Père et mère, soeurs et frères, enfants, cousins, belles-mères, grands-pères, gendres et brus. La vie commence et généralement se termine autour de la famille. Un thème inépuisable au cinéma. Mais toujours pertinent, assure Jean-Paul Rouve, réalisateur de Lola et ses frères.

Lola et ses frères s'ouvre sur la démolition programmée de deux tours jumelles, une métaphore, on le comprendra bien vite, de la fragilité des relations humaines à l'intérieur d'une famille. Parce que, comme le dit l'expression populaire, on choisit ses amis, mais pas sa famille.

Sans surprise, ce thème porteur a été exploré au cinéma par le passé. Mais il recelait quand même assez de potentiel pour nourrir le scénario, joliment tissé de moments très drôles et d'autres assez dramatiques, de ce film coécrit par David Foenkinos et Jean-Paul Rouve, qui avaient bossé ensemble sur le long métrage Les souvenirs en 2015.

«David et moi aimons bien parler de relations humaines et nous avions envie de travailler sur les relations frères-soeurs, dit en entrevue téléphonique depuis la France M. Rouve, qui a aussi réalisé le film en plus d'incarner un des trois principaux personnages. Ce qui nous a plu ici est le fait qu'on ne choisit pas ses frères et soeurs.»

Dans le cas présent, observe-t-il, on retrouve trois personnes qui n'ont pas beaucoup de choses en commun, si ce n'est d'avoir des vies amoureuses tordues. Opticien, Benoit (Rouve) en est à son troisième mariage, alors que Pierre (José Garcia), expert en démolition, est dépassé par un récent licenciement. Petite soeur des deux autres, Lola (Ludivine Sagnier) est une avocate vivant une nouvelle relation amoureuse qui ravive son désir de maternité. S'ils ont un semblant d'unité lorsqu'ils se réunissent, une fois par semaine, devant la sépulture de leurs parents, ils ne mettent pas de temps à se tomber sur les nerfs, ne tolérant aucun faux pas.

«Sans liens filiaux, ces trois-là ne seraient peut-être même pas amis dans la vie. Mais comme ils sont frères et soeurs, cela crée chez eux une obligation de vie. Ce paradoxe nous amusait beaucoup.»

Le réalisateur et acteur, qu'on a vu dans La môme, Dalida et Le sens de la fête, assure que ni David Foenkinos ni lui n'ont nourri le scénario de leur propre histoire. «Ce qui nous plaît est d'inventer sans aller puiser dans nos vies. Inventer des histoires, des personnages est ce qui nous amuse le plus. Je ne sais pas si cela demande plus de travail, mais c'est notre façon de fonctionner.»

Complexe Lola

Comme le suggère le titre, le personnage de Lola est central à l'histoire. Si chacun des membres de la fratrie a ses enjeux, c'est elle qui est le liant.

Pour l'interpréter, M. Rouve a fait appel à Ludivine Sagnier (Huit femmes, Swimming Pool, L'ennemi public n1) qui, dit-il, avait toutes les qualités requises pour représenter un personnage complexe.

«Lola est la petite soeur des deux frères qui l'étouffent. Mais en même temps, c'est leur mère, constate Jean-Paul Rouve. C'est elle qui tient la baraque. J'ai trouvé ce mélange [entre la cadette étouffée et la mère] chez Ludivine. Elle dégage ces deux attitudes, ces deux comportements un peu contradictoires.»

La vie et ses petits mensonges

Pierre est quant à lui engoncé dans une situation ingérable (un fils à Cambridge et des ressources financières qui se tarissent) qui le force à mentir à tout le monde autour de lui pour garder la tête hors de l'eau. Or, justement, le mensonge est un thème cher à M. Rouve.

«Souvent, au cinéma, les gens ne mentent pas beaucoup. Ou, au contraire, le mensonge devient le sujet central d'un film. Sauf que dans la vie, on retrouve plein de petits mensonges. On adapte ce que l'on dit à la personne avec qui on est. Nous trouvions intéressant d'inclure cette réalité dans notre écriture afin que nos personnages soient les plus vrais possible.»

Et que dire de Benoit? «Au début, je ne devais pas jouer dans le film, répond-il. Le comédien choisi a eu un conflit d'horaire et je me suis retrouvé au pied du mur à cinq semaines du tournage. Et comme je connaissais le personnage par coeur, aussi bien le jouer. Cela dit, Benoit est un enfant! Il vit comme un adolescent. Il est marié, mais a une vie de célibataire. Il s'est construit son monde et ne veut surtout pas que le moindre grain de sable vienne perturber ou contrarier le confort qu'il s'est créé.»

Autrement dit, Benoit n'aime pas qu'on le dérange. Mais quand on a un frère et une soeur plus jeunes qui envoient des signes d'alerte, Benoit n'est jamais loin.

Lola et ses frères est en salle.

Photo fournie par AZ Films

José Garcia, Ludivine Sagnier et Jean-Paul Rouve sont frères et soeurs dans Lola et ses frères.