Dix-huit ans après le succès de Tanguy, devenu un phénomène de société en plus d’un film culte, le réalisateur français Étienne Chatiliez remet ça avec Tanguy, le retour. À 44 ans, notre Tanguy vient de se faire abandonner par sa femme et revient chez ses parents, avec sa fille adolescente. Celui à qui on doit les films La vie est un long fleuve tranquille, Tatie Danielle et Le bonheur est dans le pré prend toujours autant de plaisir, avec un brin de méchanceté, à montrer les travers de ses contemporains. Entrevue.

Après sa sortie en 2001, Tanguy est devenu un phénomène de société, le prénom est devenu un adjectif sociétal qui désigne les enfants qui ne veulent pas quitter le nid familial. Vous avez créé un monstre !

Tout à fait. Tanguy, le retour est un film d’horreur, alors vous avez tout à fait raison de dire que c’est un monstre. C’est d’autant plus drôle que d’habitude, les enfants qui restent chez leurs parents jusqu’à un âge tardif et qui reviennent, c’est très souvent dû à un problème économique, ce qui n’est pas le cas de Tanguy, qui est devenu l’emblème d’une génération alors qu’il n’en a même pas les symptômes. Je dis de lui que c’est un psychopathe, mais finalement, la réalité est moins amusante que le Tanguy que nous proposons.

Le prénom Tanguy n’est plus donné en France…

En 2001, 1800 bébés étaient prénommés Tanguy, en 2018, ils n’étaient plus que 6, toutes nos excuses.

Il faut dire que Tanguy est vraiment trop bien chez ses parents…

C’est sa pathologie. Il a toujours eu envie de vivre avec ses parents, ou les parents de sa femme, ce qu’il avait réussi à faire à la fin du Tanguy de 2001. Il déménage en Chine chez sa femme qui vit avec ses parents et grands-parents. Pour lui, c’est un monde idéal. Ça fait 16 ans qu’il y vit, avec sa femme et leur enfant. Elle va le quitter et d’un seul coup, il prend l’avion avec sa fille de 16 ans sous le bras, débarque à Paris chez ses parents, sans même leur téléphoner. Et c’est retour à la case départ !

Pourquoi faire une suite, si tard ?

Pourquoi pas ! Justement, c’est parce que c’est tard ! Je ne pense pas que je l’aurais fait trois ou quatre ans après. Ce n’est pas moi qui ai eu l’idée, ce sont les producteurs qui avaient envie de revoir les personnages. J’ai trouvé assez rapidement une histoire. Il y a d’une part ce Tanguy, qui est très particulier, mais d’autre part, les parents, qui sont des retraités qui s’aiment toujours après plus de 45 ans de vie commune et qui sont très bien ensemble. Ça me semblait déjà assez unique et idéal, ce qui donnait envie de les retrouver.

On a l’impression que chez vous, il y a quelque chose de jouissif et de très politiquement incorrect pour des parents de dire des horreurs sur leur propre enfant.

Oui et pour moi, c’est vraiment ça, le sujet de Tanguy. Tous les parents du monde adorent leur enfant, la chair de leur chair, mais une minute par jour, ils ont envie de le buter, mais ça, on n’a jamais le droit de le dire. Ça défoule par l’intermédiaire d’un écran ! L’enfant est toujours inattaquable et on vit dans une société où l’enfant est roi, car il y en a de moins en moins, alors ils prennent une importance terrible. Les parents sont plus sympathiques qu’il y a 50 ans, alors la cohabitation est plus facile, le fossé des générations est moins grand. On est responsable aussi de cela, mais dans le cas de Tanguy, quand vous avez un psychopathe chez vous, il n’y a pas grand-chose à faire et je ne suis pas certain que ses parents soient responsables de quoi que ce soit. Je ne pense pas qu’Édith et Paul, les parents de Tanguy, soient égoïstes. Mais ça pose le problème des vieux dans notre société. Qu’est-ce qu’on en fait ? Et toute personne qui ne rapporte plus, et qui ne consomme pas, n’est pas très intéressante pour la société en général.

Le film est sorti en France le 10 avril, les critiques sont très sévères.

Je ne les ai pas lues. Je ne sais pas lire ! Vous savez, je n’ai toujours pas eu de bonnes critiques, ce n’est pas nouveau comme phénomène. J’ai eu des critiques effroyables pour Tatie Danielle et pour Le bonheur est dans le pré, donc je suis habitué.

Il était tout de même risqué de faire une suite à Tanguy.

Oui, bien évidemment que c’est un risque, mais vivre est un risque. J’ai complètement oublié tout ça, je me suis mis au travail. J’ai beaucoup aimé travailler sur ce film, de l’écriture jusqu’à la réalisation. J’essaie de parler du pays dans lequel je vis, de faire une satire dont je ne m’exclus pas. La comédie permet de parler de sujets difficilement acceptables. En faisant rire les gens, on leur faire admettre, le temps d’un instant, quelque chose qu’un long discours n’aurait pas réussi à faire.

Est-ce plus difficile de faire rire aujourd’hui ?

Non, je n’ai pas l’impression, même si on entend des tas de choses comme : peut-on rire de tout ? Il y a en France une humoriste, Blanche Gardin, qui dit des choses extrêmement risquées. Elle a un talent fou et une intelligence phénoménale, ce qui prouve qu’il y a des gens qui peuvent encore le faire.