Sans formation en cinéma, Nathan Ambrosioni a écrit, tourné et monté son premier long métrage à seulement 18 ans. D’où la comparaison avec un certain Xavier Dolan. Rencontre avec un cinéaste prometteur, salué par la critique et le public des festivals en France.

Nathan Ambrosioni ressemble à un adolescent qui a grandi d’un coup. D’ailleurs, il arrive avec la fougue et l’enthousiasme de ses 19 ans dans la salle de conférence de l’hôtel que son distributeur lui a réservée pour rencontrer les médias : « Je suis arrivé hier, dit le jeune Français. Je ne reste que quatre jours, mais j’aimerais bien voir les baleines sur le Saint-Laurent. »

Certains clichés n’ont pas d’âge…

Le réalisateur a tourné Les drapeaux de papier l’an dernier, avec un budget de 1 million d’euros, et ce, quelques semaines après avoir passé son bac (le diplôme de fin de lycée en France). Cet exploit lui a valu le surnom de « jeune Mozart du septième art » dans son patelin du sud de la France, la région Alpes-Côte d’Azur, où Ambrosioni est considéré comme un jeune prodige.

Avant la sortie de son film, une demi-douzaine de papiers sur le réalisateur ont été publiés dans Nice Matin : « J’avais beau dire au téléphone : “Vous avez publié un papier sur moi il y a une semaine”, ils me répondaient : “Oui, mais c’était un autre reporter.” »

Les drapeaux de papier raconte l’histoire d’une célibataire de 23 ans (Noémie Merlant), caissière dans un supermarché, qui voit son quotidien bouleversé par l’arrivée de son frère aîné, Vincent (Guillaume Gouix, qu’on a vu dans Les revenants et Hors les murs), qui sort tout juste de prison après y avoir purgé une peine de 12 ans. Il a coupé les ponts avec sa famille depuis son incarcération. Sa petite sœur se sentira responsable de la réinsertion sociale de son frère, resté un ado de 18 ans dans sa tête. « J’ai arrêté de grandir en prison », dira Vincent. Elle va l’héberger et l’aider.

Devenir adulte

Mais comment un lycéen qui a grandi dans une bonne famille d’un village de 5000 habitants, près de Grasse, a-t-il décidé de faire un film sur un sujet de société loin de son histoire personnelle ?

« Je suis tombé sur un article du journal Libération à propos d’un ex-prisonnier qui faisait “une sortie sèche” [sans accompagnement, parce que, selon les autorités, il y a trop de prisonniers en France]. J’ai eu envie d’explorer ce thème et j’ai créé le personnage de Vincent. »

Nathan Ambrosioni allait avoir 18 ans et désirait aussi parler de liberté et des familles défaites par le temps et les drames. Devenir adulte, « c’est une forme de liberté qu’il faut retrouver par soi-même », ajoute-t-il.

« Au fond, ce milieu social n’est pas si loin de ma réalité. La Côte d’Azur, c’est pas juste Cannes, les stars, les yachts de millionnaires… »

Ça tombe bien, car le créateur adore les personnages marginaux au cinéma. « Et aussi dans la vie, je m’intéresse aux gens qui ne rentrent pas dans les cases imposées par la société. »

Nathan Ambrosioni va cogner aux portes de plusieurs maisons de production avec son scénario en poche. Tout le monde lui répond : « Fais une école et viens nous voir après. » Ou encore : « Parle donc de jeunes de ton âge, écris une histoire plus proche de ton univers et de ta génération. »

Têtu, l’adolescent ne se décourage pas. Il persiste et trouve une productrice qui croit en lui. Sur le plateau, il se fait respecter des artistes et des techniciens qui ont plus du double de son âge. « Ils étaient tous heureux de faire partie de l’équipe d’un artiste qui fait son premier film. Je me sentais un peu comme un guide », dit-il.

La surprise de Mommy ! 

Il y a trois ans, pour la fête des Mères, Nathan Ambrosioni achète sur iTunes Mommy, de Xavier Dolan, pour le regarder avec sa mère, croyant qu’il s’agit d’une comédie légère et romantique. Surprise et stupéfaction : le cinéma d’auteur peut aussi donner des émotions fortes.

« J’ai vu Mommy neuf ou dix fois. Je me suis mis à dévorer tous les genres de cinéma. Grâce à Dolan, j’ai réalisé qu’il n’y avait pas d’âge pour débuter dans le métier. »

« Dolan parle du quotidien, des choses simples et profondément humaines, tout en faisant un cinéma très formel, poursuit-il. Or, la forme, c’est ce qui m’intéresse au cinéma. La manière est même rarement indissociable du résultat final. Si, par exemple, tu donnes un scénario identique à Xavier Dolan et aux frères Dardenne, ils ne feront pas du tout la même histoire avec ce même scénario. »

Les drapeaux de papier est « plastiquement » très maîtrisé. « Mon intention, c’était de faire un film qui fait appel à (presque) tous les sens, en travaillant le son, la lumière et les cadres. J’aime filmer les acteurs de près, de dos, avec la caméra qui effleure leur peau, leur nuque. »

À ses yeux, les émotions se lisent dans les visages, les mains, les nuques. « J’ai de la difficulté à filmer un paysage, une montagne, une fleur… Je me concentre sur les humains. »

Si Nathan Ambrosioni a su se donner les moyens de sa passion, il est bien conscient d’être une exception. « La plupart des jeunes de mon lycée ne s’intéressent pas au cinéma d’auteur. Quand je disais aux élèves que j’avais hâte de voir le prochain Terrence Malick, ils pensaient que je parlais d’un bâtiment. »

En salle.

Consultez l’horaire du film : https://ouvoir.ca/2018/les-drapeaux-de-papier