, et cela ne m’attire pas trop, à moins que ce soit un exercice de style, ou une expérience d’ordre artistique.

Disappearance at Clifton Hill (Disparition à Clifton Hill en version française) prendra l’affiche le 28 février.