(Toulouse) S’extraire de l’atmosphère terrestre pendant plusieurs mois, voire années : loin des super héros des films sur l’espace, la réalisatrice française Alice Winocour explore dans Proxima les fragilités et limites d’une astronaute, en se fondant sur des expériences réelles.

Sarah, incarnée à l’écran par Eva Green, est une astronaute française, mais aussi mère célibataire d’une petite fille de 7 ans, choisie pour partir à bord d’une mission spatiale d’un an en vue d’un voyage sur Mars.

Et c’est, non pas dans l’espace, mais au cœur des centres d’entraînement des astronautes européens (ESA) à Cologne et de Star City à Baïkonour près de Moscou, qu’Alice Winocour embarque le spectateur.

« Car dans la réalité, la plus grande partie de la vie des astronautes, c’est l’entraînement, parfois ils ne partent jamais » dans l’espace, explique à l’AFP la réalisatrice.

Loin de l’image « très virile de l’astronaute conquérant des films américains », Alice Winocour s’intéresse à l’intime. « Être astronaute c’est faire l’expérience de la fragilité humaine parce qu’on est confronté à nos propres limites du fait qu’on appartient à cette planète ».

Présent lundi à l’avant-première du film, à la Cité de l’Espace à Toulouse, l’astrophysicien Sylvestre Maurice a été l’un des conseillers de la réalisatrice.

« Hop, on revient sur terre »

« Pour l’instant l’homme est cantonné à la banlieue de la terre, un jour il ira rejoindre nos robots sur mars, et là c’est trois ans à peu près. Ça devient très compliqué, car l’homme est fait pour vivre sur Terre, il n’est pas spatial », dit-il.

« Avec les voyages longue durée, on va avoir plein de problèmes physiologiques à gérer, mais aussi humains, émotionnels », estime ce spécialiste de l’exploration du système solaire.

« Aujourd’hui, dans les stations spatiales, dès qu’on a un petit problème, on monte dans un Soyouz et hop on revient sur Terre. Quand on ira sur Mars, il n’y aura pas de retour possible » avant plusieurs années, ajoute-t-il.

Cet éloignement d’avec la Terre, Alice Winocour le conjugue avec une autre séparation, celle d’une mère et sa fille, « et le sentiment de culpabilité de Sarah à l’idée de vivre son rêve ».

Pour coller au plus près du vécu des astronautes, la réalisatrice s’est plongée pendant deux ans dans leur univers, auprès notamment de Claudie Haigneré, la seule Française à être allée dans l’espace, en 1996 et 2001.

Le « frein » des enfants

« La séparation fait partie de la vie de l’astronaute, car on ne peut emporter qu’un petit bagage de 1,5 kg dans le vaisseau », raconte l’astronaute de 62 ans.

« J’ai le souvenir de cette extraction verticale de la fusée, quand on n’a pas encore atteint l’orbite. La séparation avec la terre est quelque chose qui m’a beaucoup marquée, mais aussi la séparation du milieu dans lequel on a toujours vécu », se souvient-elle.

« J’ai fait des missions de courtes durées, mais j’ai été doublure pour d’autres, plus longues. Dans ma tête j’étais donc prête à partir six mois », souligne-t-elle.

Et une mission martienne ? « Pas sûre que j’accepterais. On est en capacité de vivre avec sérénité une séparation si on peut se projeter. Pour aller sur Mars, il faudrait être taillé en héros », dit cette astronaute qui avait une fille de trois ans lors de sa deuxième mission spatiale.

Alice Winocour n’a pas choisi par hasard de mettre en scène une astronaute femme et mère : « au cinéma, je trouve qu’il y a très peu de super héroïnes qui ont des enfants. Ils sont souvent vus comme pouvant les détourner de leur mission », estime-t-elle.

« Est-ce qu’il faut vivre nos rêves, aller au bout de ce pour quoi on est fait, ou simplement essayer de ressembler à une mère parfaite ? », s’interroge la réalisatrice, qui redoute la transmission de ce « frein social » aux petites filles.

« Parmi les candidats pour devenir astronautes, il n’y a que 10 % de femmes », regrette Mme Haigneré.