(Québec) Plus de quatre mois après sa présentation au Festival de Cannes, le huitième long métrage de Xavier Dolan a eu droit hier à sa toute première rencontre publique. La capitale nationale est le point de départ d’une tournée spéciale qui amène l’équipe dans 15 cinémas du Québec cette semaine.

« J’aimerais vous dire à quel point je suis ému et fier de vous présenter ce film ! », a déclaré Xavier Dolan lors de la toute première présentation de Matthias et Maxime sur le sol québécois, dans l’une des salles d’un complexe cinématographique de Beauport, hier en début de soirée. « Ce film a été présenté à Cannes, entouré de gens qui parlent français, bien sûr, mais pas le québécois. Là, c’est autre chose. Il y a des gags, des insides qui ne pourront être compris que de vous. C’est ce qui m’enthousiasme. »

Point de tapis rouge ici, pas de glamour, pas de horde de photographes à la porte ni de meute de scribes à l’arrivée, mais une simple envie d’aller à la rencontre du public, de salle en salle. Avec, pour s’y diriger, un autobus peint à l’image de l’affiche du film, un peu comme ceux qu’on peut croiser au beau milieu d’une campagne électorale. Hier soir, l’autocar du show-business a fait escale dans trois cinémas à Québec.

Maintenant que le film est fait et que l’heure de vérité approche, oui, je veux voir le visage du public, voir comment il réagit, combien ils sont de spectateurs, de quel type ils sont.

Xavier Dolan en entrevue hier

« C’est particulièrement intéressant de le faire dans ce genre d’événement, où l’on voit ceux qui répondent à l’appel les premiers. Ça nous donne une indication sur l’identité de notre premier public, celui qui veut se tenir aux premières loges. J’imagine des jeunes, beaucoup. »

Un film avec des jeunes, sur des jeunes

Le récit de Matthias et Maxime, rappelons-le, dresse le portrait d’une bande d’amis, tous près de la trentaine, dont la dynamique est troublée après que Matthias (Gabriel D’Almeida Freitas) et Maxime (Xavier Dolan) eurent échangé un baiser pour les besoins d’un court métrage amateur que la jeune sœur « Oh my God » de l’un des gars a voulu tourner. Les vrais amis du cinéaste, Catherine Brunet, Pier-Luc Funk, Antoine Pilon, Adib Alkhalidey et Samuel Gauthier, sont de la partie, tout comme Anne Dorval, Micheline Bernard et Marilyn Castonguay.

« C’est un film avec des jeunes, sur des jeunes, même si on aborde plein d’autres sujets, précise Xavier Dolan. C’est à travers eux que ce film va exister. Ce sont eux qui vont l’aimer. Ou pas. La postérité du film est entre leurs mains. Cela dit, au Québec, on ne va pas beaucoup au cinéma. En tout cas, moins qu’ailleurs en Amérique du Nord. Mais pour moi, un film, ça se passe encore dans le noir, avec des gens avec qui on peut communier sans se connaître. »

PHOTO FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Une scène de Matthias et Maxime

Un autre rapport au cinéma

Dix ans après J’ai tué ma mère, et sept longs métrages plus tard, le rapport qu’entretient Xavier Dolan avec le cinéma a forcément évolué. Pour l’heure, il aimerait se concentrer davantage sur son métier d’acteur (il vient de tourner en France Comédie humaine, un film « en costumes » de Xavier Giannolli dans lequel il donne notamment la réplique à Gérard Depardieu), mais ne compte pas mettre la réalisation de côté. Il a d’ailleurs un projet de minisérie en tête.

« Là, j’ai surtout envie de jouer pour les autres, dit-il. Mon rapport au cinéma change parce que mon rapport à moi-même change aussi. J’ai envie d’un autre rapport au temps, d’une autre dynamique que celle de consacrer des années à un film qui sera encensé ou détruit en un claquement de doigts. »

Les grands festivals de cinéma m’enthousiasment toujours autant, mais je trouve épuisant le processus créatif d’un film. Et long. Je ne suis pas blasé du cinéma, mais j’ai envie d’un autre rythme de vie.

Xavier Dolan

Ceux qui rêveraient d’une version « longue » de The Death and Life of John F. Donovan, ou d’une transformation du film en minisérie, devront en faire leur deuil. Aux yeux du cinéaste, la version définitive de son premier long métrage en anglais est bien celle qui est actuellement à l’affiche. « La version en salle contient ce qu’il y a de meilleur, explique-t-il. J’ai offert le meilleur film que je pouvais avec le matériel qu’on a tourné. Je n’ai pas envie de le revisiter, ni maintenant ni plus tard. »

Un lancement « à la française »

Après avoir fait un essai du même genre, mais à plus petite échelle, lors de la sortie de La femme de mon frère de Monia Chokri, le distributeur québécois de Matthias et Maxime, Les Films Séville, a opté pour une formule de lancement calquée sur le modèle français, quasi inédite chez nous. À l’image de la façon dont les films sont souvent lancés outre-Atlantique, une série d’avant-premières a lieu le même soir dans quelques cinémas d’une région désignée, en amont de la sortie.

Alors qu’au Québec, l’usage habituel est d’organiser des avant-premières promotionnelles où le public est constitué d’invités et de gagnants de concours — bref, aucun spectateur payant —, voilà que les gens étaient cette fois invités à acheter des billets pour ces projections spéciales dont les présentations sont assurées par Xavier Dolan lui-même, toujours flanqué de quelques acteurs du film. Le parcours de cette tournée ? Québec hier, Mauricie et Lanaudière aujourd’hui, Estrie et Montérégie demain, Outaouais jeudi, Laurentides et Montréal dimanche. En tout, 15 cinémas proposent ces avant-premières, dont les recettes seront compilées dans le box-office général du film.

« L’essai que nous avons fait avec La femme de mon frère ayant été concluant, nous empruntons cette fois le même modèle sur une plus grande échelle », explique Marie-Hélène Lamarche, vice-présidente marketing et communications chez Séville. « Nous serons en mesure de faire une analyse plus poussée une fois la tournée complétée, mais tout se déroule très bien. »

On trouvait intéressante l’idée d’avoir tout de suite le pouls des admirateurs, d’autant que Xavier souhaitait se rendre dans le plus grand nombre de villes possible.

Marie-Hélène Lamarche

« Au moins le tiers des séances affiche déjà complet, et l’expérience nous a appris que plusieurs billets se vendent aussi le jour même de la présentation. »

À la sortie de la toute première séance d’hier, un sondage non scientifique, effectué à la porte, nous indique que la cote de satisfaction envers Matthias et Maxime était très élevée. Les admirateurs de la première heure, dont plusieurs se sont procuré les billets dès qu’ils ont été mis en vente, ont aussi été ravis de voir le cinéaste en chair et en os.

« Il était près de nous, on pouvait presque le toucher ! », a lancé, émue, une spectatrice.

Matthias et Maxime prendra l’affiche le 9 octobre.