(Paris) Dans Rebelles, un film écrit et réalisé par Allan Mauduit (Vilaine), Cécile de France incarne une ancienne reine de beauté locale qui, 15 ans après avoir vécu sur la Côte d’Azur, revient par dépit s’installer chez sa mère dans la petite ville du Nord où elle a grandi. Avec Yolande Moreau et Audrey Lamy, l’actrice forme un trio de choc dans une comédie noire sur fond de grisaille sociale et de solidarité féminine. La Presse a rencontré l’actrice à Paris.

La dernière fois que l’on vous a vue au cinéma, vous portiez les costumes de Madame de la Pommeraye dans Mademoiselle de Joncquières, un film très élégant d’Emmanuel Mouret. Peut-on dire qu’avec Rebelles, vous effectuez un virage à 180 degrés ?

Tout à fait. Et il n’y a rien de plus amusant à faire ! C’est extraordinaire de pouvoir aller d’une grande aristocrate à la Madame de Merteuil, vengeresse et ultra féministe, à Rebelles, qui comporte aussi un discours féministe, mais livré d’une tout autre manière. C’est peut-être ce lien qui, inconsciemment, m’a plu. Sandra [son personnage dans Rebelles] est antipathique, méprisante envers sa mère, ses collègues, bref, elle rejette complètement ses racines prolétaires et le milieu ouvrier duquel elle est issue. Dans son esprit, son retour forcé à Boulogne-sur-Mer constitue un échec. Mais on verra son vernis craquer et on pourra découvrir ce qui se cache sous sa superficialité, d’où l’intérêt.

Très vite dans l’intrigue, Sandra tue accidentellement un patron d’usine beaucoup trop insistant dans ses avances de nature sexuelle. Dans un univers qui évoque parfois celui de Quentin Tarantino, cette ancienne reine de beauté locale s’alliera avec deux autres femmes ayant tout vu de l’affaire. Cette solidarité féminine prend-elle un nouvel écho à l’époque du #metoo ?

Il y a un grand changement dans les thèmes qu’on aborde et dans les rôles qu’on offre aux femmes présentement au cinéma, c’est certain. J’ai beaucoup de chance d’arriver à un âge parfait pour pouvoir les interpréter ! Cela dit, ces réalisateurs, qu’il s’agisse d’Emmanuel Mouret ou d’Allan Mauduit, ne se disent pas féministes, parce qu’ils voient dans ce mot – ils ne devraient pas – quelque chose de péjoratif. Ils préfèrent parler de films « féminins ». Il est vrai qu’il n’y a pas de militantisme dans leurs films ni de discours revendicatifs. Ils sont surtout centrés sur le plaisir de raconter une histoire et d’élaborer de vraies intrigues. Cela m’intéresse davantage que des traités intellectuels sur la condition de la femme. Je pense toujours au spectateur qui va s’installer dans son fauteuil et à qui on va raconter une histoire qui, on l’espère, le fera vibrer. C’est tout ce qui m’importe.

PHOTO ARTHUR MOLA, ASSOCIATED PRESS

Cécile de France à la première du film The New Pope à Venise en septembre dernier

Rebelles fait partie de ces films où le spectateur est parfaitement conscient de la nature fantaisiste de l’histoire, avec trois femmes dont on peut deviner le plaisir libérateur à faire les 400 coups, mais quand même campé dans un contexte réaliste. Comment trouve-t-on l’équilibre dans un tel univers ?

Nous sommes des travailleuses toutes les trois [Yolande Moreau, Audrey Lamy et Cécile de France]. Allan [Mauduit] exigeait d’ailleurs que nous abordions nos rôles de façon très sérieuse, car il ne voulait pas sombrer dans la parodie ou la caricature. Nous étions vraiment dans une volonté de rester dans le premier degré, même s’il aurait été tentant, avec un scénario comme celui-là, d’explorer d’autres dimensions, peut-être plus décalées ou ironiques. Mais Allan a eu raison de nous maintenir au premier niveau, car c’est ce qui fonctionne. Toutes les trois nous sommes entendues pour travailler de la même manière, très concentrées, malgré nos épisodes de rigolade !

Votre apparence physique est très différente dans Rebelles. Comment l’avez-vous composée ?

Cela se fait en collaboration, bien sûr. On s’est beaucoup amusés pour atteindre ce look particulier, qu’on appelle « cagole », spécifique à la Côte d’Azur. Il y a du bling bling, des faux ongles, le manteau léopard, le maquillage accentué, bref, nous voulions que l’archétype soit tout de suite évident. Et puis, ce contexte rendait possible une fantaisie, une inventivité qu’on retrouve plus rarement dans le cinéma français. Nous étions comme des enfants qui s’amusent à se déguiser, en fait. Il faut quand même trouver le bon dosage pour que tout ça reste crédible.

Allan Mauduit a eu beaucoup de difficulté à obtenir le feu vert pour faire ce film qui, pourtant, a obtenu l’an dernier le prix de la meilleure comédie au Festival de l’Alpe d’Huez, et a ensuite réuni près d’un million de spectateurs lors de sa sortie en salle en France. Pourquoi d’après vous ?

Parce qu’il y a un mec qui se fait couper la bite peut-être ! Ou parce que ce sont des femmes qui mènent l’action, allez savoir ! Je ne comprends pas bien. Je crois que l’aspect gore a peut-être aussi fait peur, alors qu’Allan a toujours été très clair dans son intention d’éviter le film violent. On est plutôt dans le burlesque, dans le tragi-comique, dans la comédie, quoi. Et puis, il y a quelque chose d’un peu belge dans cet humour !

Vous avez récemment tourné Comédie humaine, un film « à costumes » que Xavier Giannoli (Marguerite) a tiré du monument littéraire Les illusions perdues d’Honoré de Balzac. L’un de vos partenaires de jeu est un certain Xavier Dolan…

Nous avons d’ailleurs beaucoup de scènes ensemble, même si son rôle est plus important que le mien. J’y joue Madame de Bargeton, qui quitte sa province en compagnie de son jeune amant, Lucien de Rubempré [Benjamin Voisin], pour aller à Paris. Xavier joue un personnage [Raoul Nathan] qui évolue plutôt dans la sphère aristocratique, même s’il appartient aussi au milieu des journalistes. C’était super, vraiment !

Rebelles est présentement à l’affiche.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.