Dans Merci pour tout, une comédie écrite par Isabelle Langlois et réalisée par Louise Archambault, Magalie Lépine-Blondeau et Julie Perreault incarnent deux sœurs en froid depuis un an, qui doivent partir ensemble aux Îles-de-la-Madeleine pour répandre les cendres de leur père, abonné à des affaires louches. Échange entre deux amies actrices.

Quand la proposition de jouer dans Merci pour tout est arrivée, Magalie Lépine-Blondeau et Julie Perreault se sont tout de suite appelées pour mesurer l’intérêt de l’une et de l’autre. C’était il y a deux ans. Les deux actrices étaient déjà amies, mais l’idée de jouer deux sœurs dans un road movie constituait une belle occasion de consolider cette amitié, d’autant qu’il s’agit pour elles de premiers rôles principaux au cinéma.

« Je crois que cette chimie transparaît à l’écran, mais il n’est pas obligatoire que deux acteurs soient des amis dans la vie pour la créer, fait remarquer Magalie Lépine-Blondeau. Cela dit, je crois que la véritable affection que nous éprouvons l’une pour l’autre a bonifié notre jeu, d’autant plus que la nature de l’histoire et le tournage loin de chez nous ont contribué à solidifier notre lien. »

« En plus, nous avons découvert que Magalie et moi avions exactement la même façon de travailler, ajoute Julie Perreault. Nous avons la même rigueur, nous recherchons la même authenticité et nous posions les mêmes questions à propos du texte. Tout était très facile entre nous. Le fait de tourner aux Îles-de-la-Madeleine a fait en sorte que nous avons vécu dans une espèce de bulle qui a favorisé l’amitié, je crois. »

Parfois, on travaille avec des partenaires avec qui on se sent super bien, mais ça reste moins organique. Dans notre cas, nous étions totalement à la même place.

 Julie Perreault

Avec la réalisatrice Louise Archambault (Il pleuvait des oiseaux), les actrices se sont aménagé des périodes de travail afin de préciser toutes les intentions des personnages, histoire d’éliminer les zones grises et d’arriver fin prêtes sur le plateau.

« Étonnamment, cette préparation nous a rendues plus libres, fait remarquer Magalie Lépine-Blondeau. Nous avons beaucoup réfléchi aux personnages en amont, à l’ensemble du scénario. Nous étions très soucieuses du langage cinématographique qui, à mon sens, doit se concentrer sur l’essentiel. Pour un acteur, il est important d’avoir un espace pour créer et il est impossible de le faire si tout est dit. Les silences sont éloquents aussi. Nous y étions très sensibles. »

Du petit au grand écran

Rompues aux séries télévisées, les actrices estiment qu’il existe encore au Québec une différence entre les approches télévisuelle et cinématographique, même si quelques séries sont de plus en plus conçues pour les plateformes.

« Cette différence est importante en tout cas, souligne Julie Perreault. Louise [Archambault] insistait pour que des choses à l’extérieur des mots existent entre nos personnages. À la télévision, les choses sont plus nommées, avec parfois des redites qui sont nécessaires à la bonne compréhension des choses. Dans Merci pour tout, on a essayé de laisser de la place afin que les personnages puissent respirer, qu’on puisse voir leur humanité. »

« Ce sont deux langages différents, indique Magalie Lépine-Blondeau. J’ai l’impression que le théâtre est l’art de l’acteur, le cinéma, celui du réalisateur, et la télé, celui du scénariste. À la télé, il occupe une place super importante, surtout au Québec, où l’on n’a pas toujours le temps ni les moyens d’illustrer les choses. »

Un état de fragilité

Le tournage de Merci pour tout a eu lieu l’hiver dernier, à un moment où les deux femmes étaient dans un état de vulnérabilité accrue.

« On ne peut jamais faire totalement abstraction de la personne que l’on est, mais je crois que cet état de fragilité a sans doute servi des personnages qui ont l’impression que tout s’effrite, résume Magalie Lépine-Blondeau. Nous n’étions pas maquillées, pas magnifiées. J’étais fatiguée et cernée pour vrai. Je traversais une période pas particulièrement glorieuse de ma vie et j’avais l’impression de marcher sur des sables mouvants. En conséquence, mon souvenir de tournage n’est pas léger du tout. Or, tout ça s’est estompé quand j’ai vu le film ! Ça reste une comédie légère, ça rend heureux et je trouve que j’ai l’air bien ! »

PHOTO FOURNIE PAR LES FILMS SÉVILLE

Magalie Lépine-Blondeau et Julie Perreault dans Merci pour tout, film de Louise Archambault 

« C’est la preuve que nous avons fait notre travail en croyant à ce que nous faisions, avec beaucoup de vérité, commente Julie Perreault. Je suis fière de ce film, que je trouve tendre et attachant. La réconciliation est un thème qui me touche beaucoup. »

Ayant des rôles d’égale importance, les deux actrices n’ont jamais eu l’impression de porter ce film sur leurs épaules, ce qui a été une très bonne chose à leurs yeux. Avec les années d’expérience qu’elles cumulent maintenant, Magalie Lépine-Blondeau et Julie Perreault ont en outre une plus grande maîtrise de leur art.

« Notre métier est une succession d’opportunités, qu’il faut savoir saisir pour s’améliorer, apprendre sur soi autant que sur les autres, dit Julie Perreault. Il arrive une période où tu sais que tu peux te déposer, où tu n’es plus dans le côté volontaire des choses. Une détente s’installe et c’est dans cette zone que tu peux vraiment être authentique et réellement dans le moment présent. Quand ça arrive, c’est formidable. Chaque projet amène son vertige, mais on contrôle ce vertige grâce au travail, avec la pleine conscience d’être capable de performer et d’être à la hauteur de ses capacités. »

« Ça ne peut pas vraiment arriver à un plus jeune âge, poursuit Magalie Lépine-Blondeau. Les femmes ont été conditionnées à plaire et, à la fin de l’adolescence et au début de la vingtaine, on a besoin de mettre à l’épreuve ce pouvoir de séduction. Or, c’est totalement contraire à l’abandon, à l’intériorité nécessaires pour exercer ce métier. Quand on s’adonne à être un tant soit peu jolie, tous les rôles qu’on nous offre sont ceux de jeunes filles de service ou des personnages liés à des fantasmes. En prenant de l’âge, il se produit quelque chose qui nous ramène à nous-même, dans le bon sens. Et les rôles deviennent plus intéressants. Cela dit, tout ça est en train de changer pour le mieux, car il y a de plus en plus de femmes qui écrivent et qui réalisent. »

Dans le regard des autres

Julie Perreault fait cependant remarquer que les actrices — et les acteurs — sont aussi tributaires du regard de celles et ceux qui, éventuellement, peuvent les embaucher.

« C’est ce qui est ingrat dans ce métier. On travaille pour se donner à soi-même une validation, mais ce sont quand même les autres qui nous donnent la permission de le faire et d’accéder à notre gravité et à notre profondeur. Je peux bien faire une introspection sur l’interprète que je veux devenir, mais tout dépend quand même des autres ! »

« Même si je voulais devenir comédienne depuis toujours, j’ai mis un temps fou à m’y mettre parce que j’avais peur de découvrir mon absence de talent ! répond Magalie Lépine-Blondeau. Comme je n’avais pas d’autre avenue, pas d’autre intérêt, je préférais vivre dans le déni et l’illusion. Un jour, je me suis dit que, bon, le talent ne se manifestera pas de façon immédiate, alors essayons de le peaufiner, de le travailler. La première fois que je me suis vue à la télé, je me suis dit : non, ce ne sera vraiment pas suffisant. On est très loin de Meryl Streep, là. Je me suis rendu compte qu’il fallait travailler, travailler et encore travailler, même quand on pense qu’on tient quelque chose. Ce métier, c’est une formation continue. »

Merci pour tout prend l’affiche le 25 décembre.