Elle est de toutes les scènes de La femme de mon frère, premier long métrage de Monia Chokri. Anne-Élisabeth Bossé tient aussi un rôle dans Menteur, la nouvelle comédie d’Émile Gaudreault. Elle animera aussi un gala Juste pour rire et sera à la barre de L’été, c’est fantastique à la radio. Et son année ne prendra pas fin sans dire Bye bye. Rencontre avec une actrice dont le rapport à la notoriété n’est pourtant pas si simple…

Anne-Élisabeth Bossé rentre tout juste de Cannes. La femme de mon frère, dont elle est la vedette, a eu l’honneur d’ouvrir la section Un certain regard et a même glané le prix Coup de cœur du jury. Dire que l’expérience de la Croisette a été un brin surréaliste relève de la litote.

« Je n’avais jusqu’alors jamais assisté à un festival de films de ma vie ! confie l’actrice au cours d’un entretien à La Presse. Quelle frénésie, c’est inimaginable ! Il y a tellement de glamour, de dîners, de rencontres, c’est à la fois époustouflant et étourdissant. Quand le tourbillon des entrevues s’est calmé, j’en ai profité pour aller voir des films, en running shoes et avec mon sac à dos. J’ai réalisé que je ne consommais pas assez de cinéma, que j’aime encore plus ça que je ne le croyais. Ça fait partie des affaires plus groundées que j’ai vécues pendant mon expérience cannoise. Comme mon programme était moins chargé que celui de Monia, j’ai aussi eu l’occasion de partir seule faire la touriste. »

Y mettre du cœur

La comédienne ne pouvait évidemment pas deviner le destin du film au moment où le rôle lui a été proposé, mais celle qui a d’abord été remarquée au cinéma dans Les amours imaginaires, de Xavier Dolan, a été séduite dès la lecture du scénario par ce personnage qu’elle trouve résolument moderne. 

« J’aimais cette parole-là, souligne la comédienne. Il était pour moi évident à la lecture que ce scénario était écrit par une actrice, par une femme. J’aimais aussi le niveau de langage, qu’on n’entend pas souvent, et qu’il fallait se mettre en bouche. Je cherchais déjà comment rendre ce personnage attachant, malgré tout. Sophia [le personnage qu’elle incarne] vit quelque chose de difficile. Elle est antipathique, son humour est super ironique et elle est toujours dans le sarcasme. En tant qu’actrice, il me fallait trouver une façon de mettre du cœur à ce personnage. »

Quand Monia Chokri lui a montré son film la première fois, Anne-Élisabeth Bossé a ressenti un choc parce qu’elle n’a pu faire autrement que de « juger » sa performance, un exercice toujours éprouvant.

« Je savais que j’allais aimer le film, mais pas à ce point-là, dit-elle. J’étais un peu sonnée. Vraiment. Je ne pensais pas que la réalisation serait aussi audacieuse. Lors du tournage, je n’avais pas perçu non plus l’aspect poétique très assumé que Monia a mis dans son film. Au visionnement d’équipe, nous étions tous très émus et très fiers. »

Une vedette populaire

Au fil des ans, Anne-Élisabeth Bossé a pu se bâtir une notoriété qui l’élève maintenant au rang des vedettes les plus populaires du Québec. Ayant toujours beaucoup travaillé depuis sa sortie du Conservatoire d’art dramatique de Montréal, quitte à tourner « parfois 12 séries web la même année », l’actrice n’a pas trop conscience de son statut. Elle voit plutôt cela comme une progression, étant donné qu’il lui aura quand même fallu quelques années pour en arriver là.

« Quand on exerce ce métier au Québec, on est choyé parce qu’on peut mener une vie ordinaire quand même, fait-elle remarquer. J’habite un duplex dans Rosemont et je vais faire mon épicerie à pied, avec mes sacs réutilisables… Les gens sont très respectueux. Je crois qu’on a le meilleur des deux mondes. Bien franchement, on a une maudite belle vie. »

« Je suis entrée dans le cœur des gens, et ça, c’est un sentiment très particulier dont je ne reviendrai jamais. Moi, Anne-Élisabeth Bossé, une fille tellement ordinaire au nom composé, j’ai réussi à tirer mon épingle du jeu. Ça me flabbergaste encore. »

Cette consécration est cependant accompagnée de son corollaire : la crainte de voir tout ça s’éteindre un jour. L’actrice y pense. Sans arrêt.

« C’est peut-être pour ça que j’ai de la difficulté à parler de notoriété, de succès, de Cannes, de conte de fées et tout ça. Comme si le fait de toucher au bonheur ferait en sorte qu’il pourrait s’enfuir. Pourtant, ce n’est pas vrai. Mon défi, cette année, est d’apprendre à en parler, à l’accepter. Mais j’ai toujours l’impression qu’il va s’enfuir. C’est dans ma nature. Je doute, j’ai peur, je suis anxieuse, je fatigue… Je dois faire attention. »

La théorie du bambou

PHOTO STÉPHANE MAHÉ, REUTERS

Anne-Élisabeth Bossé et Monia Chokri à Cannes

La saison estivale s’annonce particulièrement chargée pour la covedette de la série En tout cas. L’actrice est aussi de la distribution de Menteur, la nouvelle comédie d’Émile Gaudreault (De père en flic). Dans ce film où les mensonges du personnage mythomane qu’incarne Louis-José Houde prennent réellement forme, elle tient le rôle d’une femme qui tombe éperdument amoureuse de son beau-frère.

« Le niveau de jeu est très particulier parce qu’on est dans les fantasmes du personnage de Louis-José. Donc, on y va la pédale au fond parce qu’on évolue dans une réalité parallèle.

“Mes années d’impro m’ont beaucoup aidée à m’ajuster d’une production à une autre, dit-elle par ailleurs. Il faut un mélange d’obéissance et de personnalité, je dirais. Quelqu’un qui n’est qu’un bon soldat ne pourra pas s’en sortir parce que ce ne sont pas tous les réalisateurs qui savent trouver les bons mots pour expliquer ce qu’ils veulent. Il faut avoir un peu d’instinct. Un acteur qui arrive en kamikaze en imposant sa vision du personnage ne sert pas la personne qui réalise non plus. Il faut trouver le bon dosage. Plier tel le bambou, mais ne pas casser !”

Place à l’humour

En plus de passer ses fins d’après-midi dans le studio de Rouge fm, où elle sera à la barre de L’été, c’est fantastique pendant deux mois à compter du 25 juin, Anne-Élisabeth Bossé animera le 18 juillet son gala au Festival Juste pour rire. Elle y accueillera des invités comme Sébastien Dubé, Dominic Paquet et Alexandre Forest. Pour celle qui a hésité entre l’École nationale de l’humour et le Conservatoire, c’était une belle occasion à saisir.

“Ça renoue avec la petite Anne-Élisabeth qui aimait tellement l’humour : Yvon Deschamps, Martin Matte, Jean-Marc Parent”, explique-t-elle quand on lui demande pourquoi elle a accepté ce défi. 

“Il se trouve qu’on me l’a demandé souvent et je refusais toujours parce que je ne m’estimais pas à la hauteur. Mais là, si ces gens reviennent à la charge en pensant que je peux le faire, j’ai le goût de leur faire confiance !”

Amoureuse d’un humoriste (Guillaume Pineault), l’actrice a eu l’occasion de voir évoluer plusieurs artisans de la nouvelle génération. Elle a éprouvé de vrais coups de cœur pour quelques-uns d’entre eux.

“Forcément, l’humour évolue, observe-t-elle. Le mouvement #metoo a changé des choses dans toutes les sphères de la société, y compris en humour. Les humoristes en sont maintenant conscients, comme les réalisateurs. Je ne crois pas que la liberté de parole en soit affectée, au contraire. On peut tout dire, mais tout est dans la manière de le dire.”

Et le Bye bye dans tout ça ?

“On a d’abord sondé mon intérêt, mais je n’ai même pas hésité une seconde. Bien sûr que je voulais ! Ça peut être le plus beau des projets et le pire en même temps, car on s’expose énormément et les critiques peuvent être sévères. Mais je trouve qu’il y a quelque chose de très stimulant dans tout ça. C’est un grand honneur, en tout cas !”

La femme de mon frère prend l’affiche le 7 juin. Menteur prend l’affiche le 10 juillet. La Carte blanche Bossé et ses invités aura lieu le 18 juillet dans le cadre du Festival Juste pour rire.