(BEVERLY HILLS, Californie) Abonné aux rôles de soutien, Paul Walter Hauser endosse le premier grand rôle de sa carrière dans Richard Jewell, plus récent film de Clint Eastwood. L’acteur américain de 33 ans a, entre autres, accepté le mandat pour s’élever contre l’injustice. La Presse l’a rencontré à Los Angeles.

Paul Walter Hauser n’a jamais rencontré Richard Jewell, mort en 2007 de complications cardiaques liées au diabète. Mais il a visiblement ce personnage authentique et d’une simplicité désarmante dans le sang.

D’abord parce que physiquement, les deux hommes se ressemblent à s’y méprendre. Et aussi — c’est le plus important — parce que Hauser se range du côté de Jewell dans l’invraisemblable histoire que cet habitant de l’État de Géorgie a vécue en 1996 durant la tenue des Jeux olympiques d’été à Atlanta.

Une histoire qui s’amorce dans la nuit du 26 au 27 juillet 1996 alors que les Jeux sont à mi-parcours. Agent de sécurité à Centennial Park, principal site des Jeux, Jewell découvre une bombe artisanale sous un banc. Autour de lui, des milliers de personnes assistent à un concert. Une évacuation est lancée en vitesse. Mais la bombe explose, fait deux morts et des dizaines de blessés. Sans l’intervention de Jewell, les conséquences auraient été pires. Retrouvé par les médias, il est porté aux nues.

Pendant ce temps, à la suite d’une information divulguée par un ancien employeur, Jewell se retrouve dans la ligne de mire du FBI. Le 30 juillet, sous la plume des journalistes Kathy Scruggs (Olivia Wilde dans le film) et Ron Martz de l’Atlanta Journal-Constitution, le monde entier apprend qu’il est suspecté de terrorisme. Sa vie et celle de sa mère Bobi (Kathy Bates), chez qui il habite, tournent au cauchemar.

PHOTO, RIC FELD, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le vrai Richard Jewell et sa mère, Bobi, le 28 octobre 1996. Tous deux s’adressaient aux médias après l’annonce que Jewell était lavé de tout soupçon dans l’affaire de l’attentat de Centennial Park.

L’enfer durera trois mois. Grâce à l’intervention d’un avocat de sa connaissance, Watson Bryant (Sam Rockwell), Jewell sera lavé de tout soupçon. Il reprendra peu à peu une vie normale et sera même embauché comme policier.

« Richard Jewell était un homme qui s’est consacré à sa communauté comme à sa famille, expose Paul Walter Hauser en entrevue. Toute sa vie, il a eu cette obsession de faire partie des forces de l’ordre. Mais plusieurs personnes ne le prenaient pas au sérieux pour toutes sortes de raisons. Il avait une maladie de la peau dont les traces se voyaient sur son visage. Il faisait de l’embonpoint. Il vivait avec sa mère. Tout cela faisait en sorte qu’il était la risée des gens autour de lui. Je crois que ce film va faire en sorte que les gens vont le respecter et apprécier ce qu’il a fait. »

Pas un saint, mais…

Comme le film de Clint Eastwood le suggère, Richard Jewell n’était pas un homme parfait. Il a fait des erreurs. Il a notamment outrepassé les pouvoirs que lui conféraient ses emplois d’agent de sécurité dans les années précédant les Jeux de 1996. C’est d’ailleurs son passage chaotique comme agent de sécurité sur le campus du Piedmont College, toujours en Géorgie, qui a mené le FBI à enquêter sur lui à la suite de l’attentat de Centennial Park.

Paul Walter Hauser, à qui Clint Eastwood a offert le rôle de Jewell sans audition, reconnaît que son personnage n’était pas un saint. Le tempérament « agressif » de ce dernier et son désir obsessionnel d’appliquer la loi à la lettre ont nui à ses perspectives de carrière. Par contre, l’acteur défend l’innocence de Hauser dans l’attentat de Centennial Park. Et encore aujourd’hui, la société n’est pas à l’abri de tels dérapages, estime-t-il.

« Nos façons de voir les choses ont évolué depuis 1996, soutient Hauser. Je crois qu’aujourd’hui, l’injustice nous indigne davantage. Mais tout n’est pas réglé. »

Nous devons faire un meilleur travail afin de protéger les gens victimes de fausses accusations. La perfection n’a pas été atteinte dans ce domaine, et j’espère qu’un film comme celui-ci va éveiller les consciences.

Paul Walter Hauser

On l’a dit plus haut, après avoir été innocenté, Jewell s’est accroché à ses vieux rêves et a même été embauché comme policier dans de petites communautés de Géorgie. Dans l’esprit de Paul Walter Hauser, cela s’explique par le fait que Jewell n’est pas tombé dans le piège de la généralisation.

« Il a compris qu’il faisait face à un événement isolé dans lequel quelques personnes ont eu tort, estime le comédien. Sa conclusion n’a pas été de voir en chaque policier un homme mauvais. Il s’est dit qu’il pouvait reprendre son travail, et c’est exactement ce qu’il a fait. »

Si Hauser avait eu l’occasion de rencontrer Jewell, que lui aurait-il dit ?

« D’abord, je lui aurais fait un gros câlin en lui disant être désolé pour tout ce qu’il a vécu, répond le comédien. Je lui souhaiterais de vivre une vie dépourvue de séquelles de ce qui lui est arrivé. J’ai eu vent qu’au moment où il a eu son malaise cardiaque, il a souri sur son lit de mort. Peut-être nous a-t-il quittés en paix. J’espère pouvoir le croiser, quelque part, un jour, afin de lui en parler. »

Une fois innocenté, Jewell a poursuivi le Piedmont College et plusieurs médias. Certaines ententes à l’amiable ont été conclues. Le 31 mai 2003, la police a arrêté Eric Rudolph, soupçonné depuis cinq ans d’être l’auteur de l’attentat de Centennial Park. Condamné à deux peines de prison à perpétuité, ce dernier est détenu à la prison à sécurité maximale de Florence, au Colorado.

Richard Jewell est à l’affiche. Les frais de ce reportage ont été payés par Warner Bros. Pictures.

Deux fois les Jeux olympiques

Dans le film I, Tonya de Craig Gillespie, Paul Walter Hauser incarnait Shawn Eckhardt, garde du corps de la patineuse artistique Tonya Harding. Ce dernier faisait partie d’un petit groupe de sombres individus qui ont fomenté l’attaque perpétrée contre Nancy Kerrigan, rivale de Harding, à quelques semaines des Jeux olympiques de Lillehammer en 1994. N’est-ce pas une drôle de coïncidence que le comédien se retrouve à nouveau dans un drame tiré d’une histoire vraie et campée durant les Jeux olympiques, cette fois à l’été 1996 à Atlanta ? « C’est incroyablement étrange, n’est-ce pas ? lance l’acteur en s’esclaffant. D’autant plus que tout ça [ses deux tournages] s’est passé en deux ans et demi. En fait, cela a même fait l’objet d’une blague à un talk-show de fin de soirée. L’animateur a lancé : “Hé ! Ne trouvez-vous pas que ce type, Richard Jewell, ressemble étrangement au gars qui a essayé de faire tomber Nancy Kerrigan ?” »