(Paris) Dans le nouveau film de Cédric Kahn, où elle donne la réplique à Catherine Deneuve, Emmanuelle Bercot incarne une femme qui, après trois ans d’absence, se présente au dîner d’anniversaire de sa mère sans s’annoncer, pour réclamer son dû. L’actrice ajoute ainsi un autre personnage « intense » à sa collection.

Il y a cinq ans, Emmanuelle Bercot fut l’une des personnalités les plus remarquées du Festival de Cannes. En plus de La tête haute, un film dont elle signait le scénario et la réalisation, choisi pour la soirée d’ouverture, elle était la tête d’affiche de Mon roi, un drame conjugal survolté (écrit et réalisé par Maïwenn), lequel, au soir de l’annonce du palmarès, lui a valu le prix d’interprétation féminine.

Dans Fête de famille, l’actrice incarne de nouveau une femme excessive, qui vient confronter les autres membres de sa famille sur tous les fronts, notamment à propos de la possible vente de la maison champêtre où s’entassent tous les souvenirs. Rien ne se fait dans la sérénité, ni face à la mère (incarnée par Catherine Deneuve) ni face aux deux frères (Cédric Kahn et Vincent Macaigne). Au cours d’un entretien accordé à La Presse, Emmanuelle Bercot a révélé avoir du mal à comprendre pourquoi on lui confie systématiquement ce genre de rôle.

« Je me pose souvent la question !, dit-elle. En France, on a un peu tendance à mettre les gens dans des cases, à toujours prendre les mêmes personnes pour faire les mêmes choses. Il y a aussi qu’on m’identifie beaucoup à Mon roi, ce qui fait que, logiquement, on pense à moi pour ce genre de personnage. » 

J’ai l’impression qu’on me demande toujours de jouer des rôles de femmes excessives dans leur façon d’exprimer leurs émotions et leurs douleurs.

Emmanuelle Bercot

PHOTO FOURNIE PAR FILMS OPALE

Catherine Deneuve dans Fête de famille, de Cédric Kahn

Une relation privilégiée avec Catherine Deneuve

Même si elle a déjà refusé plusieurs propositions dans ce registre, l’actrice a volontiers accepté celle que lui a faite Cédric Kahn (Les regrets, La prière). Fête de famille lui donnait en outre l’occasion de donner pour la première fois la réplique à Catherine Deneuve, l’actrice fétiche de ses propres films. Le tournage de De son vivant, le drame qu’elle a amorcé l’automne dernier, a d’ailleurs dû être suspendu pour une période indéterminée, à la suite de l’accident vasculaire subi par l’actrice principale de son film.

« J’entretiens avec Catherine une relation privilégiée, confie-t-elle. Comme partenaires de jeu, nous partions ainsi avec une longueur d’avance et ça a rendu les choses beaucoup plus faciles. L’amour que j’ai pour elle et la relation de complicité que nous avons dans la vie ne pouvaient que servir la vérité de ce qui se passe entre nous, même si, dans le film, nos rapports sont difficiles, alors qu’ils ne le sont pas du tout dans la vie. Nous n’avions pas à jouer l’évidence. Je crois d’ailleurs que la nature de notre relation a dû compter dans le choix de Cédric [Kahn] de faire appel à moi. »

Reconnue aussi à titre de cinéaste, Emmanuelle Bercot se met entièrement au service de celui ou celle qui mène le navire quand elle se retrouve sur un plateau à titre d’actrice.

« Je ne me fixe pas de limites, car j’estime que c’est au metteur en scène de le faire, explique-t-elle. C’est peut-être aussi pour ça qu’ils font appel à moi. Dans le cas de Fête de famille, je ne savais pas trop jusqu’où voulait aller Cédric au départ, mais au fur et à mesure du tournage, je me suis aperçue qu’il voulait aller très loin. Cela dit, il avait quand même intérêt — autant que moi — à ce que ce ne soit pas too much non plus, car il faut rester dans une forme de vraisemblance et de vérité. Tout est affaire de dosage. Tant que je ne triche pas, je pense qu’a priori, mon jeu ne peut pas être faux ni caricatural. Après, des gens trouveront le personnage hystérique, parce qu’il l’est de toute façon. Il est écrit comme ça. Or, si je me fixe moi-même des limites en tant qu’actrice, viendra un moment où je ne pourrai pas donner au metteur en scène ce qu’il souhaite. »

Cinéaste « par nécessité »

Dans l’esprit d’Emmanuelle Bercot, il existe un « avant » et un « après » Mon roi. Ce film a en effet permis à l’actrice de prendre enfin un envol qui ne s’était pas produit à l’époque où elle est devenue cinéaste « par nécessité ». Autrement dit, l’actrice n’était auparavant pas assez demandée pour pouvoir penser faire un jour sa marque sur ce plan.

« Au départ, je voulais surtout faire du théâtre, rappelle-t-elle. Je ne décrochais pas assez de rôles à mon goût et j’entrevoyais le moment où j’allais devenir serveuse. Je devais faire plein de petits boulots à côté pour pouvoir survivre. C’était vraiment difficile. Puis, j’ai entendu parler de la FEMIS [une école de cinéma publique] et j’ai eu une intuition très forte. Il me fallait passer le concours — ce que j’ai fait — et j’ai eu la piqûre. Cela dit, ce virage vers la réalisation est complètement inattendu dans mon parcours. Après, soit on vous fait une place, ou alors on ne vous en fait pas. Il se trouve que dès mon premier court métrage [Les vacances en 1997], j’ai eu un prix du jury à Cannes. Je n’ai plus jamais arrêté. Même si j’ai beaucoup travaillé, je suis bien consciente de la chance que j’ai eue. Pour ce qui est du talent, ce sont les autres qui en jugent ! »

Fête de famille prendra l’affiche le 24 janvier. Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.